Monsieur Laurent S. possède une jolie vache en bronze signée Dubucand, qu’il tient de son grand-père. « J’ai beau chercher sur internet l’histoire de ce bronze, nous dit-il, je ne trouve rien ».
Effectivement, on ne trouve presque rien sur Alfred Dubucand, ni sur internet ni dans les livres, et c’est une injustice car il a fait de très belles choses. Bien sûr, il y a quelques lignes dans le Dictionnaire des sculpteurs de Kjellberg, ou dans celui des sculpteurs animaliers, du Docteur Hachet, mais c’est finalement dans le très beau « Les Orientalistes » de Stéphane Richemond (Les Editions de l’Amateur) que j’ai trouvé le plus d’informations.
Alfred Dubucand est né à Paris (précisément : 14 rue Martrois) en 1828 et décédé en 1894. Il a commencé à exposer régulièrement en 1867 (39 ans) au Salon des artistes français, jusqu’en 1883. Selon les livres, Dubucand « est », « aurait été » ou « se dit » (on devine bien la nuance !) élève de Barye et Rouillard. Il obtint une médaille en 1879 pour son « Chasseur persan au guépard », qui est effectivement très beau : il représente un cavalier sur un splendide cheval, à la crinière et la queue soignées, marchant presque au pas d’école. Sur la croupe du cheval, juste derrière le chasseur, un guépard – que je trouve toutefois légèrement trop petit – est assis mais en position crispée comme il convient lorsqu’on est ainsi en position un peu instable !
Si les œuvres de Dubucand représentent parfois des personnages, ils sont toujours en compagnie d’animaux car il est essentiellement sculpteur animalier, d’inspiration largement orientaliste (d’où sa présence dans ce livre).
On apprend dans le dictionnaire du Dr.Hachet qu’il avait un fils (« E.Alfred Dubucand »), qui a exposé pendant 7 ans au Salon, à la fin du XIXème siècle, mais ne semble pas avoir connu la même renommée que son père.
Parmi les bronzes de Dubucand, je relève des pièces bien réalisées mais finalement de peu d’intérêt de nos jours car trop vues : Faisan, Cerf et biches, Cerf à l’écoute, Bécasse effrayée, Setter, etc. D’autres pièces sont elles aussi parfaitement travaillées mais plus originales ou charmantes : Cavalier et femme arabe à la fontaine, Paire de Greyhounds, Cavalier arabe avec deux lévriers, Chasseur berbère sur son dromadaire, etc. Deux pièces très surprenantes enfin : un Cavalier mexicain au lasso, incroyablement moderne, et une Chasse à l’autruche dans le Sahara, où l’on voit un cavalier au galop s’apprêtant à assommer d’un coup de trique une autruche elle aussi en pleine course.
L’une des pièces les plus connues de Dubucand, d’ailleurs reproduites dans les trois livres consultés, est « L’ânier du Caire », jolie scène représentant un jeune garçon négligemment accoudé sur son âne.
On est loin de la belle vache de notre internaute, mais il est intéressant d’évoquer un sculpteur parfois un peu oublié à l’ombre des Barye, Mêne, Frémiet, etc. Les bronzes de Dubucand ont la réputation d’être finement et joliment ciselés. C’est bien le cas de notre vache, d’un très grand réalisme. Vu la petite taille du pis, de nos jours il s’agirait presque plus d’une génisse que d’une bonne grosse laitière comme les usines à lait que l’on trouve maintenant dans nos champs.
Quelle valeur pour ce bronze, qui mesure environ 26 cm de long, 10 cm de large et 20 cm de haut ? J’ai tenté d’oublier combien le sujet des vaches me plaisait et de rester objectif, pour estimer cette pièce aux alentours de 700 Euros à 800 Euros. C’est tout à fait cohérent avec l’estimation de 500 Euros à 800 Euros donnée par l’étude Beaussant-Lefèvre lors de la vente du 4 juin 2008, où cette pièce était proposée. Mais il devait y avoir un collectionneur de vaches ou un passionné de Dubucand dans la salle car elle est partie à 1300 Euros hors frais soit environ 1600 Euros frais compris.
Merci à Monsieur S. pour ce bronze rare. Je lui recommande de nettoyer la vache sous l’eau tiède, de la sécher (voir ci-dessous), de la frotter avec une brosse à dent et un peu de savon (type savon de Marseille mais pas de produit liquide), puis de la frotter avec du cirage à chaussure marron (Kiwi, par exemple, mais pas de crème). Une fois sèche, il passera une brosse à reluire ou un chiffon et elle sera magnifique. Une astuce pour étaler facilement le cirage sans encrasser le bronze : le faire chauffer plusieurs minutes au sèche-cheveux. Appliqué aussitôt (j’utilise un pinceau), le cirage sera presque liquide.