LA VALEUR D’UN BRONZE : « LA PANTHÈRE DE TUNIS » DE A.-L. BARYE

Monsieur Eric C. de Saumur m’envoie des photos d’une « lionne couchée signée Barye, achetée récemment en salle des ventes pour 400 Euros hors frais ». Il la trouvait jolie malgré une épaisse couche de poussière mais son faible prix lui fait penser qu’il s’agit d’un grossier surmoulage sans valeur.

Bronze ancien Barye Colcombet

Les photos sont très bonnes, certaines montrant des détails intéressants, et les dimensions sont précises, ce qui, je le rappelle, est indispensable pour donner un avis sur une pièce.

Une petite correction pour commencer : il ne s’agit pas d’une lionne mais d’une panthère, précisément « La panthère de Tunis », souvenir d’une époque où il y avait encore des grands fauves en Afrique du Nord. Elle a été créée par Antoine-Louis Barye (1795-1875) vers 1857, selon MM. Richarme et Poletti dans leur catalogue raisonné des sculptures de Barye. Pour en savoir plus sur cet immense artiste, taper « Barye » dans le moteur de recherche de ce blog, an haut à gauche.

Bronze ancien Barye Colcombet

La Panthère de Tunis fait le pendant de la Panthère de l’Inde, de mêmes dimensions, et a connu le même sort : toutes les deux ont été agrandies par Barye vers 1860 et sont ainsi passées d’environ 20 cm de long à environ 27 cm. La Panthère de l’Inde est plus ramassée, au repos, alors que celle de Tunis est visiblement en alerte, prête à se lever. Je trouve que l’Indienne a des plis sur le bas du cou, à la naissance du dos, qui sont trop marqués et un peu éloignés de la réalité.

Bronze ancien Barye Colcombet

La Panthère d’Eric C. est celle de 1857, donc le plus petit modèle. Il l’a nettoyée comme il se doit, avec une petite brosse et du savon puis a passé du cirage à chaussures. Elle est redevenue très belle. Il y a fort à parier que si elle avait été présentée ainsi lors des enchères, elle se serait vendue plus cher.

Voyons les dimensions communiquées par notre internaute : 19 cm  par 6,5 cm pour la terrasse, 9 cm de haut pour l’ensemble. Il s’agit bien des dimensions « officielles » (cf. Catalogue raisonné de MM. Richarme et Poletti cité plus haut), à 1 ou 2 mm près (ce qui est probablement dû à la prise de mesure). Il ne s’agit donc pas d’un surmoulage. Une fonte tardive ? C’est bien possible au regard du dessous du socle mais il faut admettre qu’elle est particulièrement soignée : grâce aux photos montrant des détails, on voit parfaitement les griffes et même la peau qui recouvre la naissance des griffes, rétractiles chez la panthère. La naissance de la queue est très bien ciselée. J’ai souvent vu ce sujet, extrêmement courant, mais jamais je crois avec un tel degré de finesse.

Bronze ancien Barye Colcombet

C’est donc une très jolie pièce et E. C. a fait une excellente affaire en l’achetant à ce prix ridicule. Comme quoi, il y a parfois de bonnes surprises en salle des ventes (parfois seulement).

Comme je l’ai dit, cette panthère est un des sujets les plus connus de Barye, avec le cheval turc, l’éléphant du Sénégal courant (qui galope alors que c’est morphologiquement impossible chez un éléphant !), le tigre et le gavial et quelques autres. La valeur d’une telle pièce dépend donc énormément de ses qualités de fonte et de ciselure. Un cachet Or (cf. notes précédentes) ou une fonte d’époque Barye est un atout important. Je pense qu’on peut trouver cette pièce en salle des ventes aux alentours de 700 à 1000 Euros (hors frais) pour une fonte classique. Parmi les estimations des commissaires-priseurs et les résultats de vente, on note des différences de prix étonnantes, la Panthère de Tunis petit modèle pouvant aller de 600 Euros à 1500 Euros (adjugée en juin 2006) hors frais, et le grand modèle allant de 1000 Euros à 3000 Euros.

Bronze ancien Barye Colcombet

Attention toutefois : pour ces modèles, il y a énormément de fonte tardive de médiocre qualité et de surmoulages sans aucun intérêt.

Vous voulez connaître l’histoire de votre bronze animalier et sa valeur ?

Envoyez-moi par mail les dimensions exactes et quelques photos nettes (vue d’ensemble, signature, marque de fondeur si présente, dessous du socle) : damiencolcombet@free.fr

LA VALEUR D’UN BRONZE : « TIGRE QUI MARCHE » DE A.-L. BARYE

Monsieur Gérard C. me soumet quelques photos d’un « bronze de lion » lui appartenant et dont il aimerait connaître la valeur.

Bronze ancien Barye Colcombet

Il s’agit en réalité du « Tigre qui marche » de Antoine-Louis Barye (1795-1875), l’un des plus renommés (si ce n’est le plus renommé tout simplement) des sculpteurs animaliers français. Pour en savoir plus sur ce merveilleux artiste, se référer à mes précédentes notes ou taper simplement « Barye » dans le moteur de recherche de ce blog, en haut à gauche de cette page.

Cette pièce est bien connue mais j’ai d’abord été un peu dérouté par les dimensions données par Gérard C. : 25 cm x 6,5 cm pour le socle, et 13,5 cm de hauteur. En effet, j’ai souvent vu cette pièce en plus grande dimension (40 cm de long). En fait, il s’agit tout simplement d’une réduction de la pièce originale de Barye.

Bien des fondeurs ont procédé à des agrandissements ou des réductions des modèles les plus appréciés, en utilisant divers procédés – dont le procédé Colas – qui permettaient de conserver tous les détails de la pièce originale. On a encore parfois recours à ces façons de faire mais l’ordinateur permet de nos jours de le faire plus facilement.

Bronze ancien Barye Colcombet

La pièce originale, dont les dimensions exactes sont : 39,4 cm de long x 10,1 cm de large x 21,3 cm de haut, a été créée par Antoine-Louis Barye, père d’Alfred Barye moins connu bien qu’extrêmement talentueux lui aussi, en 1841. Il fait le pendant du « Lion qui marche ». Barye a repris ce tigre un peu plus tard, en 1874, mais il y a peu de différences : la queue part vers l’arrière et non vers l’avant et le fauve est un peu plus massif.

La réduction qui nous est montrée ici a été créée vers 1900 par la fonderie Leblanc-Barbedienne.

Bronze ancien Barye Colcombet

Le bronze de Gérard C. est correct : on aperçoit les griffes, les moustaches, les rayures du tigre. Il n’est toutefois pas très fin. Le dessous du socle montre un montage traditionnel, avec des écrous. La patine, un peu verte, semble belle. Je conseille simplement de nettoyer un peu cette pièce à l’eau tiède avec un peu de savon, au moyen d’une petite brosse, puis de lui appliquer du cirage marron avant de faire reluire 12 heures plus tard avec un chiffon doux. il retrouvera un très bel aspect. Le cirage marron n’effacera absolument pas la patine verte.

Cependant, que cela vienne de la fonte ou du fait que l’une réduction perd forcément en qualité, il ne s’agit pas d’une pièce exceptionnelle. En salle des ventes, elle serait probablement annoncée comme « d’après Barye ».

Le modèle de grande taille – la pièce originale – se trouve assez fréquemment en salle des ventes et peut être estimé aux environs de 4000 Euros. Je pense que le modèle ici présenté pourrait être estimé aux environs de 1500 Euros environ.

Vous voulez connaître l’histoire et la valeur d’un bronze animalier ? Envoyez-moi (damiencolcombet@free.fr) obligatoirement des photos nettes (vue d’ensemble, dessous du socle, signature, marque éventuelle de l’artiste) et les dimensions exactes.

LA VALEUR D’UN BRONZE : « BICHE COUCHÉE » DE A.-L. BARYE

Monsieur Stéphane M. m’envoie quelques photos d’un bronze qui appartenait à son Grand-Père. Il s’agit probablement d’une copie, écrit-il, car il n’y a pas de marque de fondeur.

En réalité, la fonderie ne mettait pas toujours sa marque (alors que de nos jours c’est obligatoire). Bien sûr, un cachet or (cf. note « La valeur d’un bronze n°2), une indication que le bronze a été fondu par Susse, par exemple, Barbedienne, ou encore un numéro suivant la signature, sont une indication précieuse, mais ces indices manquent souvent.

Bronze ancien Barye Colcombet

Cette jolie petite biche est signée Barye (pour en savoir plus sur lui, cf. notes précédentes). Elle a été créée par ce génie  en 1840. Il avait donc 45 ans. On voit immédiatement toute la délicatesse de cet animal, dont le sculpteur a rendu à la fois la beauté un peu maniérée (les pattes bien ramassée sous le corps, la tête légèrement tournée) et les détails anatomiques comme la tête assez longue, beaucoup plus que celle d’un chevreuil, ou le larmier profondément creusé sous les yeux.

Il ne faut pas confondre cette pièce avec les faons et daines (femelle du daim) que Barye a représentés dans la même position. Pour l’anecdote et sans rien retirer au talent de l’artiste – qui n’a vraiment pas besoin d’être défendu ! – sculpter un animal couché est beaucoup plus facile qu’un animal debout car on ne rencontre évidemment pas les problèmes d’équilibre des pattes, d’armature à positionner. C’est un détail purement technique qui ne retire rien à la beauté du sujet.

Monsieur M. donne ces dimensions pour sa biche : 15 cm x 6 cm x 9,3 cm. Ce sont bien les dimensions du modèle original.

Regardons le dessous de la pièce : en l’occurrence, il ne nous apprend rien car une petite pièce simple de cette taille ne peut comprendre de vis, dont les écrous sont souvent riches d’enseignement.

Bronze ancien Barye Colcombet

Il reste un dernier point : la ciselure. Elle est jolie, c’est-à-dire que l’on voit bien les détails, notamment les sabots, les onglons, la pupille, les naseaux. Un surmoulage donnerait une impression de fonte « molle », sans relief ni finitions. Néanmoins, si l’on compare cette pièce avec les éditions les plus anciennes, on voit que le poil n’est pas rendu avec autant de réalisme : le dos et les joues semblent un peu trop lisses.

Je pense donc qu’il ne s’agit pas d’une copie mais d’une fonte un peu tardive, probablement du début ou milieu du XXème siècle.

Bronze ancien Barye Colcombet

Cette ravissante petite biche n’est pas rare : on la voit assez souvent en salle des ventes, avec des différences de prix – parfois exagérées – selon l’ancienneté de la fonte. Ainsi, un exemplaire a été vendu 3000 Euros (3600 Euros environ frais compris) il y a moins d’un mois à Marseille (Etude Damien Leclere) mais il s’agissait d’une fonte Barbedienne cachet or. On a même vu en mai 2008, à St-Germain-en-Laye (SGL Enchères), un exemplaire fonte Barye (la plus rare) estimé 8000 Euros mais il n’a pas été vendu, ce qui n’est pas étonnant à ce prix. En général, sans marque distinctive, cette pièce peut être estimée aux alentours de 700 à 1000 Euros (ex : Etude Deburaux Aponem en août 2007, Versailles en août 2007, Tajan en novembre 2004).

Vous voulez connaître la valeur d’un bronze animalier et son histoire ? Envoyez-moi obligatoirement des photos nettes (vue générale, dessous, signature, marque éventuelle de fondeur) et les dimensions exactes à damiencolcombet@free.fr

LA VALEUR D’UN BRONZE : « PANTHÈRE SAISISSANT UN CERF » DE A.-L. BARYE

Monsieur Nicolas S., qui a vu les précédents notes, m’envoie quelques photos d’un bronze. Que peut-on en dire ?

Bronze ancien Barye Colcombet

Il s’agit de la « Panthère saisissant un cerf« , d’Antoine-Louis Barye. En ce qui concerne le sculpteur, on peut se référer à la note sur « Le Cerf bramant » où j’ai brièvement exposé la vie et l’oeuvre de celui qu’on a appelé le « Michel-Ange de la ménagerie ».

Quant au bronze ici reproduit, il s’agit de la première version d’un thème que l’artiste a décliné à trois reprises, les dimensions et la terrasse (le « socle ») étant alors un peu différents, tout comme la position des animaux. Par exemple, dans les versions suivantes, les bois du cerf sont moins développés, la panthère est beaucoup plus allongée alors qu’ici elle est assise, et la queue du fauve passe entre les postérieurs du cerf (ici, elle passe à côté).

Bronze ancien Barye Colcombet

Selon MM. Richarme et Poletti (in « Barye – Catalogue raisonné des sculptures » Gallimard), le modèle a été acheté par la maison Susse dans les années 1830 pour être édité jusqu’à la seconde guerre mondiale. Cette fonderie très prestigieuse a été créée vers 1840 et s’est peu à peu spécialisée dans l’édition, travaillant pour les plus grands sculpteurs.

Les dimensions données par Monsieur S. sont exactement celles précisées par MM. Richarme et Poletti : 54 cm de long, 25 cm de large, 33 cm de haut. Il ne s’agit donc pas d’un surmoulage, ce qui est d’ailleurs évident au vu des photos.

Bronze ancien Barye Colcombet

La scène représente une panthère attaquant un cerf. Dans cette version, il a la bouche entrouverte mais la langue ne pend pas, ce qui semble lui laisser plus de chance que dans les versions suivantes, où l’on voit que la panthère a déjà gagné. Ici, rien de tel : le cerf est bien campé sur ses pattes, la panthère essaye de lui broyer la nuque mais la victoire n’est pas acquise. On voit parfois un herbivore qui semblait résigné à la mort sous la griffe des félins avoir soudain un sursaut et s’extraire des griffes et mâchoires d’un fauve qui veille surtout à ne pas se blesser. En effet, un coup de bois, de sabot ou de corne pourrait lui casser une patte et le condamner à mourir de faim puisqu’il ne pourra plus chasser.

Bronze ancien Barye Colcombet

La ciselure et la patine de cet exemplaire sont superbes : on voit, on sent le poil des deux animaux, les sabots du cerf sont fins, les bois sont plus vrais que nature et, en agrandissant la photo, on voit de très nombreux détails.

Nous avons une indication précieuse : la marque du fondeur « Susse Fres Edt. Paris ». Cela indiquerait plutôt une fonte comprise dans la période fin XIXème-1940, la signature plus ancienne étant un cachet « SUSSE Edit ».

Etape indispensable pour « expertiser » un bronze : l’examen du dessous. Là, je suis un peu décontenancé car je n’en ai jamais vu de tel. On voit un creux qui correspond à la panthère, ce qui est normal, mais la couleur est surprenante et on ne voit pas la moindre trace de vis pour tenir le cerf. N’étant pas familier avec les bronzes de Susse (je connais mieux ceux de Barbedienne), je ne sais pas s’ils sont tous ainsi ou non.

Quelle estimation donner à cette très belle pièce ? Ses atouts sont sa qualité de ciselure et sa patine, la marque du fondeur, ainsi que sa grande taille, mais elle a aussi un peu moins de mouvements que dans les modèles suivants, où la panthère et le cerf sont un peu plus en déséquilibre, ce qui crée une certaine dynamique. On peut l’estimer aux environs de 3 000 Euros. Elle a d’ailleurs été proposée récemment (17 janvier 2009) à l’étude de Provence et estimée de 2 800 à 3 000 Euros (environ 3 500 Euros frais compris).

Précision à propos des estimations : estimer une pièce à un certain prix ne veut pas dire qu’elle trouvera immédiatement preneur à ce prix-là. Encore faut-il qu’elle rencontre précisément un amateur de bronzes de cet artiste et pour ce thème. Lors des ventes aux enchères, bien que cela ne se voit pas, un très grand nombre d’objets ne sont pas vendus.

Pour être certain de vendre une pièce, il faut minorer de façon importante l’estimation, ce qui est dommage. Néanmoins, quand on n’est pas très pressé, on est à peu près certain qu’un jour un acheteur se présentera si le prix est juste. Il peut arriver aussi qu’un amateur ait une raison particulière de mettre plus que l’estimation : parce que la pièce lui manque dans sa collection, parce qu’il a vu la même dans son enfance, parce qu’il ne connait pas la valeur exacte de la pièce, etc. On peut avoir, parfois mais très rarement, une bonne surprise…

Vous voulez connaître la valeur d’un bronze animalier ? Envoyez-moi ses dimensions et obligatoirement des photos (vue générale, dessous, signature du sculpteur, le cas échéant du fondeur) à damiencolcombet@free.fr

LA VALEUR D’UN BRONZE : « CERF BRAMANT » DE BARYE

Madame P. de Lyon me demande que penser du bronze dont vous voyez les photos ci-dessous. Ces photos sont idéales pour donner un avis complet sur un bronze : profil, dessous, signature.

Bronze ancien Barye Colcombet

Il s’agit du « Cerf bramant » de Antoine-Louis Barye. Il y a tant à dire sur ce sculpteur que je préfère être bref. Né en 1795 et mort en 1875, il a révolutionné la sculpture animalière. D’abord rejeté par le milieu académique de l’époque, il a connu un immense succès auprès du public dès 1831 avec son « Tigre dévorant un gavial » puis son « Lion écrasant un serpent » deux ans plus tard.

Très prolifique, il eut une vie riche et mouvementée, créa sa propre fonderie, eut de nombreux enfants et connut finalement une gloire immense. Il est véritablement à l’origine de la très grande école de la sculpture animalière française. Antoine-Louis eut un fils sculpteur appelé Alfred, qui signait souvent Barye tout court, ce qui a pu créer une certaine confusion (volontaire ?), mais les bronzes d’Alfred sont également magnifiques.

La contrepartie du succès fut la multiplication des exemplaires des bronzes de Barye, des plus beaux datés du vivant de Barye aux plus affreuses copies que l’on trouve sur certains sites internet de ventes aux enchères. Si l’on feuillette La Gazette de Drouot, on est sûr de voir chaque semaine des « Barye » à vendre ici ou là. Evidemment, tous n’ont pas le même intérêt et il faut s’y connaître un peu pour reconnaître les sujets les plus rares, les fontes les plus fines et les plus anciennes.

Le bronze ici présenté est un très bel exemplaire incontestablement ancien. Comment le sait-on ? On est grandement aidé ici par la plaque vissée sur le socle (« la terrasse »), qui précise « Offert par les ouvriers du XXX à leur patron M.XXX – 18 mars 1885 » (pour des raisons de discrétion, j’ai masqué les noms).

Bronze ancien Barye Colcombet

Mais s’il n’y avait cette plaque, on aurait une indication précieuse en retournant le bronze (première chose à faire quand on examine une pièce) et en reconnaissant la barre transversale typique des fontes de Barbedienne vers 1880.

On pourrait encore avoir l’assurance qu’il ne s’agit pas d’une copie en mesurant précisément les dimensions et en les comparant avec celles mentionnées dans « Le catalogue raisonné des sculptures de Barye », de MM. Poletti et Richarme (Univers du Bronze), qui fait référence : 18 cm x 5,6 cm pour la terrasse, ce sont bien les cotes exactes au millimètre près. En effet, les surmoulages sont toujours de taille légèrement différente. Je mentionne ce point dans un souci pédagogique car en l’occurence, ce contrôle est inutile tant l’authenticité du bronze est évidente.

Quatrième indice : la signature du fondeur, essentielle. On lit ici « Barbedienne fondeur », ce qui confirme que la fonte est du XIXème siècle, alors que « Barbedienne fondeur Paris » la daterait du début XXème.

Bronze ancien Barye Colcombet

Enfin, on voit un petit carré doré avec les initiales « FB » (comme Ferdinand Barbedienne). C’est ce que l’on appelle le « Cachet or ». Pour certains collectionneurs, cela signale des pièces fondues du vivant de Barye. Selon André Fabius, spécialiste de ce sculpteur, ce cachet a été utilisé entre 1876 et 1889 donc après sa mort.

 

Tout est cohérent : il s’agit bien d’une très belle pièce, qui semble, selon MM.Richarme et Poletti, être le pendant du « Cerf au repos ». Estimation : environ 3 000 à 4 000 Euros, mais un connaisseur pourrait monter plus haut. J’ai noté que le 17 février 2008, à la salle des ventes de St-Germain-en-Laye, cette pièce estimée 3000 Euros à 4000 Euros avait été vendue 3 100 Euros (environ 3 800 Euros frais compris). Un « Cerf au repos » (rebaptisé pour l’occasion « Cerf à l’écoute » !), daté de 1888, est quant a lui en vente le 5 avril prochain à Lille (Etude Mercier) et estimé 3 000 à 3 500 Euros.

La patine marron-vert n’est pas altérée, mais il y a un peu de vert-de-gris et la pièce a besoin d’un petit nettoyage. Je recommande de la laver à l’eau savonneuse, avec une petite brosse à dent, puis de bien la sécher et de la cirer, avec du cirage à chaussure traditionnel (pas de crème) puis de faire reluire. Elle prendra un éclat magnifique.

Merci à Mme P. de nous avoir montré un si beau bronze !

Si vous voulez en savoir plus sur vos bronzes animaliers, écrivez-moi à : damiencolcombet@free.fr, en joignant obligatoirement les dimensions et quelques photos de la pièce (profil, dessous, signature)

LA VALEUR D’UN BRONZE : « CHIEN SE SOULAGEANT » DE E.DELABRIERRE

Suite à ma précédente note « Quelle est la valeur d’un bronze animalier ancien ? », vous avez été nombreux à m’envoyer des photos de vos bronzes animaliers. Il y a un peu de tout : des pièces remarquables que je n’avais jamais vues, d’autres plus courantes, mais toutes ces photos sont très intéressantes, d’autant plus que toutes les images reçues sont nettes et permettent de bien identifier la pièce.

Je vous propose d’examiner ensemble, pour commencer, un sujet original, envoyé par Amaury C. de Dax. Il s’agit d’un « chien se soulageant », ou « chien déféquant » ou « chien accroupi ». Je pense que le thème, un peu embarrassant quoique fort naturel, a multiplié les appellations de ce bronze en vue d’atténuer le sujet…

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

C’est un bronze d’Edouard Paul Delabrièrre, né en 1829 et décédé en 1912. Curieusement, le nom de ce sculpteur est souvent écorché. Si Pierre Kjellberg, dans « Les bronzes du XIXème siècle » (Editions de l’Amateur), respecte parfaitement à l’accent près la signature de l’artiste, le Dr Hachet, dans son indispensable « Dictionnaire illustré des sculpteurs animaliers et des fondeurs » (Editions Argus Valentines) l’écrit Delabriere, comme de très nombreux commissaires-priseurs.

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

On ne sait pratiquement rien de la vie de l’artiste, si ce n’est qu’il a d’abord étudié la peinture avec le peintre Delestre, fut comme beaucoup à l’époque très influencé par Barye et présenta très régulièrement ses oeuvres au Salon de 1848 à 1898. On lui doit l’un des frontons en pierre du Louvre.

Le jugement de ses oeuvres varie : Kjellberg estime qu’il pousse beaucoup moins loin que Barye le détail alors pour le Dr Hachet, au contraire, il travaille très en détail. Pour ma part, je trouve qu’il y a de profondes différences d’une pièce à l’autre. Le « Premier gibier » (1892), qui représente un lion triomphant rapportant un lièvre à deux lionceaux, n’est pas fin et a un côté franchement pompier. Au contraire, « Les deux chiens au relais » ou le « Retour de chasse » est superbe.

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

Au delà du thème, qui peut rebuter, le chien envoyé par notre internaute fait incontestablement partie des très belles pièces. Il mesure 16 cm de haut mais voyez comme la tête du chien en plein effort est bien rendu, comme le renflement du cou serré par le collier est criant de vérité, comme les oreilles sont fines. Il possède de plus une patine superbe, comme on n’en voit plus guère sur les bronzes contemporains.

Delabrièrre a fait le pendant « Chien pissant », que j’aimerais beaucoup voir. Si vous l’avez chez vous, envoyez-moi une photo.

Le chien accroupi n’est pas une pièce très rare mais on la voit cependant assez peu (on rencontre davantage des oiseaux comme « Le Faisan »). Quant à sa valeur, elle n’est pas très élevée car Delabrièrre, à tort, n’est pas très coté. J’estime cette pièce autour de 700 à 800 Euros. Si vous la trouvez à ce prix, n’hésitez pas à l’acquérir car elle vaut vraiment le coup.

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

Le hasard fait que justement ce bronze sera mis en vente le 8 avril à l’étude de Beaussant-Lefèvre, à Paris (avec encore une faute : « Delabriere » avec un seul R…). Il est estimé 300 à 500 Euros. A ce prix-là, même avec 20% de frais en plus, ce serait une très belle affaire !

Vous voulez connaître la valeur d’un bronze animalier ? Envoyez-moi ses dimensions et obligatoirement des photos (vue générale, dessous, signature du sculpteur, le cas échéant du fondeur) à damiencolcombet@free.fr