Voici une pièce amusante envoyée par un internaute qui me dit en avoir hérité. Il m’indique que ce bronze porte la signature Fratin, mais que le N est à l’envers. Il y a également une marque : « Daubrée ». Il me demande un avis sur ce modèle, qui mesure 26 cm de haut, 22 cm de long et 14 cm de profondeur.
Ce singe est bien de Christophe Fratin (Metz 1801 – Le Raincy 1864), qui étudia le dessin à Metz puis à Paris dans l’atelier de Géricault. Il fut très populaire en son temps, en France et dans le reste de l’Europe, en particulier en Angleterre. J’ai déjà parlé de cet artiste à propos de son Taureau.
Dans le Dictionnaire des bronzes du XIXème, Pierre Kjellberg indique que ses fondeurs furent Thiébaut, Quesnel, Braux, Susse, Richard-Eck-et-Durand et… Daubrée. C’est précisément la marque que porte le bronze de notre internaute.
Intrigué par ce nom de fondeur que je ne connaissais pas, j’ai découvert, dans ce même Dictionnaire de P.Kjellberg, qu’Alfred Daubrée « possédait un magasin d’orfèvrerie à Nancy avant de s’établir, dans les années 1850, marchand de bronzes d’art et de bijouterie 85 rue Montmartre à Paris. Il édite un certain nombre de bronzes de Fratin, Cumberworth […]. Il aurait eu recours à des intermédiaires pour vendre ses bronzes, qui ne portent que rarement sa marque. […] Lors de l’Exposition Universelle de 1867, il est cité parmi les fondeurs réputés de l’époque. Son fils lui succède après sa mort en 1885. »
Toujours dans ce Dictionnaire, est mentionné parmi les œuvres de Fratin « Le singe aux paniers ».
Je me suis également plongé dans un petit ouvrage édité en 1983 : « Le sculpteur animalier Christophe Fratin – Essai sur sa vie et son oeuvre » par Jacqueline J.A. Bougon, archiviste de la Société Historique du Raincy. Y est citée une lettre de Madame Bizard-Daubrée au Musée de Metz, à l’occasion du don d’une oeuvre de Fratin. Elle est la belle-fille d’Alfred Daubrée qui, raconte-t-elle, fut « éditeur d’un très grand nombre d’œuvres de Fratin, il fut lié à celui-ci par des sentiments de grande cordialité ».
Fratin a réalisé de nombreux singes (une vingtaine) et ours (une quarantaine), les « humanisant » très souvent : Ours lisant un journal politique, Ours dentiste, etc. Ce singe fait partie de cette veine, que Fratin aimait mais qu’il considérait seulement comme une distraction car il ne les présenta jamais au Salon.
Pour ma part, je suis assez réservé sur les œuvres de Christophe Fratin, qui était certainement doué d’un grand talent, comme le prouve par exemple son « Lion dévorant un cheval », ses « Jument et poulain », sa « Jument au baquet » ou encore son « Cavalier en armure », mais ses fauves frisent le ridicule. Ses petits animaux humoristiques, à quelques exceptions près, sont assez sommaires. On dirait que ce sculpteur a un peu dilapidé par jeu ou manque de persévérance son talent, qui lui a pourtant permis de sculpter par exemple « L’éléphante défendant son petit contre un lion », que l’on peut voir au Musée des Beaux-Arts de Lyon.
Il reste la question du N à l’envers sur votre bronze. Dans le Dictionnaire des sculpteurs animaliers, du Dr Hachet, la signature de Fratin est reproduite. Et le N est bien à l’envers. Il faut savoir que cette interversion du N était courante jusqu’à une date assez récente.
En résumé : ce bronze est bien de Fratin et il a probablement été fondu du vivant de l’artiste, ce qui lui donne de la valeur. Son sujet est amusant. Le singe est un peu sommaire (par exemple sur les bras) mais la tête et les paniers sont bien faits. Il est assez grand.
Je n’ai pas trouvé de trace, dans les ventes aux enchères, de ce modèle exactement, mais je n’ai certainement pas tout regardé. En revanche, j’ai trouvé à de nombreuses reprises un singe avec une hotte, un singe assis fumant sa pipe, etc. Ils étaient généralement estimés autour de 2000 Euros. je pense que la marque du fondeur et la taille plus importante de ce modèle pourrait le faire monter à 2500 Euros voire peut-être 3000 Euros.
Vous possédez un bronze animalier et vous voulez en connaître la valeur ? Envoyez moi des photos très nettes (vue d’ensemble, dessous du socle, signature, marque éventuelle de fondeur) et les dimensions exactes à damiencolcombet@free.fr et je vous répondrai.