La réserve couvre une superficie d’environ 100 000 hectares (environ 30 km x 30 km) et est divisée en zones attribuées pour la journée à un groupe précis. Quand on sait qu’une balle de carabine peut avoir une portée de 3 000 à 4 000 mètres et qu’à 80 mètres, une blindée (on utilise des blindées ou des demi-blindées, selon la cible) traverse un arbre de 30 cm de diamètre, on comprend que les règles de sécurité soient très strictes.
La première crainte du chasseur est de tuer une femelle, ce qui est strictement interdit et entraîne de lourdes amendes. Si le dimorphisme sexuel (différences entre mâle et femelle d’une même espèce) est facilement repérable chez certaines espèces, comme le lion ou les antilopes dont seul le mâle porte des cornes (Cob Defassa par exemple), il est souvent délicat de s’y retrouver chez d’autres animaux comme les bubales ou les buffles. Les organes sexuels peuvent être masqués par les broussailles ou le positionnement de l’animal. Le pisteur doit en principe indiquer au chasseur, sans erreur possible, l’animal à tirer. Mais le chasseur reste responsable de ses actes. Pendant le safari, malgré l’assurance du pisteur, un des chasseurs bien inspiré a préféré attendre d’être certain que le bubale qu’il visait était bien un mâle, au risque de le perdre. Un veau a fini par accourir et téter la cible, ce qui a levé toute ambiguïté !
L’autre hantise du chasseur est de blesser un animal : il souffrira, les recherches seront longues, parfois infructueuses et souvent dangereuses, surtout pour les lions et les buffles mais même un phacochère ou un hippotrague peuvent charger s’ils y sont contraints. Les récits de traque de buffle dans les hautes herbes (les « pailles ») sont bien connus et font dresser les cheveux sur la tête. Les pisteurs considèrent cet animal comme le plus dangereux. Il y a deux ans, un buffle blessé a chargé les chasseurs et n’a pu être arrêté qu’à quelques centimètres, roulant presque sur l’un des pisteurs qu’il a couvert de bave et cassant une carabine. Pendant notre séjour, un lion blessé a chargé les chasseurs et n’a été stoppé qu’à 4 mètres d’une balle en plein front (je n’y ai hélas pas assisté). Dans ces moments dramatiques, il ne faut pas que la carabine s’enraye, ce qui arrive pourtant, compte tenu des chocs et de la poussière ambiante.
Pour éviter de blesser, il faut s’approcher suffisamment, idéalement à 60 mètres environ, tirer uniquement quand l’animal est arrêté et se présente bien, ne pas tirer sur un animal au milieu d’un troupeau et surtout avoir bien réglé sa carabine. C’est pourquoi, la première sortie sert à tirer quelques cartouches sur une cible à environ 80 ou 100 mètres. On corrige la hausse si nécessaire, le voyage ayant souvent déréglé la lunette de visée.
Enfin, les consignes de chasse données par les gardes sont strictes et limitent à quelques animaux de quelques espèces ce qui peut être tiré. Pendant notre safari, 2 chasseurs sur 5 n’ont rien tué et un autres n’a tué qu’un animal sur les deux autorisés.
Arrivé dans la réserve de chasse, on roule à très très faible allure, les pisteurs guettant les animaux ou les traces sur la piste. Les animaux aiment marcher sur ces espaces dégagés, doux pour les pattes, et y laissent leurs empreintes. On distingue rapidement sur le sable les traces anciennes des plus fraîches, aux arêtes aiguës. Si rien ne se présente, on s’arrête à bonne distance d’un point d’eau (environ 1 km) et sans le moindre bruit, on descend de voiture et l’on s’approche. Claquements de portières interdits ! Si des traces fraîches ont été repérées, les pisteurs commencent leur extraordinaire travail, les empreintes quittant généralement la piste pour s’enfoncer dans la brousse où il est beaucoup plus difficile de les repérer. Enfin, si un animal a été aperçu, il s’enfuit généralement quand la voiture s’arrête et il faut se mettre à sa poursuite, ce qui peut prendre 10 minutes ou… quatre heures ! Il est alors impératif de prendre avec soi les gourdes, de crainte de périr de soif, ce qui est un risque réel.