Sep 14, 2010 | • La valeur d'un bronze ancien
Monsieur Michaël G. m’envoie un mail très intéressant, qui mérite une note sur ce site et vous allez comprendre pourquoi.
Notre internaute joint à son mail trois photos d’un grand bronze, photos d’ailleurs très bonnes et permettant une parfaite identification du sujet, et il ajoute les commentaires suivants (je me permets de le citer) : « Je suis intrigué par la signature « J.Mène » et non « P.J.Mène »… Certaines pièces sont apparemment signées « Mène » mais quand il y a des initiales je n’ai toujours vu que les deux P et J. J’ai lu qu’il y avait de très nombreuses reproductions, et des faux… ».
A première vue, ce bronze, qui représente « L’Accolade », est bien de Pierre-Jules Mêne, très grand sculpteur français dont j’ai abondamment parlé sur ce site, et qui a principalement représenté des chevaux et des chiens. Je ne saurais trop conseiller, d’ailleurs, la lecture – j’allais dire la contemplation – du « Catalogue raisonné » de cet artiste, par MM. Poletti et Richarme et édité par L’Univers du Bronze à Paris.
Monsieur G. a un œil averti car, malgré les « dimensions normales » de cette pièce, il sait que la signature est un critère souvent déterminant pour l’authentification d’un bronze. Or, la signature présente ici deux défauts : d’une part, Mêne n’a effectivement jamais signé avec une seule initiale, mais toujours avec les deux ou aucune, d’autre part le graphisme des lettres est très éloigné de la marque traditionnelle de Mêne (et non Mène, comme on le lit souvent), très stricte. La forme du J, en particulier, en trop ample. Cette signature serait plus du style de Frémiet, par exemple.
On pourrait encore ajouter que jamais Mêne n’aurait laissé des imperfections sur sa signature, comme les petits points de bronzes que l’on voit dans presque chaque lettre. Mais on retrouve ces imperfections sur l’ensemble de la pièce : sur le cheval qui tourne franchement la tête, les côtes sont trop marquées, la cuisse trop creuse. Sur les deux animaux, le point de contact entre le socle et les sabots n’est pas nettement ciselé. Le gros plan de la tête montre des veines maladroitement reproduites et un œil imparfait.
Ces critiques peuvent sembler sévères et beaucoup trouveront ce bronze très beau. Il est vrai que c’est une jolie pièce et si l’on oublie Pierre-Jules Mêne, c’est un très bel objet. Mais si on l’analyse selon le critère de l’authenticité, il faut reconnaître qu’il s’agit d’une copie.
On peut être étonné voire scandalisé que des copies de bronzes connus circulent ainsi. En réalité, la question se pose un peu comme pour le rapport entre un tableau et un poster. Si l’on présente un poster d’une oeuvre de Picasso comme un original, il y a tromperie. En revanche, si l’on sait qu’il s’agit d’une reproduction, les choses sont claires. Le Louvre édite ainsi des copies en résine de bronzes anciens. Ces objets sont superbes et, si elles étaient en bronze et surtout si la mention Reproduction n’était pas présente, il serait probablement impossible de les distinguer d’une fonte ancienne. Mais lorsque Le Louvre vend ces objets dans sa boutique, nul ne peut se dire trompé.
En revanche, si un marchand fait passer une copie pour un bronze authentique, il y a, au mieux, erreur de sa part, au pire tromperie délibérée. Il faut toutefois préciser qu’il est parfois extrêmement difficile de distinguer un « faux » d’un « vrai », et que, comme pour un tableau, des experts peuvent n’être pas du même avis.
Pour être complet, il faut distinguer :
– Les bronzes réellement originaux, créés et fondus du vivant de l’artiste, dans son atelier ou non, et qui sont les plus recherchés (ex. bronzes de Barye issus de l’atelier de Barye lui-même).
– Les « fontes posthumes », qui peuvent être d’excellentes qualités car fondues à partir du chef-modèle (ex. Barye fonte Barbedienne).
– Les « fontes tardives », qui, à la différence des précédentes, sont généralement de moins bonne qualité, mais ne sont toutefois pas des copies ou des faux.
– Les copies, qu’un œil un peu averti reconnaît immédiatement comme telles, car les détails manquent et la fonte est dite « molle » en ce sens qu’elle est peu ou mal ciselée.
Pour s’y retrouver, je conseille de se reporter aux notes de mai 2006 (dans le menu à gauche, cliquer sur « Archives », puis « Toutes les archives » puis « mai 2006 »).
Quelle est la valeur de cette « Accolade » ? Celle d’un bel objet décoratif, soit quelques centaines d’Euros, alors que le même sujet vaudrait plusieurs milliers d’Euros s’il était authentique.
Sep 12, 2010 | • La valeur d'un bronze ancien
Madame Annette P. m’envoie une photo d’un cheval visiblement en alerte, oreilles couchées et un sabot levé. La signature, en écriture cursive, lui semble difficile à lire mais il y a une inscription : « Jack ».
Il s’agit d’un bronze de Gaston d’Illiers et le nom exact de l’oeuvre est « Jack, cob tondu« . Curieux nom qui s’explique par la race du cheval – un cob – et le fait qu’il ait le poil rasé sauf à l’emplacement de la selle, ce que l’on ne voit pas très bien sur la photo.
Gaston Marie Joseph Comte d’Illiers (1876 – 1932) fut un excellent sculpteur français. Passionné par les chevaux, il montait beaucoup, chassait à courre, fit la guerre de 1914-1918 au 8ème Chasseurs puis comme responsable des chevaux et de leur dressage à Orléans. Il voyagea en Algérie et exposa longtemps au Salon des Artistes français et dans de nombreux cercles et salons. Sa passion du cheval lui fût cependant fatale puisqu’il mourût en 1932 (curieusement, on rencontre parfois la date de 1952) d’une fièvre attrapée dit-on lors d’un long trajet à cheval.
Ses œuvres sont presque intégralement consacrées au cheval, de selle comme de trait, mais il réalisa également quelques chiens, un mulet (mort) et un âne. Comme celles de Meissonier, ses œuvres reflètent une parfaite connaissance de la morphologie mais aussi des attitudes typiques des chevaux. Il parvient néanmoins à s’écarter des descriptions un peu trop exactes et annonce déjà l’évolution de la sculpture vers des animaux plus vivants, plus animés que ceux de Barye. Certaines scènes semblent même de la main d’artistes contemporains comme « Retour de chasse », assez connu, où l’on voit le piqueux à pied, fatigué, tirant par les rênes un cheval aussi fourbu que lui après une grand journée en forêt, suivi de deux chiens, la tête basse et rêvant de la chaleur du chenil et d’un repos bien mérité. Une autre oeuvre, superbe, montre un cheval sautant une haute barrière de concours hippique. Le cheval semble voler.
La pièce de notre internaute est belle, typique de G. d’Illiers. J’ai lu quelque part qu’il était très rare de voir en vente des œuvres de cet artiste, qui a réalisé environ 200 modèles différents. Ce n’est pas tout à fait exact, même si bien sûr elles sont beaucoup moins fréquentes que celles de Barye, Frémiet ou Mêne, par exemple, mais je connais plusieurs galeries qui en présentent.
Les bronzes de d’Illiers se vendent à prix raisonnable, sans doute pas tout à fait à la hauteur de son talent.
Bien que je ne connaisse pas les dimensions de ce bronze, je pense que la valeur de « Jack », s’il est d’une taille classique (environ 25 cm de long), se situe autour de 1300 Euros à 1500 Euros.
Vous voulez connaître la valeur d’un bronze ? Envoyez-moi (damiencolcombet@free.fr) des photos très nettes de la pièce, du dessous du socle, de la signature et, le cas échéant, de la marque du fondeur.
Juin 6, 2010 | • La valeur d'un bronze ancien
Monsieur Damien W. nous envoie quelques très bonnes photos d’un joli cheval bien ramassé sur ses postérieurs et une jambe levée. Il s’agit bien sûr du « Cheval turc » d’Antoine-Louis Barye.
Je ne reviens pas sur la vie de cet immense sculpteur (1795-1875), dont j’ai souvent parlé dans mes précédentes notes. Je mentionnerai simplement qu’il était si apprécié et renommé que l’année même de sa mort, une exposition rétrospective lui était consacrée à l’Ecole des Beaux-Arts à Paris, puis encore une autre, plus importante encore, 15 ans plus tard (1889), dans le but de lui ériger un monument à Paris. Elle connût un succès mitigé, à la différence de celle organisée fin 1889 aux American Art Galleries de New York, qui permit enfin l’érection du monument situé près du Jardin des Plantes. Il faut dire que les collectionneurs américains aimaient particulièrement Barye : en 1873, par exemple, la Corcoran Gallery of Art à Washington commanda un exemplaire de chacun des bronzes, soit plus de 120 pièces.
Ces informations sont extraites de l’indispensable Catalogue raisonné d’Antoine-Louis Barye, de MM. Poletti et Richarme (Univers du Bronze à Paris), édité par Gallimard. Je précise qu’il ne faut pas confondre Antoine-Louis Barye avec son fils Alfred, également excellent sculpteur (cf. plusieurs notes sur mon site). Notons que deux autres fils étaient ciseleurs. Ainsi, comme chez les Bonheur-Peyrol ou les Mêne-Cain, la sculpture était donc une affaire de famille chez les Barye !
Mais revenons à notre cheval. Pourquoi « turc » ? Je n’en sais rien et si le chanfrein montre plutôt les traits d’un cheval arabe, l’allure général me semble plus lourde.
Ce cheval fût un très grand succès dès sa création, mais le modèle a en réalité beaucoup évolué au fil du temps. Le premier Cheval turc date de 1874 et mesure 33 cm de long. Il a l’antérieur gauche levé. Ont suivi :
– Cheval turc n° 2 antérieur droit ou gauche levé (1840), terrasse rectangulaire, mesurant 32 cm de long et dont la musculature est beaucoup plus travaillée que sur le numéro 1. Tous les numéros suivants auront une morphologie assez proche de ce n°2. Les deux chevaux, levant une jambe différente, étaient destinés à faire pendant l’un de l’autre.
– Cheval turc n°2, toujours antérieur droit ou gauche levé mais cette fois terrasse ovale (1857) et mesurant 29 cm. Il n’y a pas que la terrasse (le « socle ») qui change : la position de la tête et la queue sont également un peu différents.
– Cheval turc n°3 antérieur gauche levé sur terrasse carrée (1870) et mesurant 19 cm.
– Cheval turc n° 4 antérieur gauche levé sur terrasse carrée (1870) et mesurant 13 cm de long.
Ainsi, en comptant toutes les versions selon l’antérieur levé, ce n’est pas moins de 7 versions différentes que Barye a réalisé.
Dans une note mentionnée dans le livre de MM.Richarme et Poletti, Barye écrivait : « le cheval doit avoir en résumé quatre choses larges : le front, le poitrail, la croupe, et les membres ; quatre longues : l’encolure, les rayons supérieurs, le ventre et les hanches ; quatre courtes : les reins, les oreilles, les paturons et la queue« . Que l’on soit ou non d’accord avec les canons de la beauté équine ainsi décrits, force est de constater que Barye étudiait donc de façon quasi-scientifique ses sujets d’inspiration. Cette volonté de coller à la réalité fût encore plus manifeste lorsqu’il accourut au zoo avec Géricault pour étudier le cadavre d’un fauve mort peu avant.
Le cheval de notre internaute est le n°3, comme en atteste les dimensions qu’il a relevé : 19 cm de long. Damien W. a noté l’inscription du fondeur : Barbedienne, ce qui est généralement un gage de qualité, encore plus si ce grand fondeur, qui fit l’acquisition de nombreux chefs-modèles lors de la grande vente qui suivit de très peu la mort de Barye, a apposé son fameux « cachet or » constitué des initiales FB sur un petit rectangle doré. Il ne semble pas que ce soit le cas ici.
Les auteurs du catalogue raisonné estiment que ces fontes postérieures à la mort de Barye sont très nombreuses. C’est donc la marque du fondeur et plus encore la qualité de la fonte, la ciselure, la patine qui en font une belle pièce ou un bronze quelconque. On peut même relever que de nos jours la Réunion des Musées nationaux en propose un très beau moulage en résine.
Il est évidemment difficile d’en juger uniquement sur photo car rien ne remplace l’examen de visu, mais le cheval de Monsieur W. semble très beau.
Fréquemment présenté dans ses différentes dimensions lors de ventes aux enchères, le cheval turc est presque toujours assez coté. J’ai ainsi relevé, pour un modèle identique à celui de notre internaute, un exemplaire adjugé 2 900 Euros par Artcurial Deauville le 6 décembre 2009. C’est une enchère récente qui me semble juste. On note toutefois que le prix des bronzes après des années d’inflation, est en train de baisser assez rapidement. J’ai aussi relevé une adjudication le 14 décembre 2009 à 9 500 Euros (Artcurial Drouot) mais ce prix très élevé ne peut être dû qu’aux qualité exceptionnelles de la pièce (fonte Barye, Brame, Delafontaine ?).
Avr 1, 2010 | • La valeur d'un bronze ancien
Voici un bronze magnifique d’un très grand sculpteur pourtant un peu méconnu du grand public : Louis-Ernest Barrias (1841-1905). Cette « Jeanne d’Arc entravée » ou « Jeanne d’Arc prisonnière » a été créée en 5 tailles différentes, de 28 cm à 120 cm, celle-ci étant la troisième (50 cm).
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un bronze animalier, j’ai grand plaisir à parler de cette sculpture, créée en 1891, car elle est d’une finesse remarquable et les détails sont incroyablement bien faits.
Le père de Louis-Ernest Barrias était peintre sur porcelaine et son frère Félix-Joseph un peintre reconnu, d’un style « ultra-classique » (il a réalisé « La Glorification de l’Harmonie » sur l’un des plafonds de l’Opéra de Paris). Ernest n’a pas connu une enfance facile car ses parents ne s’entendaient pas, se sont séparés et il dût souvent s’occuper de sa mère malade à qui il était confié, au lieu d’aller à l’école communale. Son frère le mit au dessin puis à la sculpture. Il fut élève de grands maîtres comme Cavelier, Coignet, Jouffroy. Très tôt, il se vit confier par eux les travaux les plus délicats, suscitant raconte-t-il la jalousie des autres élèves qui s’étaient moqués de sa jeunesse, et il se fit peu à peu un nom. A 23 ans, il est Premier prix de Rome !
Bien qu’exempté, il s’engage courageusement dans l’armée en 1870 et souffre particulièrement du siège de Paris ; il en ramène une maladie pulmonaire qui ne le quittera plus. Commandeur de la Légion d’honneur, membre de l’Académie des Beaux-Arts, il est extrêmement respecté par tous pour sa modestie, sa discrétion, sa droiture morale, son dévouement à ses élèves et même à l’occasion pour son talent d’écrivain (cf. son discours de réception à l’Académie). Il meurt de « l’influenza », qu’il aurait paraît-il attrapé en sortant d’une séance à l’Institut !
Admirons le dos de l’armure de Jeanne d’Arc : elle semble plus vraie que nature, avec ses attaches, charnières et rivets. Plus bas, la cote de maille et les jambières en cuir sont remarquables.
Voici les principales œuvres de Barrias, artiste qui se rattache totalement au style classique voire Renaissance, tout comme l’excellent sculpteur Dubois :
– « Les Premières funérailles« , pièce magnifique représentant Adam et Eve éplorés portant le corps d’Abel,
– « Le serment de Spartacus« , visible au Jardin des Tuileries (un peu plus figée que ses autres pièces),
– « Les chasseurs d’Alligators » appelé aussi « Les Nubiens« , immense et fantastique fresque en relief exposée au Musée d’Orsay,
– « Jeune fille de Bou Saada« , charmante,
– « Mozart enfant« , d’une finesse également remarquable,
– « Bernard Palissy« , visible devant le Musée de la céramique à Sèvres,
– « Le monument de la Défense« , en mémoire du siège de Paris et qui donna son nom à ce quartier d’affaires.
Pour voir des images de ces œuvres, tapez simplement « Barrias » sur internet.
On voit assez souvent en vente des petits bronzes très jolis de Barrias : des enfants juchés sur une tortue géante ou bien une conque, portant un panier, avec des escargots, etc.
Le style classique de cet artiste s’exprime parfaitement dans une de ses œuvres les plus connues : « La Nature se dévoilant devant la Science« . Les thèmes de ces œuvres académiques, que l’on retrouve en peinture et en sculpture, sont amusants lorsqu’ils sont poussés jusqu’à l’absurde : « La Grammaire arrêtant la guerre », « La vérité sortant nue du puits », etc. Le peintre La Hire s’en est un peu fait une spécialité. Et pourquoi pas : « Les mathématiques terrassant la barbarie », « La danse repoussant l’orgueil » ou « L’humilité piétinant Mars et Jupiter » ?
Pour en revenir à notre Jeanne d’Arc, on voit nettement sur le socle la signature de Barrias ainsi que le nom et le cachet du fondeur : « Susse Fres Edt » pour Susse Frères Editeurs. La tranche de la terrasse porte cette belle inscription, d’une écriture cursive inclinée vers la gauche : « Vous avez pu m’enchaîner, vous n’enchaînerez jamais la Fortune de France« .
Et voici une dernière photo du joli visage de Jeanne d’Arc, dont l’artiste a su reproduire le côté juvénile, serein et déterminé qu’on lui prête bien.
La dernière fois que cette magnifique et grande pièce est passée en ventes, c’était à Saumur début 2010 et elle a été adjugée moins de 600 Euros hors frais. C’est un prix ridicule pour une oeuvre d’un tel artiste, ce qui montre à nouveau qu’il est parfois possible de faire de belles affaires en salle des ventes !
Vous avez un bronze et vous souhaitez en connaître la valeur ainsi que l’histoire du sculpteur ? Ecrivez-moi à cette adresse : damiencolcombet@free.fr, avec les dimensions exactes de la pièce et des photos très nettes (vue d’ensemble, signature, dessous du socle, marque du fondeur) et je vous répondrai.
Mar 19, 2010 | • La valeur d'un bronze ancien
Cette note fait suite à la note du 19 janvier, qui traite d’un autre lévrier, celui de P.Gayrard.
Voici encore des lévriers, ou plus précisément des levrettes. Elles sont de la main de Pierre-Jules Mêne, immense sculpteur français (1810-1879). Pour prendre connaissance de son oeuvre, d’une finesse remarquable, il faut se reporter à l’excellent Catalogue raisonné par MM. Poletti et Richarme (Univers du Bronze – Paris).
J’ai déjà abondamment parlé sur ce site de Mêne, de sa famille – dont son gendre Caïn, de ses sujets de prédilection que constituaient les chevaux et les chiens, de son très grand succès qui ne cesse toujours pas.
La plupart des chiens de Mêne portent un prénom. Les deux levrettes ici présentées s’appellent Jiji pour la plus grande et Giselle pour la plus petite. Comme il en avait l’habitude, Mêne en a tiré également des éditions fractionnées (un seul des deux chiens).
Il faut observer de près ces animaux et admirer la finesse des pattes, l’attitude extrêmement bien saisie de ces chiens fragiles et maniérés à l’excès, leur museau pointu. Il existe de nombreuses versions de la terrasse, plus ou moins finement travaillée, selon la liberté prise par le ciseleur. Celle du bronze de notre internaute est très belle. Par comparaison, le lévrier couché de Gayrard (note précédente) paraîtrait lourdaud !
Ce sujet est l’une des œuvres de Mêne les plus fréquentes en salle des ventes, et de très nombreuses copies plus ou moins heureuses ont été réalisées. Curieux destin pour un sujet qui a été refusée au Salon de 1847 (mais présenté quand même en 1848).
Même si rien ne remplace un examen attentif de la pièce en réalité, on peut dire que l’exemplaire qui nous est ici présenté est une très belle fonte, certainement ancienne, comme le montre le montage sous le socle. La ciselure est fine, la patine est jolie : c’est une bonne pièce. Elle mesure 21 cm de long (terrasse) x 12 cm de large x 15 cm de haut, ce qui correspond bien aux dimensions « officielles » (les surmoulages ne sont pas exactement de la bonne taille).
Voici quelques résultats d’enchères, qui montrent la fréquence de son passage en salle des ventes :
– 18 déc 2009 à Drouot : estimée 1500 à 2000 Euros et vendu 1600 Euros
– 18 mai 2008 à St-Germain-en-Laye : estimée 1500 à 2000 Euros mais invendue
– 8 juin 2007 à Drouot : estimé 1500 à 2000 Euros et vendu 2880 Euros (probablement frais inclus)
– 30 mai 2007 à Drouot : estimée 1500 à 2000 Euros et vendue 1730 Euros (idem)
– 28 janv. 2004 à Drouot : estimée 1200 à 1500 Euros et vendue 1925 Euros (idem).
Je crois qu’on ne prend pas beaucoup de risque à l’estimer entre 1500 et 2000 Euros, mais à mon avis la qualité de cette pièce la situe en haut de la fourchette.
Vous voulez connaître la valeur d’un bronze animalier et l’histoire du sculpteur ? Envoyez à damiencolcombet@free.fr les dimensions précises et des photos très nettes de la pièce, la signature, l’éventuelle marque de fondeur, le dessous du socle.
Mar 19, 2010 | • La valeur d'un bronze ancien
Monsieur Joël M. m’a envoyé de très bonnes photos de deux bronzes représentant tous les deux des lévriers : l’un est de Pierre-Jules Mêne et l’autre est de Gayrard. Il est intéressant de les comparer. J’y consacre donc deux notes successives.
Le premier représente un Lévrier couché. Il est parfois appelé « Lévrier afghan ». On connaît ces grands chiens élégants à poils longs qui leur donnent l’air de danser lorsqu’ils marchent ou trottent. Ils sont un peu passés de mode mais il y a encore quelques dizaines d’années, on en voyait beaucoup (avez-vous remarqué que l’on ne voit plus de grands caniches ?). En réalité, même s’il a le poil plus long que les grands lévriers utilisés pour les courses en Angleterre, ce chien ne me semble pas être un Afghan.
Ce bronze est l’oeuvre de Paul Joseph Raymond Gayrard (1807-1855), dont le père Raymond était lui-même sculpteur et précurseur avec Barye de l’art animalier. Éleve de Rude (auteur de « La Marseillaise » de l’Arc-de-Triomphe) et de David d’Angers (« l’ennemi » de Barye), il exposa très jeune, à 20 ans, au Salon à Paris et connut un très grand succès, en particulier pour ses chevaux et ses chiens, mais aussi pour ses personnages : les Évangélistes de l’église Ste-Clothilde à Paris, des bustes de personnages célèbres, une statue équestre de Napoléon III (plus précisément « Le Prince-Président Louis Napoléon »).
Curieusement, sa renommée s’est un peu effacée de nos jours et l’on connaît surtout deux de ses pièces : « le Singe jockey« , qui monte un cheval sautant une haie, et notre chien couché.
On note qu’il est signé : « Gayrard London 1848 », ce qui laisse évidemment supposer qu’il s’est rendu au Royaume-Uni, mais, selon Pierre Kjellberg (« Les Bronzes du XIXème siècle), on n’en a pas la certitude.
C’est un joli sujet, très fin, ce qui se vérifie aux pattes avant, à la ciselure du socle représentant feuilles et branchages. Le dessous du socle révèle une fonte ancienne. Mais, d’une part un animal totalement couché (la tête repose sur le sol) est moins plaisant qu’un sujet moins passif, d’autre part il a souvent été édité. Il ne rencontre donc pas un très grand succès en salle des ventes, comme le montrent les résultats relevés :
– 27 mars 2009 à Drouot : estimé 500 à 700 Euros mais invendu.
– 11 novembre 2009 à Londres : estimé 3000 à 5000 GB£ (beaucoup trop cher !) mais invendu.
– 5 novembre 2003 à Drouot : vendu à 550 Euros.
– 12 février 2002 aux Etats-Unis : estimé 1000 à 1500 US$ mais invendu
– 31 mars 1996 à Soissons : vendu 2600 francs (environ 400 Euros).
On peut donc l’estimer aux environs de 500 Euros, ce qui n’est pas très cher pour un bon sculpteur et une pièce de cette taille (32 cm de long x 15 cm de profondeur x 13 cm de haut). Il existe une réduction en plâtre de ce chien, mesurant environ 20 cm de long. J’ignore si elle a été fondue en bronze.