UN SAFARI AU BURKINA FASO (5)
J’ai été surpris d’apprendre qu’il y avait beaucoup d’éléphants au Burkina. Je les situais plutôt au Cameroun, Centrafrique, Gabon, Afrique du Sud et orientale mais pas du tout là, ou alors quelques rescapés des grandes tueries des dernières décennies.
Nous en avons pourtant vu un très grand nombre. A voir leurs oreilles, on dirait une espèce intermédiaire entre les éléphants de savane (Loxodonta Africana Africana), les plus connus, et les étonnants éléphants de forêt (Loxondata Africana Cyclotis), aux oreilles bien arrondies et aux défenses très droites, comme on en voit au Gabon. Les éléphants du Burkina ont des défenses très épaisses et extrêmement courtes. Certains disent que c’est parce qu’ils s’en servent beaucoup comme outils.
Les réserves du sud constituent de véritables nurseries : on voit beaucoup de jeunes, de toutes tailles, au sein de hardes généralement assez réduites (environ 4 à 8 éléphants), ce qui rend les adultes agressifs. Plusieurs voitures se sont fait charger pendant notre voyage parce qu’elles passaient un peu trop près des éléphants. La densité est telle qu’il semble évident que la chasse de quelques spécimens sera autorisée prochainement. Au contraire, celle du lion devrait probablement être interdite. Les dégâts causés par les pachydermes sont visibles dans de vastes zones où les arbres sont cassés et arrachés. Les baobabs sont quasi-systématiquement écorcés sur 4 ou 5 mètres de haut.
On observe d’ailleurs que de nombreux chauffeurs et pisteurs ont une peur panique des éléphants, dont ils jugent le comportement totalement imprévisible. Ils chargent alors leurs pétoires bricolées avec du petit plomb qu’ils tireraient en pleine tête de l’éléphant pour l’effrayer, avec je ne sais guère quel succès… Il semble qu’il y ait peu d’accidents – des braconniers tués il y a quelques semaines, néanmoins – et que les « attaques » soient des charges d’intimidation. Quant on sait qu’un éléphant court au trot à 40 km/heure, on comprend bien qu’il n’aurait aucune peine à causer de très nombreux accidents s’il le voulait vraiment, les pistes ne permettant pas aux voitures d’aller bien vite. L’éléphant ne peut ni galoper ni sauter, ce qui fait d’ailleurs que le bronze de Barye « Éléphant du Sénégal courant » est irréaliste puisqu’il ne touche le sol que par une patte. Cela ne l’a pas empêché d’avoir connu un très grand succès ; on le voit très fréquemment dans les ventes aux enchères.
Eléphant du Sénégal – AL Barye (1795-1875)
Je l’ai déjà dit : il est très impressionnant de se retrouver à pied face à des éléphants. En général – mais pas toujours – on est prévenu de leur présence par du crottin frais et une forte odeur de ménagerie. Quand ils nous voient, ils se tournent lentement vers nous, écartent les oreilles et commencent à balancer leur trompe pour identifier les odeurs. La plus belle image que je garderai est celle de ce défilé totalement silencieux d’éléphants dans les hautes herbes, à quelques dizaines de mètres. Ils semblaient ignorer la présence des hommes, mais avec mon téléobjectif, je voyais bien leur petit œil nous surveiller constamment.
Eléphants d’Afrique s’abreuvant – Bronze D.Colcombet
Les éléphants savent marcher silencieusement et interrompre les gargouillis de leur estomac en cas de danger. Ils savent s’esquiver dans un silence quasi-total. Ils savent aussi percevoir la présence de l’eau ou de leurs congénères à des kilomètres de distance.