LA VALEUR D’UN BRONZE : « LA PANTHÈRE DE TUNIS » DE A.-L. BARYE
Monsieur Eric C. de Saumur m’envoie des photos d’une « lionne couchée signée Barye, achetée récemment en salle des ventes pour 400 Euros hors frais ». Il la trouvait jolie malgré une épaisse couche de poussière mais son faible prix lui fait penser qu’il s’agit d’un grossier surmoulage sans valeur.
Les photos sont très bonnes, certaines montrant des détails intéressants, et les dimensions sont précises, ce qui, je le rappelle, est indispensable pour donner un avis sur une pièce.
Une petite correction pour commencer : il ne s’agit pas d’une lionne mais d’une panthère, précisément « La panthère de Tunis », souvenir d’une époque où il y avait encore des grands fauves en Afrique du Nord. Elle a été créée par Antoine-Louis Barye (1795-1875) vers 1857, selon MM. Richarme et Poletti dans leur catalogue raisonné des sculptures de Barye. Pour en savoir plus sur cet immense artiste, taper « Barye » dans le moteur de recherche de ce blog, an haut à gauche.
La Panthère de Tunis fait le pendant de la Panthère de l’Inde, de mêmes dimensions, et a connu le même sort : toutes les deux ont été agrandies par Barye vers 1860 et sont ainsi passées d’environ 20 cm de long à environ 27 cm. La Panthère de l’Inde est plus ramassée, au repos, alors que celle de Tunis est visiblement en alerte, prête à se lever. Je trouve que l’Indienne a des plis sur le bas du cou, à la naissance du dos, qui sont trop marqués et un peu éloignés de la réalité.
La Panthère d’Eric C. est celle de 1857, donc le plus petit modèle. Il l’a nettoyée comme il se doit, avec une petite brosse et du savon puis a passé du cirage à chaussures. Elle est redevenue très belle. Il y a fort à parier que si elle avait été présentée ainsi lors des enchères, elle se serait vendue plus cher.
Voyons les dimensions communiquées par notre internaute : 19 cm par 6,5 cm pour la terrasse, 9 cm de haut pour l’ensemble. Il s’agit bien des dimensions « officielles » (cf. Catalogue raisonné de MM. Richarme et Poletti cité plus haut), à 1 ou 2 mm près (ce qui est probablement dû à la prise de mesure). Il ne s’agit donc pas d’un surmoulage. Une fonte tardive ? C’est bien possible au regard du dessous du socle mais il faut admettre qu’elle est particulièrement soignée : grâce aux photos montrant des détails, on voit parfaitement les griffes et même la peau qui recouvre la naissance des griffes, rétractiles chez la panthère. La naissance de la queue est très bien ciselée. J’ai souvent vu ce sujet, extrêmement courant, mais jamais je crois avec un tel degré de finesse.
C’est donc une très jolie pièce et E. C. a fait une excellente affaire en l’achetant à ce prix ridicule. Comme quoi, il y a parfois de bonnes surprises en salle des ventes (parfois seulement).
Comme je l’ai dit, cette panthère est un des sujets les plus connus de Barye, avec le cheval turc, l’éléphant du Sénégal courant (qui galope alors que c’est morphologiquement impossible chez un éléphant !), le tigre et le gavial et quelques autres. La valeur d’une telle pièce dépend donc énormément de ses qualités de fonte et de ciselure. Un cachet Or (cf. notes précédentes) ou une fonte d’époque Barye est un atout important. Je pense qu’on peut trouver cette pièce en salle des ventes aux alentours de 700 à 1000 Euros (hors frais) pour une fonte classique. Parmi les estimations des commissaires-priseurs et les résultats de vente, on note des différences de prix étonnantes, la Panthère de Tunis petit modèle pouvant aller de 600 Euros à 1500 Euros (adjugée en juin 2006) hors frais, et le grand modèle allant de 1000 Euros à 3000 Euros.
Attention toutefois : pour ces modèles, il y a énormément de fonte tardive de médiocre qualité et de surmoulages sans aucun intérêt.
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Envoyez-moi par mail les dimensions exactes et quelques photos nettes (vue d’ensemble, signature, marque de fondeur si présente, dessous du socle) : damiencolcombet@free.fr