Monsieur Bruno Q. m’envoie plusieurs photos de bronze, qu’il nous dit avoir hérités. Comme il s’agit de jolies pièces, que les photos sont bien prises, je vais y consacrer plusieurs notes. Nous commençons aujourd’hui par une petite chèvre.
Ce bronze est tout petit : 8 cm de long et 7 cm de haut. Selon le catalogue raisonné de Pierre-Jules Mène (Richarme et Poletti – Univers du Bronze), cette « mignonnette » a été créée après 1846 et a été édtiée par l’atelier Mène, puis par l’atelier Mène-Cain et par Susse. Elle doit être assez rare car je ne l’avais jamais vue et MM. Richarme et Poletti n’en disent rien. Ils n’en donnent pas les dimensions et ne montrent qu’une photo en noir et blanc. Ils mentionnent un exemplaire à la Franses Gallery de Londres.
La ciselure est très belle : voyez le collier, le dos creusé qui rend bien la morphologie osseuse des chèvres. Les cornes, quasiment inexistantes, ne sont pas cassées : la pièce a bien été conçue ainsi à l’origine. La signature est très nette, profondément creusée, comme le faisait Mène à la fin de sa carrière.
Pour l’anecdote, cette chèvre est mentionnée dans la catalogue de Susse de la fin du XIXème siècle au prix de de 15 francs ! Pour comparaison, les plus grandes pièces, de 75 cm de long, sont au prix de 1500 francs.
Qui est Pierre-Jules Mène ? Né en 1810 et mort en 1879, il a commencé à travailler chez son père tourneur de métaux, a exercé divers métiers et s’est fait connaître en exposant au Salon en 1838. Son oeuvre comprend beaucoup de chiens, de chevaux et de cerfs, mais il a étendu son art aux renards, bétail – dont des moutons tout à fait dans le style de Rosa et Isidore Bonheur – et oiseaux de basse-cour, et même aux scènes exotiques, comme « La lionne (ou jaguar ?) et le caïman ». Cain, très grand sculpteur bien qu’un peu pompier (cf. « Lion et autruche » au jardin du Luxembourg), était son gendre.
Il est souvent présenté comme le plus grand sculpteur animalier après Barye. Je ne suis pas tout à fait de cet avis, Frémiet le dépassant à mon avis par sa précision, sa sensibilité et surtout sa diversité.
On voit très très souvent en ventes certaines pièces de Mène : lévriers jouant à la balle, braque à l’arrêt, chasseur écossais tenant un renard, cerf à la feuille, et tous ses chevaux.
Contrairement à Frémiet, qui faisait tout pour en obtenir, Mène n’a pas fait beaucoup de commandes publiques.
Comme pour tous les grands sculpteurs, les oeuvres de Mène ont été beaucoup produites, avec malheureusement beaucoup de pâles copies et de fontes tardives, parfois assez bonnes malgré tout. Ce n’est pas le cas de cette chèvre, certainement ancienne.
Quelle estimation donner à ce joli petit animal ? C’est difficile, surtout en ce moment où le prix des bronzes anciens baisse à vive allure. Il s’agit d’une petite pièce, donc forcément de faible valeur. Mais elle a pour elle sa qualité et sa rareté. Il me semble qu’elle pourrait se situer dans une fourchette de 400 Euros à 700 Euros.
Rendez-vous dans quelques jours pour une autre pièce de Monsieur Bruno Q.