Déc 30, 2015 | • Visites et Musées
Pour beaucoup, le nom Cognacq-Jay est associé aux studios de télévision, installés à Paris dans la rue du VIIème arrondissement portant ce nom. Mais Cognacq-Jay n’était ni un cameraman ni un présentateur de télévision !
L’Hôtel de Donon
Ernest Cognacq (1839-1928) est le fondateur des Grands Magasins de la Samaritaine. Sans enfant, animé d’ambitions philanthropiques et humanitaires (il a fondé plusieurs crèches, hôpitaux et hospices), il était également amateur d’art, en particulier du XVIIIème siècle, période remise à la mode sous la Second Empire et alors considérée comme le summum du raffinement et de l’élégance. Acquérant lui-même peintures, sculptures, meubles, bibelots ou les faisant acheter pour lui par de célèbres experts et antiquaires parisiens, il a constitué une remarquable collection parfaitement homogène et présentant des chefs-d’oeuvre des plus grands artistes.
Ernest Cognacq
Installé à l’origine dans « La Samaritaine de luxe » attenant au grand magasin, son musée porte le nom d’Ernest Cognacq et de sa femme Marie-Louise Jay. En 1974, cet établissement a été fermé puis, plus tard, les bâtiments ont été vendus. L’Hôtel de Donon, au cœur du Marais, a été choisi pour accueillir la collection. Le musée est ouvert au public depuis décembre 1990.
L’Hôtel de Donon a été construit fin XVIème, sans doute par un proche du célèbre architecte Philibert de L’Orme, puis en partie remanié aux XVIIème et XVIIIème siècles. Au XIXème, abandonné, le bâtiment héberge des activités artisanales qui dénaturent l’ensemble et lorsque l’Etat en fait l’acquisition en 1974, il est dans un triste état. Classé Monument historique en 1984, il est enfin restauré et ses façades retrouvent leur aspect du XVIème siècle.
L’Hôtel de Donon avant sa restauration
Le Musée Cognacq-Jay fait partie de ces petits îlots intimes, chaleureux, préservés de Paris. On croit visiter un superbe appartement quitté il y a peu par ses occupants et l’on se prend à rêver de s’y installer. C’est le genre de joli musée que l’on visite par un dimanche d’hiver gris et très froid avant d’aller prendre un chocolat chaud chez Angelina.
Vue du canal à Venise – Canaletto
Les œuvres sont signées des plus grands noms : les ébénistes Oeben, Carlin, les sculpteurs Lemoyne, Clodion, Houdon, les peintres Tiepolo, Canaletto, Guardi, Greuze, Boucher, Fragonard, etc.
Le banquet de Cléopâtre – Tiepolo
Le retour de chasse de Diane – Boucher
Faunesse et son enfant
Deux petits faunes goûtant du raisin
La finesse des peintures de Guardi est admirable. Les peintures de ce grand artiste sont d’assez petit format mais en s’approchant, on distingue de minuscules détails, des petites touches de pinceau qui figurent très bien un gondolier, un cordage, un sillage, une porte ou une fenêtre ne mesurant pas plus d’un centimètre.
Un tableau représente une scène dramatique mais un peu amusante : visiblement, un galant, pour impressionner une jeune fille, a escaladé une ruine et de là-haut, brandissant un bouquet, a déclamé son amour à la belle. Las ! Le pied de l’intrépide a glissé, une pierre est tombée et voilà l’amoureux qui chute, dans l’affolement général.
L’accident – H.Robert
Au dernier étage, on peut admirer la superbe charpente du bâtiment, l’une des plus belles de Paris, nous apprend-on.
Et puis, forcément, il faut que « l’art » contemporain s’en mêle… Au rez-de-chaussée, une partie des collections a été déménagée pour pouvoir accueillir une reproduction de Greuze sous un verre brisé, un vaisseau glissant sur un toboggan, une peinture tournant en dérision un bel autoportrait de Quentin de La Tour… Dans l’ensemble, c’est assez laid et inutile. D’ailleurs, les visiteurs – et le personnel du Musée – s’apitoient sur la faible qualité de la plupart ces productions en comparaison avec les chefs-d’oeuvre que l’on peut voir dans le reste du musée. Le baratin pompeux des commentaires est comique tant il est caricatural (on évite de justesse la « mise en abîme« …), ce qui donne ceci par exemple :
« L’artiste ré-explore avec aplomb le genre de la peinture de portraits. Loin de vouloir produire des œuvres au rendu réaliste ou idéalisé, il bouscule la tradition à l’aide de formes gestuelles et de recherches abstraites toutes en matière. Multipliant les interventions sur la toile, il vient brosser, estomper la première image méticuleusement peinte avant d’y superposer une seconde écriture, brusque et immédiate, qui évoque les dessins d’enfants. Ce jeu de contrastes, qui est sa marque de fabrique, semble traduire une prise de distance avec la peinture même, ainsi qu’un humour noir et grinçant.«
ou encore : « La série « Portrait fissuré » est une tentative de représenter des aspects tels que « l’objet et sa signification », « la matière physique d’une œuvre en trois dimensions », en les assemblant d’une manière déformée en une seule image, créant ainsi un nouvel angle de vue. Des caractères fictifs sont au cœur de mes œuvres, l’expérience d’observation se crée par le lien qui se forme entre le spectateur et le sujet. »
et enfin, l’inévitable : « Les œuvres de l’artiste travaillent ces relations substitutives (la réduction du tout à la partie, du contenant au contenu, de l’artiste à l’oeuvre) pour exploiter au mieux la plasticité de notre visibilité libidinale : le fétichisme, le voyeurisme, l’exhibition, en un mot les modalités du fantasme, jusqu’à la plus sadique. Le mécanisme du désir n’est en effet pas ici pure affirmation, il se compose des rejets et des différés dans lesquels se noue la relation à l’objet, selon un jeu bien connu des psychanalystes entre pulsion de vie et pulsion de mort. »
Avec de tels chefs-d’œuvres littéraires, il n’y a plus besoin des créations ! Heureusement, cette « exposition » se termine bientôt et, à partir du 6 février, le musée accueillera une exposition intitulée : « Jean-Baptiste Huet, le plaisir de la nature« .
Renseignements sur : http://museecognacqjay.paris.fr/fr/publications/jean-baptiste-huet
Prochaine note : le Musée Carnavalet
Déc 23, 2015 | • Visites et Musées
Commence ici une petite série de notes relatives à quelques beaux musées parisiens peut-être moins connus que le Louvre et Orsay et que j’ai eu l’occasion de visiter récemment.
Voici tout d’abord le Musée de l’Homme installé au Trocadéro et rouvert après de longs travaux.
Installé dans l’aile Passy du Palais de Chaillot, le Musée de l’Homme a été inauguré en 1938. A vrai dire, depuis 1882, l’ancien Palais du Trocadéro abritait un Musée d’Ethnographie. On se demande d’ailleurs si l’appellation « Musée de l’Homme » n’est pas une marque d’orgueil un peu démesuré, ou au moins d’ambition un peu exagérée…
Selon le site internet du musée, cet établissement présente des collections de préhistoire et d’anthropologie biologique et culturelle. Le nouveau musée regroupe aussi une bibliothèque, des centres de recherches, d’enseignement, de formation, de diffusion sur l’évolution de l’Homme et des sociétés. Fermé en 2009, le musée a fait l’objet de très importants travaux d’un coût de 92 millions d’Euros. Il vient de rouvrir.
L’âge de pierre – E.Frémiet
Je dois avouer que j’ai été assez déçu. Pendant sa visite, le visiteur doit traverser d’immenses espaces vides, de vastes salles inoccupées et a l’impression que beaucoup de place est perdue ou alors que les collections ne suffisent pas à occuper le musée, ce qui est certainement inexact car le thème de l’Homme est à peu près inépuisable…
Les objets présentés sont heureusement dans un état parfait, quelques idées sont intéressantes, comme la possibilité de toucher un certain nombre de choses, généralement des reproductions et moulages d’œuvres. Mais dans plusieurs vitrines, les objets sont serrés, ordonnés de façon difficilement compréhensible, alors qu’il y a visiblement toute la place pour « aérer » l’installation. Les explications sont parcellaires et l’on a parfois des difficultés à comprendre pourquoi tel ou tel objet est là.
Renne naturalisé
Parmi les présentations les plus spectaculaires, un beau cadavre d’éléphant grandeur nature tué par des chasseurs, mais malheureusement il n’est pas entier, quelques animaux naturalisés, une belle et vaste yourte, une série de crânes de caprins portant quatre voire cinq cornes, un bus des années 60 récupéré à Dakar et incroyablement décoré (avec des mentions aussi diverses que « Société musulmane » et « Bonne Mère » !), des sculptures, quelques tableaux…
Mais le plus beau est sans doute la collection d’innombrables bustes de Cordier : c’est une sorte d’inventaire des races humaines, magnifiquement sculpté, mais là encore pas assez bien présenté. Pour pouvoir être admiré, chacun de ces bustes mériterait d’être un peu isolé.
Encore un regret, qu’hélas je serai amené à formuler à nouveau dans de prochaines notes : une invasion d’art contemporain sans intérêt et qui d’ailleurs n’attire pas l’attention du moindre visiteur. Actuellement, un « grand installeur » (sic) montre des néons colorés, des empilements de pots en grès émaillé, des revues de la période coloniale (forcément…) empalées afin de « stigmatiser la tendance occidentale à créer des catégories excluant les Africains de l’art universel » (re-sic), une roue permettant au visiteur de… se faire insulter dans différentes langues ! Si vous pensez à une quelconque exagération, consultez le site du Musée… Face à cela, il faut sans doute adopter l’attitude des hommes ci-dessous :
« La fuite devant le mammouth » – PJ Jamin (1885)
Et enfin, je ne peux m’empêcher de reproduire ici un commentaire explicatif extrêmement étonnant mais finalement sans doute assez représentatif de l’esprit de ce nouveau Musée de l’Homme. J’observe d’ailleurs que notre Ministre de l’Education n’a surement pas visité cet établissement car elle a affirmé que la théorie du Genre n’existait pas…
Prochaine note : le Musée Cognacq-Jay.
Juil 31, 2015 | • Visites et Musées
L’entrée du musée de Vernon
J’ai parlé dans ma précédente note de l’exposition Rosa Bonheur au Musée de Vernon (Eure). C’est grâce à cette grande artiste que j’ai découvert la très belle collection d’art animalier de ce beau musée.
Installée dans un magnifique hôtel particulier datant des XVIème et XVIIème siècles et ayant appartenu à la famille Le Moine de Bellisle, le musée est situé non loin de la Seine, dans un joli quartier ancien.
Vernonnet – Le château des Tourelles
Maison ancienne de Vernon
De l’autre côté du pont, à Vernonnet, ancienne commune rattachée à Vernon, on peut voir le vieux pont médiéval et le château des Tourelles, l’un des rares châtelets en France datant du XIIème et en bon état.
Le vieux moulin installé sur le mont médiéval de Vernonnet
La Tour des Archives, construite sous Philippe Auguste
et vestige de l’ancien château-fort de Vernon
Outre une salle d’archéologie locale, le musée présente des peintures et sculptures classiques (Monet, Maurice Denis, etc.) mais possède surtout un très grand nombre d’œuvres d’art animalier, essentiellement XIXème et XXème.
Des réalisations des plus grands artistes y sont visibles : Rembrandt Bugatti, Roger Godchaux, Paul Jouve, Georges Guyot, Armand Petersen, Roger Reboussin, Victor Peter, Horace Vernet, Pompon, etc.
Terre cuite de Roger Godchaux.
Magnifique peinture de Paul Jouve
Bronze de Rembrandt Bugatti
Parmi les sculpteurs contemporains, une grande oeuvre de Nicko Rubinstein, artiste étonnant et sympathique que j’ai la chance de croiser souvent à la fonderie Barthélémy.
« Le Minotaure I » de Nicko Rubinstein
Le Musée de Vernon présente également une importante et admirable collection d’études de Georges Frédéric Rötig, prolixe et très talentueux dessinateur (1873-1961).
Etude de tigres par G-F Rötig. On y voit aussi la panthère saisissant un cerf d’après Barye !
Etude de lions par G-F Rötig
Etude de grèbes huppés par G-F Rötig
Le Musée de Vernon édite aussi d’intéressants catalogues notamment sur ses artistes animaliers : Steinlein, Maurice Prost, Jacques Nam, Roger Godchaux, Gaston Suisse, etc., ainsi que des ouvrages thématiques tels « Un cheval, Des artistes« .
Parmi les plus belles de ces publications, le catalogue de l’exposition Rosa Bonheur mais aussi celui de l’exposition « Harry Eliott », le Gentleman illustrateur » qui s’est tenu de décembre 2011 à avril 2012.
Lien vers le site du Musée de Vernon : http://www.vernon27.fr/Culture/Musee-de-Vernon
Juil 19, 2015 | • Visites et Musées
Je vous annonçais il y a quelques semaines l’exposition Rosa Bonheur au musée de Vernon (Eure).
Ma conférence sur Rosa Bonheur et la sculpture fut l’occasion de visiter cette exposition (et les collections permanentes du joli musée de Vernon : note à venir).
Portrait de Rosa Bonheur – Consuelo Fould
Quelle joie de découvrir des peintures originales de l’illustre artiste : des dessins, des huiles, dont certaines sur des thèmes que je ne connaissais pas, comme des paysages, des portraits.
Berger landais – Rosa Bonheur
Ouvrage sur Rosa Bonheur écrit par Eugène de Mirecourt en 1856
(Rosa Bonheur est alors âgée de 34 ans seulement)
L’exposition, que l’on voudrait encore plus grande, est pourtant très complète : livres, sculptures de Rosa Bonheur et de ses proches (son frère Isidore, son grand ami PJ Mêne), gravures, études, portrait de Rosa Bonheur par d’autres artistes, inventaire des oeuvres de Rosa Bonheur et présentes dans son atelier à son décès et mises en vente en juin 1900, livre de sa chère amie Anna Klumpke « Rosa Bonheur, sa vie, son oeuvre » (1908), affiches du Buffalo Bill Wild West Show, où Rosa Bonheur est représentée entre Buffalo Bill et… Napoléon Ier, authentiques armes et parures indiennes, photos anciennes, etc.
Cheval blanc dans un pré – Rosa Bonheur
J’attire l’attention des visiteurs sur le remarquable catalogue édité par le Musée de Vernon. Ce n’est pas un catalogue mais un véritable livre très documenté de 60 pages. Vous y retrouverez quelques pages de ma main sur Rosa Bonheur et la sculpture.
Couverture du catalogue de l’exposition
Pages intérieures du catalogue de l’exposition
Pages intérieures du catalogue de l’exposition
Lapins – Rosa Bonheur (l’artiste a peint ce tableau à 18 ans)
L’exposition se tient jusqu’au 20 septembre 2015.
Etude de lions – Rosa Bonheur
Tous les renseignements sur :
« Rosa Bonheur ou l’éloge du monde animal »
Du 26 avril au 20 septembre 2015
Musée de Vernon – 12 rue du Pont – 27200 Vernon
Du mardi au dimanche de 10h30 à 18h
http://www.vernon27.fr/Culture/Musee-de-Vernon
Etude de lionne – Rosa Bonheur
Juin 26, 2015 | • Visites et Musées
Le « Musée des Confluences » de Lyon a ouvert ses portes il y a quelques mois. Curieusement, alors que l’inauguration du Mucem à Marseille, du musée de la Fondation Louis Vuitton au Bois de Boulogne ou du musée de Rodez a été extrêmement médiatisée et a donné lieu à d’importants déplacements d’hommes politiques, celle du Musée des Confluences a trouvé peu d’échos dans les médias. Sans doute un héritage de la traditionnelle discrétion lyonnaise… ou de son indépendance ! Pourtant, cinq mois après son ouverture, le musée vient de franchir le cap des 400 000 visiteurs.
Avec son architecture très étrange, conçue par l’agence autrichienne Coop Himmelb(l)au, situé à l’extrême pointe de ce que les Lyonnais appellent « la presqu’île », là où la Saône rejoint le Rhône, le bâtiment se voit de loin surtout lorsqu’on arrive à Lyon par l’autoroute du sud.
Il ne s’agit pas d’un musée des Beaux-Arts – Lyon en possède déjà un, remarquable, situé dans l’ancien Palais Saint-Pierre – mais d’un écrin pour les collections d’ethnologie, archéologie, histoire naturelle, sciences et techniques. Une partie des collections vient du Musée Guimet de Lyon, situé dans le VIème arrondissement, aujourd’hui fermé mais auxquels les Lyonnais étaient très attachés.
Il vaut mieux visiter le Musée des Confluences en dehors des périodes scolaires et en semaine, idéalement à l’heure du déjeuner car sinon l’attente peut être longue.
Les collections de fossiles sont magnifiques, avec des pièces spectaculaires. Les animaux naturalisés sont nombreux, beaux et bien conservés. On regrettera simplement l’absence d’indications sur le grand panneau des oiseaux : même un ornithologue averti a du mal à s’y retrouver parmi les centaines de volatiles exposés puisqu’il n’y a aucun nom ! Dommage également que de nombreux animaux soient perchés à 3 ou 4 mètres de haut et donc difficiles à voir : ça peut être amusant ou justifié pour un singe, un oiseau, un lémurien, mais est-ce la place d’un lion, d’une antilope ? Pas sûr…
Autre regret encore : les salles sont presque toutes plongées dans le noir, pour conserver les collections paraît-il. Il en ressort rapidement un sentiment pénible d’étouffement surtout lorsque la foule des visiteurs est dense. Un peu plus de clarté serait agréable.
Malgré ces petits inconvénients, qui pourraient aisément disparaître, c’est un beau musée qu’il faut visiter plusieurs fois pour l’apprécier complètement. La variété des sujets abordés est séduisante et les objets exposés souvent remarquables : d’un squelette de mammouth à une magnifique voiture ancienne, d’un métier à tisser à des minéraux vivement colorés, d’un sphinx objets égyptiens aux vêtements d’un samouraï japonais, etc.
On s’aperçoit aussi que le temps passe vite en retrouvant dans une vitrine un téléphone, un appareil ménager, une machine à écrire, un tourne-disque qui faisait partie de la vie quotidienne de notre enfance… La vue sur la confluence est superbe et le jardin donne envie de s’y promener.
Lors de ma visite, se tenait une exposition temporaire passionnante sur l’exploration du Pôle Sud et la terrible compétition entre Scott et Amundsen. Cette exposition, qui se terminera le 28 juin 2015, justifie à elle seule la visite du musée. Faute de temps, je n’ai pu voir celle sur « les trésors d’Emile Guimet » mais elle semblait également très intéressante.
Pour tout savoir sur le musée : http://www.museedesconfluences.fr/fr
Mai 28, 2015 | • Visites et Musées
Depuis plus de 45 ans, je passe mes vacances à St-Briac, petit village situé à 20 km de St-Malo, juste à la frontière entre l’Ille-et-Vilaine, où il se situe, et les Côtes d’Armor. St-Briac, dont l’essentiel du littoral est protégé par l’un des plus anciens golfs de France, forme une sorte de presqu’île entre la pointe de la Garde Guérin et la baie du Frémur. Côté ouest, s’ouvre une vaste baie bordée par Lancieux, St-Jacut, St-Cast, etc. et fermée par le Cap Fréhel.
Un aussi joli site ne pouvait qu’attirer les artistes : Paul Signac, Emile Bernard l’ami de Gauguin, Henri Rivière, Alexandre Nozal, le sculpteur Armel Beaufils et surtout Pierre Auguste Renoir y séjournèrent. En 1886, Renoir y a peint « La bergère, la vache et la brebis » dans le cadre de la Garde Guérin. Il invita Monet à le rejoindre mais hélas sans succès.
J’ai découvert il y a quelques années qu’un autre grand artiste avait séjourné dans ce village breton : Rembrandt Bugatti. En feuilletant le livre sur Bugatti édité en 1989 par J.Chalom des Cordes et V.Fromanger des Cordes, j’étais tombé sur la reproduction d’une carte postale envoyé par l’artiste à M. et Mme Taponier. André Taponier (1869-1930) était un ami photographe et portraitiste de Bugatti.
Le livre sur Bugatti a été remanié et réédité en décembre 2009 par Véronique Fromanger sous le titre de “Rembrandt Bugatti sculpteur – Répertoire monographique” aux Editions de l’Amateur. On y retrouve la carte postale envoyée de St-Briac, datée du 28 mai 1904. Je conseille vivement la lecture de ce bel ouvrage.
Voici exactement (avec les fautes !) ce qu’écrit le sculpteur : « Je regrette ne pouvoir être à Paris, je travaille en ce moment, j’espère d’avoir fini sous 4 ou cinq jours alors je serait à vous. Je vous remercie de m’avoir invitée. La belle dame a encore envie de poser. Je n’ai jamais envoyée de carte. Salutations à tous de [signature de R.Bugatti] »
« Eléphant indien en marche » – R.Bugati – Musée de Rennes
Un sympathique échange cet hiver avec Mme Fromanger a permis de retrouver une autre carte postale, qu’elle m’autorise à montrer ici. Adressée à M. Taponier, elle représente cette fois Bugatti en maillot de bain, une raquette et une balle de tennis aux mains, un crabe à ses pieds.
Avec humour, il écrit ceci : « Le plus fort joueur de la plage, Bugatti Rembrandt, le plus élégants, tous plus que les autres. J’atend avec impatience le jour de retourner à Paris. A peine arivée je veux faire vos chien si vous le permetez. Je travaille ici. Salutation à votre dame et au petit. R.Bugatti vous salut. »
Et voilà, on sait donc dorénavant que Bugatti s’ajoute non seulement à la liste des artistes ayant visité St-Briac mais qu’il y a travaillé puisqu’il l’écrit à deux reprises.
Et pour terminer, une enchère record toute récente pour une oeuvre de R.Bugatti : le 5 mai 2015, chez Sotheby’s à New-York, le « Babouin sacré hamadryas » n°2 en fonte Hébrard et mesurant 44 cm a été adjugé à 2,3 millions de dollars hors frais soit l’équivalent de 2,06 millions d’Euros (2,5 millions frais compris).
Pour en savoir plus sur Saint-Briac : http://www.tourisme-saint-briac.fr/decouvrir.php
Pour en savoir plus sur Rembrandt Bugatti : http://www.rembrandtbugatti.info/#