M. Vincent L. m’envoie des photos d’un lièvre assis, d’environ 12 cm et signé Gardet, sur lequel il a quelques doutes. Nous allons donc examiner ensemble ce bronze.

Georges Gardet est né à Paris en 1863 et y est décédé en 1939. Fils de sculpteur, il fut élève du très grand Emmanuel Frémiet. On connaît surtout de lui ses fauves, dont le tigre et la tortue, les deux panthères se battant, un couple de tigres dans une attitude tendre, tout comme un lion et une lionne. Il fit un remarquable ours assis, la tête levée, semblant mendier une friandise.

Au parc Montsouris à Paris, on peut admirer « Drame au désert », où une panthère découvre avec fureur le serpent qui a tué ses petits. Exposé au Salon alors que l’artiste n’avait encore que 24 ans, cette scène attira sur lui les louanges. Polyvalent, ce artiste sculpte également dans la pierre, notamment le magnifique chien danois en marbre tacheté que l’on peut admirer au Musée des Beaux-Arts de Lyon, où il n’est malheureusement guère mis en valeur (photo ci-dessous).

Gardet a réalisé de nombreuses œuvres monumentales, présentes dans de nombreux musées français et étrangers, où il jouit d’une excellente réputation, à mon sens justifiée. Ses bronzes ont été édités par plusieurs fonderies dont Thiébaud, Barbedienne, Siot-Decauville, Valsuani, Colin. Certains modèles ont également été réalisés en biscuit de Sèvres.

La patine du lièvre de notre internaute est assez jolie, avec ses teintes marron et noires, nuancées de doré qui est en fait le cuivre apparaissant en transparence. En revanche, sans être rédhibitoire à première vue, la ciselure semble assez pauvre, surtout quand on connaît le talent de Gardet. Le bout des pattes du lièvre, le poil du ventre ne sont pas très détaillés. A ce stade, on peut donc penser qu’il s’agit simplement d’une fonte tardive.

Tout amateur de bronze commence par le retourner et regarder ce qui est son véritable pedigree : le dessous du socle. C’est là que l’on voir des vis, dont la forme et l’apparence sont riches d’enseignement. Le montage, parfois une marque de fondeur comme le fameux H des excellentes fontes de Brame) ou une inscription permettront de dater la pièce.

Le dessous du lièvre n’est pas exaltant : une couleur grisâtre, un aspect un peu trop lisse, trop propre, des coulures. C’est mauvais signe. Et l’examen des détails de la sculpture vont confirmer ce sentiment : le bord des oreilles est mal ébarbé et certaines parties présentent même des trous.

On trouve généralement sur le socle une signature, théoriquement assez nette, et parfois une marque de fondeur sous la forme d’une inscription (Barbedienne Fondeur, par exemple, ou Susse, Rudier ou autre), d’une estampille (comme Barye, pour les fontes d’atelier) ou d’un cachet (Valsuani, Hebrard, Siot Decauville, etc.). Mais là, la signature est à peine visible, très faiblement gravée, et le cachet rond (à droite sur la photo ci-dessous) est illisible. De plus, il y a une goutte de bronze juste sous la queue (rond rouge du haut), ce qui n’est pas normal du tout.

Une ciselure très approximative, un dessous du socle trop propre, une signature à peine lisible, un cachet de fondeur illisible, des trous et un ébarbage mal fait : ce bronze est un surmoulage ou une copie malhabile. Un collectionneur ne s’y attardera pas : ce lièvre dont l’attitude est pourtant jolie n’a qu’une valeur décorative et à mon sens ne devrait pas être présenté en vente comme un bronze « de » mais au mieux comme « d’après » et idéalement comme « dans le style » ou « dans le goût » de Gardet. Il ne devrait donc pas être adjugé plus de 100 ou 150 Euros.