Monsieur Patrick C. a réalisé de très belles photos, particulièrement nettes, d’un bronze d’Emmanuel Frémiet. Il nous dit n’avoir aucun doute sur son authenticité mais en demande une estimation.
J’ai parlé à plusieurs reprises sur mon site d’Emmanuel Frémiet (1824-1910), sans doute LE plus grand sculpteur animalier français, qui savait tout faire : de l’archange Gabriel (placé au sommet du Mont-Saint-Michel) au cavalier romain, du canard au héron, de Washington à Etienne Marcel, du chameau au chien de chasse. En feuilletant « La main et le multiple« , édité par le Musée des Beaux-Arts de Dijon et le Musée de Grenoble, on reste totalement confondu par l’abondance et la diversité de son oeuvre.
En se référant à cet ouvrage, on apprend précisément que le titre exact (et assez long…) de l’oeuvre est « Centaure Térée emportant dans son antre, vivant et se débattant, des ours pris dans les montagnes de l’Hémus », et qu’il fut montré pour la première fois en 1861, en plâtre.
Mes – rapides – recherches sur internet relatives au centaure Térée n’ont rien donné : il y est question de Térée, qui fut transformé en… huppe mais qui n’était pas un centaure, ou bien des centaures en général, mais c’est tout. Les centaures, à l’exception de quelques-uns dont Chiron, étaient des êtres brutaux et représentaient pour les Grecs les appétits animaux. Si un érudit helléniste nous lit, je serais heureux d’en savoir plus sur Térée et sa passion pour les ours vivants…
Frémiet réalisa en fait plusieurs fois cette scène, avec des différences notables. Celle ici présentée est bien la première, éditée en bronze probablement en 1863. La seconde fut éditée en 1900 : Térée a de plus grandes oreilles, les coudes écartés et l’ours est soulevé plus haut que dans la première version.
Cette oeuvre fut violemment critiquée à son apparition, le centaure ne semblant pas être un « animal » digne d’être représenté en sculpture, ce qui est assez absurde. Antoine-Louis Barye représenta dans les années 1850 un « Thésée combattant le centaure Biénor » qui connut un grand succès. A l’entrée du Parc de la Tête d’Or à Lyon, on peut voir une Centauresse embrassant un faune, oeuvre du sculpteur Augustin Courtet et datant de 1848. Ce bronze a malheureusement une patine assez laide qui lui donne l’air d’être en plastique…
Les dimensions de ce bronze sont officiellement les suivantes : 36,8 cm de haut, 38,2 cm de long et 15,5 cm de profondeur.
On retrouve ici le souci du détail de Frémiet : les griffes de l’ours, les traces laissées sur le sol par ses pattes arrières traînant sur le sol, la gueule du fauve, l’air résolu et sûr de lui du Centaure…
Monsieur C. indique que la queue a été cassée et bien réparée. En réalité, il s’agit du montage d’origine, à clavette. Le dessous du socle montre bien qu’il s’agit d’une pièce ancienne.
On retrouve de temps à autre ce bronze dans les ventes aux enchères. Curieusement, sa cote n’est pas aussi élevée qu’on pourrait le penser. Il me semble que la raison vient du fait que les scènes mythologiques sont passées de mode. Il faut dire que l’enseignement du latin et encore plus du grec est en voie de disparition et que cette riche culture tend hélas à s’effacer des mémoires. Pas partout heureusement, et je connais une petite fille de 11 ans qui vient de terminer le récit des douze travaux d’Hercule et a trouvé cela passionnant ! Au fait, combien de travaux d’Hercule sauriez-vous citer ?
Pour en revenir à notre bronze, j’ai noté qu’il avait été adjugé à Drouot en 1996 pour l’équivalent de 3300 Euros et, plus récemment, à Louviers en mars 2008 à 2800 Euros.
Je considère pour ma part qu’un tel bronze devrait plutôt être estimé autour de 6 000 Euros. Toutefois, mis en vente et estimé à 6000 ou 7000 Euros, il a été plusieurs fois invendu. Il faut donc croire, malheureusement, qu’il serait adjugé probablement autour de 3500 Euros.
Vous avez un bronze animalier et vous voulez en connaître l’histoire et celle de son auteur, sa valeur ?
Envoyez un mail à damiencolcombet@free.fr accompagné des dimensions exactes et de photos très nettes (vue d’ensemble, dessous du socle, signature de sculpteur, le cas échéant du fondeur) et je vous répondrai.