Autoportrait de Etienne Dinet
L’Institut du Monde Arabe à Paris présente actuellement une belle exposition des oeuvres de Etienne Dinet (1861-1929), peintre français que l’on peut qualifier d’orientaliste mais dont les peintures n’ont rien à voir avec celle de Léon Cogniet, Jean-Léon Gérôme ou Léon Belly. Dinet a réellement vécu en Algérie et représenté des scènes de la vie quotidienne observées lors de ses nombreux séjours en Afrique du Nord. Ici, pas de grandes fresques, de bâtiments majestueux, de caravanes de dromadaires mais des enfants, un muezzin, une oasis, un homme assis sur son âne, une sieste sur un toit…
« L’homme au grand chapeau » – Huile sur bois.
« Une crue de l’Oued M’zi » – Huile sur toile
Etienne Dinet est né en mars 1861 à Paris. Son père était Président du Tribunal civil de première instance de la Seine. A 10 ans, au lycée Henri IV, Etienne remporte un premier prix de dessin au Concours général. Plus tard, il s’inscrit aux Beaux-Arts puis à l’Académie Julian où il a pour maîtres les excellents et très académiques peintres Bouguereau et Robert-Fleury. On ne fera jamais trop d’éloges sur la formation artistique du XIXème siècle, bâtie sur un long apprentissage des techniques classiques du dessin et de la sculpture et de la copie des chefs-d’oeuvres du Louvre ou d’autres musées. C’est sur ce socle solide que tant d’artistes ont pu trouver leur style, innover et explorer de nouveaux courants, créer des chefs-d’oeuvres qui font la gloire des musées du monde entier. Pourquoi les Beaux-Arts actuels ne sont-ils pas capables de revenir à cette formation classique ? Certainement par un orgueil qui permet de jeter aux orties tout ce qui s’est fait et de « réinventer le réel » en considérant que le Beau est totalement subjectif et donc sans valeur, et que l’apprentissage est inutile… En suivant ce lien, je vous invite à lire le charabia (en écriture inclusive, évidemment !) de présentation de la formation des Beaux-Arts : https://beauxartsparis.fr/fr/presentation/organisation-des-etudes
Vous êtes priés d’apprécier particulièrement les « workshops« , « L’École et ses habitant·es. Humain·es et non-humain·es.de Paris » et « un présent qui se reconfigure au jour le jour« … La cuistrerie atteint des sommets avec la définition des techniques enseignées : « Dirigés par des artistes ou des technicien·nes d’art, les ateliers de technicités permettent aux étudiant·es d’ouvrir le champ de leurs travaux personnels et d’envisager son développement par la maîtrise de différents media, de faire s’évanouir les entraves matérielles à leurs créations. » Je pense avec tristesse aux étudiants qui naïvement pensaient trouver là le lieu d’un apprentissage intelligent et exigeant. Heureusement qu’il existe des écoles privées d’art…
« Sur une terrasse un jour de fête à Bou-Saâda » – Huile sur toile
« Meddah aveugle chantant l’épopée du Prophète » ou « Le conteur arabe » – Huile sur toile
Revenons à Etienne Dinet : en 1884, le frère entomologiste de son ami Lucien Simon part en Algérie à la recherche d’un coléoptère rare et emmène Etienne. Il est séduit. Dès l’année suivante, il utilise une bourse de voyage pour repartir dans ce pays, parcourir le désert, les Hauts-Plateaux et finalement l’oasis de Bou-Saâda. D’autres voyages suivront jusqu’à ce que Dinet prenne l’habitude de passer une grande partie de l’année à Bou-Saâda où il sera enterré après sa mort à Paris en 1929, année de son pèlerinage à La Mecque. Il s’était converti à l’Islam en 1913.
« Un forcené » – Huile sur toile
En 1887, Etienne Dinet avait créé la Société des peintres orientalistes français dont Gérôme et Benjamin Constant étaient les présidents d’honneur. Pourtant, en 1922, il publia « L’Orient vu par l’Occident« , charge critique contre les peintres orientalistes d’Occident qui ignoraient la tradition musulmane et la dévoyaient. En 1911, il obtint que l’administration militaire de la ville de Bou-Saâda devienne civile. Il affichait des positions très critiques vis-à-vis de le gestion coloniale et s’est battu pour une véritable reconnaissance des combattants musulmans de la Grande Guerre.
« Le marché de Brezina » – Huile sur toile
L’Institut du Monde Arabe présente une belle collection de peintures, dessins et ouvrages illustrés par l’artiste. Dinet nous offre un voyage instructif, enchanteur, que l’on n’a pas envie de quitter. Sa peinture n’est pas léchée, figée, aussi « impeccable » que celle d’un Gérôme ou d’un Benjamin-Constant mais elle est très réaliste : les visages manquent parfois un peu de charme, on sent la poussière et la chaleur mais c’est une peinture vivante. Une partie de l’exposition est consacrée aux portraits de jeunes filles des « quartiers chauds » de Bou-Saâda, mélange de grâce et de gravité mélancolique, quartiers dont visiblement Dinet était un visiteur régulier sans que l’on sache bien si ses visites étaient à but artistique ou non.
« Etienne Dinet, passions algériennes«
Jusqu’au 9 juin 2024 – Institut du Monde Arabe – 1 rue des Fossés-Saint-Bernard Paris Vème.
www.imarabe.org