Madame Hélène H. possède une lionne en bronze posée sur un rocher et elle souhaite en connaître la valeur. Elle s’étonne de la signature, gravée en rouge sur la pierre et non sur le bronze lui-même, ce qui l’inquiète quant à l’authenticité de cette pièce.
Son fauve possède les dimensions suivantes : 23 cm de long x 12 cm de haut x 12 cm de profondeur.
Ce bronze de Valton est très courant mais toujours très apprécié car l’attitude de la lionne est remarquable et la composition, alliant bronze et pierre, est très réussie. C’est un procédé que ce sculpteur a utilisé à plusieurs reprises, notamment pour une souris sur marbre blanc, un sanglier également sur marbre, et surtout pour le « Loup suivant une trace » bien connu, où l’on voit un loup en bronze marchant prudemment sur un socle en marbre blanc dans lequel apparaissent des traces d’homme.
Charles Valton est né à Paris en 1851 et est mort à Chinon en 1918. Il fut élève de Barye et de Frémiet. Familier de la ménagerie du Jardin des Plantes depuis l’âge de 15 ans, il se révèle très doué et obtient plusieurs médailles et récompenses. Avec son maître Antoine-Louis Barye (1795-1875), il réalise un groupe intitulé « Les deux étalons« . Dans son Dictionnaire des sculpteurs animaliers, le Dr Hachet cite Valton évoquant cette sculpture : « Je peux témoigner que dans cette oeuvre nous avons tenu à respecter autant l’émotion et la sensibilité que la pureté des formes. Ce fut pour moi des moments de grande intensité que de côtoyer un talent immense, une main si sure et une modestie toujours bienveillante. »
Valton a exposé très régulièrement au Salon et a travaillé aussi pour la Manufacture de Sèvres. Ses bronzes ne sont pas très courants en salle des ventes et sont généralement de très bonne qualité. Un certain nombre ont été fondus par Barbedienne, Siot-Decauville ou Collin. Pour être plus précis, quelques sculptures de Valton sont très courantes, telles que « La lionne blessée« , percée de flèches et qui se traîne sur ses antérieurs, ou le chien de garde « Passez au large ! », mais on voit plus rarement les autres, telles ce remarquable dromadaire couché ou ce lion rugissant.
Revenons à notre lionne couchée. La posture du fauve est superbe : on l’imagine somnolant au soleil avec ses soeurs et brusquement réveillé par un bruit insolite. Est-ce un impala qui s’approche ? une troupe d’éléphants qui le fera déguerpir ? un lion mâle qui s’avance ? La musculature est bien rendue, sans l’exagération d’un Delabrierre, et la lionne semble très naturelle, même plus que sur beaucoup de modèles de Barye. Le dessous des pattes, les oreilles, les plis du cou sont parfaitement modelés.
La signature est curieusement gravée sur le granit et reprise à l’encre rouge. Le socle est vissé au métal. A la différence du bronze, coulé dans un moule, le socle en pierre doit être taillé spécialement pour chaque modèle. Il pourrait donc être très différent d’un exemplaire à l’autre. Or, il n’en est rien : sans être strictement identiques, les morceaux de granit, parfois plus ou moins clairs, sont à peu près toujours du même gabarit.
On aura compris que le modèle de Madame H. n’est pas une copie mais un bon exemplaire. Il possède une belle patine marron avec des nuances de rouge et de noir. C’est même un bronze très beau, pour le choix original du sujet et la qualité de sa réalisation.
Malgré tout, les résultats de ce modèle en salle des ventes ne sont pas très élevés :
– Mars 2013 à Paris : estimé 800 à 1000 € mais invendu.
– Août 2012 à Deauville : estimé 1500 à 2000 € mais invendu.
– Déc. 2011 à Paris : adjugé 1250 €
Les quatre précédentes ventes ont vu cette lionne être adjugée entre 700 et 800 €.
Il faut donc bien admettre que la valeur, assez constante, de ce modèle tourne autour de 800 € alors qu’à mon sens, avec une belle patine, il mériterait de dépasser les 1000 €.