LE LION AU SERPENT DE BARYE

Pour mettre en avant son nouveau parcours familial « Le bestiaire du musée », le Musée des Beaux-Arts de Lyon a mis en scène une petite fille rugissant face au « Lion au serpent » de Barye.

Il est agréable de voir qu’un bel hommage est ainsi rendu au plus connu des sculpteurs animaliers français, Antoine-Louis Barye (1795-1875), dont la famille était précisément installé à Lyon et qui se fit connaître avec deux œuvres : « Tigre dévorant un gavial » et ce fameux « Lion au serpent ».

Et Lyon a la chance d’avoir en dépôt le chef-modèle en plâtre de cette pièce monumentale (près de 2 m de long) créée en 1832 et éditée en bronze en 1905. Le bronze est d’ailleurs visible au Musée du Louvre.

Ce lion est une invitation à découvrir ou redécouvrir la riche collection de sculptures du musée de Lyon, le charmant jardin du Palais Saint-Pierre permettant aussi de trouver un peu de fraîcheur.

HERAKLES ARCHER PAR BOURDELLE

Le 29 juin dernier, l’étude Drouot-Estimations mettait en vente à Paris un bronze de Emile Antoine Bourdelle représentant Héraklès archer. L’œuvre était estimé entre 150 000 € et 200 000 €. La Gazette de Drouot du 24 juin consacrait plusieurs pages à l’événement.

Bourdelle est né à Montauban en 1861 et mort au Vésinet près de Paris en 1929 ; son père était menuisier-ébéniste et son fils a travaillé avec lui dès l’âge de 13 ans. En 1884, Bourdelle rentre au Beaux-Arts à Paris, après être passé par les Beaux-Arts de Toulouse. De 1893 à 1908, il travaille chez Rodin, dont il devient ami avant de se fâcher avec lui pour des histoires d’estimation du fonds d’atelier au moment du divorce de Bourdelle. A partir de 1909, il enseigne à l’école de La Grande Chaumière, où il aura pour élèves Giacometti, Germaine Richier, Matisse et bien d’autres.

Bourdelle, qui taillait la pierre et modelait la terre, a réalisé un très grand nombre d’œuvres monumentales. On retrouve ainsi ses créations sur la façade du théâtre des Champs-Elysées ou au Palais de Tokyo à Paris, au fort Vauban de Briançon, sur le monument aux morts de Montauban, l’opéra de Marseille, etc. Bourdelle a exposé à Bruxelles, à la Biennale de Venise, à New-York, Chicago, Cleveland, etc.

Le nombre d’œuvres de Bourdelle répertoriées est considérable. L’artiste a longtemps travaillé près de Montparnasse, dans la rue qui aujourd’hui porte son nom. Un musée lui est consacré.

Bourdelle a réalisé des œuvres de style différents : sa maternité est un modèle de délicatesse à la Dalou – que Bourdelle connaissait d’ailleurs bien – alors que sa Vierge à l’offrande fait penser aux anciennes sculptures bourguignonnes en bois et que « La force du Monument » annonce déjà, selon moi, la sculpture massive et colossale, sans âme, à la soviétique…

Revenons maintenant à notre Héraklès.

Selon les différents articles parus dans La Gazette de Drouot, l’idée de cette grande sculpture serait née de la rencontre aux « samedis Rodin » , au début du XXème siècle, de Bourdelle et d’un bel officier de cavalerie, le Commandant Doyen-Parigot, qui accepta de poser nu vers 1909, dans une pose très inconfortable, pour réaliser Hercule – « Héraklès » – effectuant le 6ème de ses 12 travaux : la chasse aux oiseaux carnivores du lac Stymphale. Doyen-Parigot mourra au front en 1916.

Bourdelle va modeler huit études différentes de son archer : l’arc, le rocher et surtout le visage du héros évoluent au fil du temps. Le modèle avait demandé à ne pas être reconnu, et peu à peu, l’artiste en viendra à styliser de plus en plus la tête d’Hercule.

Certaines de ces études seront éditées en bronze du vivant de l’artiste. Il existe aussi plusieurs tailles de l’archer. En effet, si le 8ème étude proposée à Drouot mesure 62 cm de haut, dès 1909 un riche industriel, Gabriel Thomas, demande à Bourdelle une version en bronze de plus de deux mètres de haut. Il demande aussi l’exclusivité du modèle mais l’Héraklès archer rencontre un tel succès lors de la « Nationale » de 1910 que Bourdelle rompt l’accord avec G.Thomas et fait éditer plusieurs exemplaires. Colin Lemoine, responsable des sculptures au musée Bourdelle, estime qu’il existe trente bronzes de la version finale de l’Archer de par le monde.

Et il se trouve que l’un de ces modèles, fondue par Alexis Rudier, est au musée des Beaux-Arts de Lyon, où il côtoie le Lion au serpent de Barye, le très beau Victor Hugo de Rodin et tant d’autres merveilles.

Cette œuvre de Bourdelle est très connue, et peut-être que les cahiers d’écoliers Héraklès, dont le verso s’ornait d’un Héraklès archer, y sont pour quelque chose. Il faut donc faire un effort de détachement pour la voir avec un œil neuf. Elle dégage une grande puissance : le dos très musclé, la grande taille de l’arc, la position des jambes, le regard vers le ciel, sont presque écrasants. La tête d’Héraklès n’est pas très belle et les mains comme les pieds sont un peu caricaturaux. D’ailleurs, on fit à Bourdelle d’avoir fait à Hercule des « pattes de lion ».

Mais cette exagération est parlante : la tête intrigue, inquiète presque, et on retrouve chez Rodin, par exemple dans les Bourgeois de Calais, les membres démesurés, avec un effet psychologique fort.

Et pour conclure, le résultat de la vente à Drouot : Héraklès archer a été adjugé le 30 juin à 216 000 € hors frais.

EXPOSITION TROUBETZKOY AU BORD DU LAC MAJEUR

Au bord du lac Majeur en Italie, il y a une très jolie petite ville : Verbania. Avec ses quais paisibles et fleuris, ses cafés sous les arcades, ses immenses villas anciennes et ses grands jardins, sa belle pâtisserie, sa statue de Charles Borromée, la vue sur les îles du même nom, Verbania possède un charme particulier et un peu désuet.

 

En haut d’une petite rue en pente, le « Museo Del Paesaggio » consacre une belle exposition au sculpteur Paul Troubetzkoy, dont on fête le 150ème anniversaire de la naissance et qui passa de longues années au bord du lac Majeur.

Cet artiste né en 1866 à Intra en Italie et mort en 1938 près de cette ville eut une vie dense, excessive comme peuvent l’être les Slaves. Son père était Russe, descendant d’une grande famille aristocratique (Troubetzkoy était prince), sa mère cantatrice et pianiste américaine, il s’est marié avec une Suédoise puis, devenu veuf, avec une Anglaise. Son fils est né en Finlande.

Monument aux morts

Excellent sculpteur, lauréat du Grand prix de sculpture à l’Exposition Universelle de 1900, Paul Troubetzkoy était un original, riche et perdant beaucoup d’argent au jeu, vivant avec des chiens, des loups et des ours, connu de tout le Gotha parisien et russe, dont il fait le portrait. Il était très proche de Tolstoï dont il a réalisé une beau portrait à cheval et avec qui il avait de longues discussions sur l’art et sa finalité. Il a fait réaliser ses bronzes chez les plus grands fondeurs : Hébrard et Valsuani.

Vers 1906, Troubetzkoy rejoint en France la famille Bugatti. Il réalise de très beaux portraits, très expressifs et étonnamment modernes, de Carlo Bugatti et de son fils Rembrandt.

On a dit de Troubetzkoy qu’il était proche du style de Rodin : il me semble qu’il a aussi inspiré Bugatti.

Museo Del Paesaggio – Via Ruga, 44 – Verbania – Italie – Fermé le lundi

www.museodelpaesaggio.it

ROSA BONHEUR SUR FRANCE CULTURE. DOMMAGE QUE…

Du 7 avril au 25 juillet, le musée national de Port-Royal des Champs présente une exposition sur « Rosa Bonheur et sa famille : trois générations d’artistes ».

Le 16 avril 2016, France Culture consacrait une émission à Rosa Bonheur, illustre artiste dont j’ai abondamment parlé ici. La journaliste Perrine Kervran m’a interrogé et j’ai donc participé – un peu – à cette émission, aux côtés notamment de Marie Borin, excellente biographe de Rosa Bonheur et qui est certainement la personne qui connaît le mieux cette grande artiste, puisqu’elle a eu accès à de très nombreux documents inédits dans les archives de sa propriété, le château de By à Thomery.

Le château de By à Thomery

L’intérêt d’une telle émission est de rendre l’artiste très vivante et d’être facile et agréable à écouter. Différents points de vue sont confrontés et c’est instructif : c’est donc une belle émission que je recommande.

Mais il est curieux de constater que l’émission consacre autant de temps à la supposée homosexualité de Rosa Bonheur : ce sujet revient à plusieurs reprises comme si c’était important. Or, jamais Rosa Bonheur, femme éminemment forte et libre, n’a déclaré ou laissé entendre qu’elle était homosexuelle, malgré les affirmations farfelues que l’on entend au cours de l’émission (« lesbienne assumée » !).

Comme le dit fort bien Marie Borin, Rosa a certainement été choquée, bouleversée par la vie très difficile de sa mère, dont un mari fantasque prenait fort peu soin, et qui est morte jeune d’épuisement. Son corps a été mis dans la fosse commune faute de moyens, alors que son père oubliait de faire vivre sa famille et se consacrait au saint-simonisme, alors devenu une sorte de secte un peu folle.

Si Rosa a choisi de ne pas se marier, c’est certainement, comme elle le dit, pour ne pas tomber sous la coupe d’un mari qui se comporterait comme son père (que pourtant elle aimait) vis-à-vis de son épouse. Rosa a donc choisi de vivre libre, partageant sa grande maison avec Mme Micas et sa fille – elle considérait la famille Micas comme sa propre famille – puis avec Anna Klumpke, artiste américaine. Il n’y a donc pas grand chose d’autre à en dire.

A propos de cette prétendue homosexualité, Rosa dira de ceux qui en ont vu la trace dans son amitié pour Nathalie Micas puis Anna Klumpke qu’ils n’ont rien compris. Elle précisera à la fin de sa vie qu’elle est « toujours restée pure » et fera écrire sur sa tombe que « l’amitié est une affection divine« . Elle appelait sa maison « le domaine de la parfaite amitié« .

Son indépendance d’esprit et financière, son anticonformisme surprenant pour son époque et qui s’exprimera tant de fois même vis-à-vis des rois, reines et empereurs, l’auraient conduit à assumer sans complexe sa condition homosexuelle si cela avait été la réalité – et nul n’aurait eu à la juger ! – mais ce n’est pas le cas. Il est risible d’entendre que le portrait où Rosa Bonheur pose avec un petit chien sur les genoux et son ami Anna près d’elle est la marque d’un petit couple bourgeois installé dans son homosexualité ! Les autres arguments avancés sont également sans fondements.

Il est vrai qu’en faisant intervenir très longuement une historienne d’art qui n’a pas écrit de livre sur Rosa Bonheur mais a participé au Mouvement de Libération des femmes (MLF) en 1971, à la fondation du Front homosexuel d’action révolutionnaire et des Gouines rouges, qui s’est fait une spécialité de l’homosexualité féminine, la journaliste savait à quoi s’attendre… Et d’ailleurs, sur le site de France Culture, Rosa Bonheur est présentée ainsi : « Reconnue à l’époque pour son Marché aux chevaux, on s’en souvient aujourd’hui comme une figure pionnière de la cause homosexuelle et féministe« . Tout est dit : son oeuvre n’aurait donc plus d’importance aujourd’hui mais ce qui compte, c’est d’imaginer sa vie intime et d’en faire un symbole d’une cause qui lui était en fait complètement étrangère et qu’elle a réfutée elle-même.

Dommage donc qu’une grande artiste comme Rosa Bonheur soit ainsi l’objet de jugements hâtifs et de tentatives de récupération alors que c’était une femme libre, indépendante, forte, généreuse, qui a pris les moyens de vivre différemment des autres, sans juger, mais qui n’aurait certainement pas appréciée de voir sa vie intime ainsi déformée, comme si son indépendance dérangeait et devait être vite rangée dans une case.

Hormis ces divagations (qui n’ont pas plus d’intérêt que de se demander si elle n’était pas végétarienne, si elle avait des enfants cachés ou si elle aurait été résistante ou collaboratrice pendant la guerre de 40 !), l’émission est très intéressante. Bien entendu, 59 minutes, c’est beaucoup trop court pour vraiment connaître la très riche vie de Rosa Bonheur et sa famille. Je conseille donc de lire plusieurs ouvrages :

L’indispensable Rosa Bonheur – Une artiste à l’aube du féminisme – Marie Borin.

Si vous réussissez à le trouver, le formidable et très touchant livre de Anna Klupke, qui a longtemps partagé le domicile et l’amitié de Rosa Bonheur

Le petit livre très bien fait édité par le Musée de Vernon à l’occasion d’une belle exposition sur Rosa Bonheur.

LES BEAUX MUSÉES DE PARIS : LE PETIT PALAIS

Après le Musée de l’Homme, le musée Cognacq-Jay, le musée Carnavalet, voici le musée du Petit-Palais.

Certains ignorent ce qu’abrite le Petit Palais à Paris, que l’on prend à tort pour une espèce d’accessoire du Grand Palais. Ceux qui montent les marches et franchissent la majestueuse porte de ce bâtiment construit pour l’Exposition Universelle de 1900 sont impressionnés par le taille du grand hall mais un peu étonnés par le vide de cette pièce ; ils risquent d’en déduire que le Petit Palais est plus ou moins abandonné, ou bien qu’il sert uniquement, comme le Grand Palais, à recevoir des expositions temporaires ou des manifestations de grande ampleur.

En réalité, il ne faut pas s’arrêter à ce premier coup d’œil : le musée du Petit Palais est l’un des plus beaux et des plus agréables musées de Paris. Comme le musée Carnavalet et le musée Cognacq Jay, l’accès aux collections permanentes est gratuit.

Le bâtiment a été conçu par l’architecte Charles Girault selon un plan en forme de trapèze. En son cœur, un agréable jardin bordé d’un péristyle est un lieu de promenade parfait.

Si le Petit Palais a été construit en 1900, les décors peints et sculptés, très riches, ont été réalisés entre 1903 et 1925. L’architecte a voulu donner un caractère grandiose à ce palais officiel : plafonds peints, escalier majestueux bordé d’une très belle rampe en fer forgé, coupole décorée par Maurice Denis, grands panneaux aux thèmes ambitieux (La Matière, La Pensée, La Mystique, La Plastique), bustes, médaillons… attirent l’œil et forcent l’admiration.

Les collections du musée sont très variées : de l’Antiquité à la période contemporaine, les différentes salles présentent de façon claire, aérée et moderne des objets, meubles, tableaux sculptures illustrant parfaitement le projet culturel de l’établissement : expérience de la beauté, intelligence du sens, désir de création.

La femme à l’arc – Marbre de Jules Desbois

Un grand nombre de ces œuvres ont été données par des collectionneurs passionnés : en 1902, les frères Dutuit ont légué 20 000 oeuvres diverses, allant d’objets antiques à des ensembles très complets de Rembrandt et Dürer en passant par des livres, des tableaux flamands, des ivoires, des manuscrits anciens, etc. En 1930, la donation Tuck permettait au Grand Palais de s’enrichir de nombreuses œuvres du XVIIIème siècle : meubles, tapisseries, tableaux primitifs, porcelaines, etc.  Et les legs ont ainsi continué jusqu’à nos jours avec des dessins de joaillerie, des sculptures de Landowski, des icônes russes, etc.

Julia Stell Tuck – Marbre de Louis Aimé Lejeune

Les salles du Petit Palais sont belles, claires, propres, reposantes. C’est un régal pour les yeux de s’attarder parmi les meubles XVIIIème, les vases de Gallé, les superbes coupes et rhytons de l’Antiquité, les maquettes de sculpture monumentales, les immenses tableaux, très évocateurs, de Gustave Doré, ou les scènes du Paris du XIXème siècle.

Alexandre et Bucéphale – Huile de G.B. Tiepolo

Pendule à orgues « Le concert des singes »

Bronze et porcelaine par Moisy, Chambellan et Kändler (vers 1755)

« Les premières funérailles » (Adam et Eve portant Abel) – Marbre de E.Barrias

 « La vallée de larmes » – Huile de Gustave Doré

On aurait tort de réduire les œuvres de Gustave Doré (1832-1883) aux gravures en noir et blanc illustrant la Bible, Pantagruel ou les Fables de la Fontaine. Il réalisa aussi d’immenses toiles notamment un cycle biblique exposé avec succès en Angleterre puis aux Etats-Unis. Ces peintures, oubliées, ont été retrouvées en 1947 dans un entrepôt de Manhattan et vendues aux enchères. Cette immense « Vallée de larmes » est extrêmement puissante et évocatrice. Peinte par l’artiste peu avant sa mort, elle montre le Christ partant vers sa Passion mais déjà presque auprès du Père. Au pied d’une haute falaise, il se retourne et voit le peuple humain épuisé qui le pleure mais ne parvient pas à le suivre jusqu’au bout, attendant son retour.

La Vierge aux anges – Huile de W.Bouguereau

Les Halles – Immense huile de Léon Lhermitte

Sans asile – Huile de Fernand Pelez

Une très vaste salle du Petit Palais est consacrée à la peinture XIXème et plusieurs toiles ont pour thème la vie populaire parisienne : « Les Halles », immense et très spectaculaire, « Les Saltimbanques », poignants avec leurs efforts pour donner dans leur misère l’illusion de la gaieté et du rêve, et cette scène de « Sans asile », qui valut à Pelez son premier succès au Salon en 1883. La femme aux yeux clairs, allaite un bébé mais est prostrée, écrasée, presque hallucinée par la sombre perspective qui s’ouvre devant elle. Trois enfants dorment près d’elle, dont l’un est pieds nus, tandis qu’un autre, assis, rumine de sombres pensées et peut-être des idées de vengeance. Toute la fortune de la famille expulsée est là : quelques hardes, un seau, un demi-poêle, un sac de jute servant de paillasse… Au mur, des restes d’affiches : sur l’une, le Ministère du travail annonce une adjudication au rabais de travaux à exécuter, sur les autres, dramatique ironie, une grande fête musicale et dansante, et une soirée dansante…

Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver – Claude Monet 

Deux magnifiques pélicans, bronze plutôt rare de Rembrandt Bugatti

Nausicaa – Lucien Simon

Jugement du Pape Formose – Jean-Paul Laurens

A la fin du IXème siècle, le pape Formose fut jugé post-mortem. Son corps fut exhumé et un procès eut lieu. Il finit dégradé de ses insignes pontificaux et son corps fut jeté dans le fleuve.

Cette histoire dramatique est en fait très compliquée. En 891, Formose devient pape. On ne connaît pas bien ses origines mais selon une certaine tradition, il était corse. Formose se trouva pris dans une tempête, au cœur de querelles entre les « grands » de ce monde : entre Eudes comte de Paris et Charles le Simple en France, entre l’archevêque de Cologne et celui de Hambourg qui se disputaient la Brême, entre le patriarche et le fils de l’Empereur à Constantinople. Forcé de couronner Empereur le duc Guy de Spolète, Formose convainquit Arnulf de Carinthie de venir combattre cet empereur et de libérer Rome et l’Italie, ce qui fut fait. A la mort de Formose, les papes Boniface VI puis Etienne VI lui succédèrent. Ce dernier était sous l’influence de la femme et du fils de Guy de Spolète, qui cherchaient à venger leur époux et père. Ils persuadèrent donc Etienne VI de juger Formose post-mortem, dans ce qu’on a appelé plus tard « Le concile cadavérique ».

Formose fut jugé indigne d’être pape : on lui retira ses insignes, on trancha les trois doigts de la main droite qu’il utilisait pour les bénédictions et consécrations, son corps fut jeté dans le Tibre. On le retrouva dans les filets des pêcheurs. Après la mort du Pape Etienne, le corps de Formose fut ré-enterré à Saint-Pierre et on interdit les procès post-mortem. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : Serge, pape de 904 à 911, valida les accusations portées contre Formose et exigea que les évêques consacrés par lui le fussent à nouveau, ce qui créa une grande confusion. Finalement, l’Eglise confirma les nominations faites par Formose, Serge étant identifié comme un grand pêcheur coupable de plusieurs assassinats.

Jean-Paul Laurens, républicain très anticlérical, s’est saisi de ces épisodes dramatiques pour en faire un tableau saisissant.

Toute la délicatesse et le talent de Carpeaux

dans ce charmant buste en plâtre

de Mademoiselle Fiocre, première danseuse à l’Opéra de Paris.

La Marquise de La Valette – Plâtre de Carpeaux

LES BEAUX MUSÉES DE PARIS : CARNAVALET

Après le Musée de l’Homme, le Musée Cognacq-Jay, voici le Musée Carnavalet, d’ailleurs situé à deux pas du précédent.

L’Hôtel Carnavalet est l’un des plus beaux ensembles du Marais. Sa construction date du milieu du XVIème siècle. Il fut acquis en 1578 par la veuve de François Le Kernevenoy, surnommé Carnavalet par les Parisiens. En 1866, Mansart remania les ailes et le bâtiment sur rue. Acheté par la ville de Paris, il fut agrandi pour recevoir les collections municipales, ouvertes au public à partir de 1880. Depuis 1989, le musée s’étend, par une « galerie de liaison », à l’Hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau.

Le musée est consacré à l’histoire de Paris et des ses habitants, de la préhistoire à nos jours. Malheureusement, lors de ma visite, un certain nombre de salles étaient en travaux.

Une partie du musée présente une importante collection d’enseignes, dont certaines spectaculaires.

« A la pensée » – Enseigne par A.Willette pour la maison Henry,

mercerie ganterie parfumerie rue du Faubourg Saint-Honoré

Des maquettes remarquablement bien faites représentent les vieux quartiers de Paris, en particulier l’ancien Marais avant sa destruction partielle et sa rénovation. On est saisi par l’étroitesse des rues, les fenêtres aux vis-à-vis trop proches, les courettes sans lumière. Les conditions de vie ne devaient pas être très gaies dans ces habitations sombres.

Le musée possède des collections très variées : meubles, tableaux, dessins, sculptures, bibelots… Plusieurs pièces sont meublées et décorées comme celles d’un appartement, à l’image de ce « Salon bleu » ci-dessous, qui vient de l’Hôtel de Breteuil autrefois avenue Matignon. Il a été acquis par le musée en 1922. Les meubles sont estampillés des plus grands ébénistes XVIIIème (Riesener, Lacroix, Weisweiller…).

Salon bleu de l’Hôtel de Breteuil

On regrettera que plusieurs cartels décrivant les œuvres manquent et que le personnel soit incapable de donner des explications. On n’a pu me dire de qui était cet immense portrait de Louis XVI…

Saint Jérôme, par L.S. Adam (1752)

La démolition des maisons du Pont-au-Change en 1788 – H.Robert

Au 1er étage, la galerie de liaison, qui fait donc la jonction avec l’Hôtel de Saint-Fargeau, présente une belle collection de peintures, issues de la donation Seligmann en 2000 et décrivant la vie parisienne mondaine de la Belle Epoque.

Femme au chien – F.Heilbuth

Parade des cavaliers au Grand Palais (1910) – R.Lelong

Le Cadre noir de Saumur avait participé à cette grande fête de charité

au profit des victimes des terribles inondations de 1910.

Le Dôme central de la galerie des machines durant l’exposition de 1889 – L.Béroud

Le musée Carnavalet consacre une grande partie de son espace à la Révolution française. On y voit des tableaux, bustes, objets, reconstitution de cette terrible période. En voyant les scènes de décapitation de femmes, la tête de la Reine brandie par le bourreau, la foule parisienne avide réclamant toujours plus de sang, l’inventaire des massacres notamment dans les régions de l’ouest, l’assassinat de Lavoisier (« La révolution n’a que faire des savants ! »), les têtes promenées dans les rues, les destructions massives d’œuvres d’art, on ne peut s’empêcher d’être épouvanté par cette barbarie.