Pour se reposer un peu des discussions « philosophiques » sur l’art, la beauté, l’esthétique, discussions qui reprendront dans une prochaine note, voici un joli bronze appartenant à Monsieur C. de Lyon, et qui nous en envoie de belles photos.
Il s’agit du Chevreuil, de Clovis Masson.
On ne sait pas beaucoup de choses sur Clovis Masson, si ce n’est qu’il est né Paris en 1838 et est mort en 1913, qu’il fut élève de Barye père (Antoine-Louis) et de Rouillard (le sculpteur qui réalisa notamment le Cheval à la herse, devant le Musée d’Orsay à Paris), et qu’il participa régulièrement au Salon de 1867 à 1909. Il est aussi le père de Jules Edmond Masson (1871-1932), sculpteur et graveur en médailles qui connut lui aussi un certain succès.
Clovis Masson réalisa de nombreux sujets, essentiellement des fauves et des cerfs. Comme beaucoup d’autres, dont Mêne, il fit un Combat de cerfs intéressant. Toutefois, toutes ses pièces ne sont pas d’égale qualité car il leur manque souvent un pu de nervosité, et en cela il se rapproche de Dubucand (1828-1894), qui aurait également été élève de Barye. On dit que l’illustre artiste n’était pas très bon professeur, incapable de transmettre son génie à ses élèves. C’est possible et effectivement, bien que les bronzes de bon nombre de sculpteurs soient remarquables, il manque à la plupart la nervosité sans affectation et le naturel des sujets de Barye.
Le chevreuil de notre collectionneur fait clairement exception parmi les oeuvres de Masson : il est absolument superbe à tous points de vue. L’exactitude morphologique, la naturel de l’attitude, la finesse de la ciselure (il faut admirer le détail des bois, le poil, les sabots…), la réalisation de la fonte sont remarquables.
Ce bronze mesure 26,5 cm de long, 29,5 cm de haut et 11 cm de profondeur. Le dessous du socle montre un montage ancien, ce qui ne fait que confirmer le sentiment laissé par la fonte parfaite.
Le chevreuil est un mammifère ruminant de la famille des cervidés très courant en France, dans les bois et les champs proches des forêts. Un trajet en TGV ou en voiture sur autoroute un soir d’été permet à coup sûr d’en voir à la lisière des champs de blé et des les grandes plaines cultivées, parfois en très grand nombre. C’est certainement le plus élégant des hôtes de nos bois. C’est un animal assez petit, mesurant environ 70 cm au garrot et pesant entre 20 et 25 kg. Ses petits bois ramifiés tombent chaque année, comme ceux du cerf, de l’élan, du renne. La femelle s’appelle la chevrette mais est souvent surnommée chèvre.
Le chevreuil n’a pas de queue et a les fesses couvertes de poils blancs : c’est « le miroir », dont la forme est différente sur le mâle ou la femelle. Il sert notamment de signal d’alerte : en cas de danger, l’animal hérisse les poils de son miroir. Le chevreuil aboie, tout à fait comme un chien. On l’entend dans les bois ou les plaines au moment du rut. Une autre caractéristique amusante de cette jolie bête : les brosses. Il s’agit de touffes de poils sombre à l’arrière des membres postérieurs. On les devine, légèrement en relief, sur le bronze de Masson (photo ci-dessus).
Quelle est la valeur de ce très joli bronze ? Il faut savoir que les modèles de Masson ne cotent généralement pas très haut : dans les résultats de vente aux enchères, presque tous se situent entre 500 et 800 Euros. Mais notre chevreuil fait semble-t-il exception à la règle car en général il est adjugé plus haut, ce qui est tout à fait justifié.
Il ne faut pas confondre ce modèle avec d’autres sujets de Masson comme le Brocard couché, évidemment (on appelle brocard un mâle adulte), mais également avec un autre Chevreuil debout, tout aussi joli et de taille analogue.
Voici quelques résultats :
– Paris févr. 2013 (notre version) : estimé 200 à 300 Euros et adjugé à 300 Euros.
– Paris avril 2012 (dans l’autre version) : adjugé 1200 Euros .
– Paris mai 2003 (notre version) : estimé 600 à 800 Euros mais adjugé à 1100 Euros.
– Soissons déc. 2000 (notre version, mais avec un socle en marbre blanc) : adjugé en francs à l’équivalent de 1700 Euros.
Le premier résultat, tout récent, est incompréhensible. Il est pourtant bien précisé qu’il s’agit d’une épreuve et la fonte est visiblement ancienne. Celui qui a obtenu cette pièce pour 300 Euros a fait une affaire formidable, comme cela arrive parfois en salle des ventes.
Un exemplaire a été mis en vente le 29 mars à Paris (étude Gros Delettrez) avec mention « Epreuve d’après Masson » ; il s’agit apparemment d’une bonne fonte. Il est estimé entre 1000 et 1200 Euros et, à l’heure où j’écris cette note, je n’ai pas encore le résultat.
Je pense qu’un sujet aussi gracieux et aussi bien réalisé pourrait être estimé entre 1000 et 1500 Euros.