LES BEAUX MUSÉES DE PARIS : LE MUSÉE DE LA VIE ROMANTIQUE

En ces temps de « confinement », voici une petite évasion avec la visite du musée de la Vie romantique à Paris. Le temps pluvieux de novembre dernier donnait un charme mélancolique à ce coin du 9ème arrondissement, en particulier à la petite ruelle qui mène à une cour entourée des bâtiments constituant le musée. Peu de monde en ce jour de semaine, ce qui permettait de s’attarder dans les pièces, d’observer tranquillement et de près vitrines, meubles et peintures.

Sculpture Colcombet musée vie romantique

Les mots « Vie romantique » évoquent bien des noms, des choses et des sentiments : la vie artistique, un certain ennui, des velours sombres rouge et vert, un piano, une villégiature au bord d’un lac, un grand hôtel presque vide, des domestiques servant le thé, un grand jardin en province, désert et écrasé de soleil, des livres, des réunions d’artistes un dimanche après-midi d’hiver, un voyage en Italie pour découvrir des ruines romaines, etc. C’est Chopin, Liszt, George Sand, Gustave Moreau, Goethe et son Werther, Lamartine, Beethoven, Delacroix, Géricaud… Bien qu’ils fassent officiellement partie de ce grand courant qui a conquis toute l’Europe, je n’associe guère Victor Hugo et Alexandre Dumas au Romantisme mais en revanche, bien que plus contemporains,  j’y aurais volontiers mis Stephan Zweig, Colette, Pierre Loti, François Mauriac, etc.

Sculpture Colcombet musée vie romantique

Impossible de résumer ici en quelques lignes le bouillonnement du romantisme français tant ce courant littéraire, politique et artistique du XIXème siècle, fondé sur l’émotion individuelle, la force tragique de la Nature, la tradition et l’Histoire épique, une certaine nostalgie de l’ancien régime et une espérance craintive de la modernité a été riche en événements, créations artistiques, querelles entre « Classiques » et « Romantiques ».

Sculpture Colcombet musée vie romantique

Et en même temps, le Romantisme évoque un certain confort bourgeois, à l’image de cette maison qui abrite donc le musée de la Vie romantique. Il est toujours très agréable de visiter un lieu d’exposition qui semble presque encore habité, avec des escaliers en bois, étroits et craquants, d’anciennes chambres, des salles de bain, des petites fenêtres donnant sur le jardin. Je pense notamment à la maison Horta à Bruxelles, au musée Gustave Moreau à Paris, au musée Faure à Aix-les-Bains.

Sculpture Colcombet musée vie romantique

Intérieur du Musée de la Vie romantique.

Au lendemain de la Révolution, Paris est encore très concentrée et entourée de champs. La plaine Monceau est à la campagne (Isidore Bonheur y fait paître « Jocrisse », la brebis de sa sœur Rosa) et les contreforts de la Butte Montmartre sont couverts de cultures maraîchères et de vergers, égayés par quelques guinguettes. A partir de 1820, la fièvre immobilière saisit la capitale et bientôt, grands hôtels particuliers et lotissements populaires s’étendent. Le quartier délimité au sud par l’église de la Trinité et Notre-Dame de Lorette et au nord par Pigalle et la place Blanche, porte encore aujourd’hui le nom de « Nouvelle Athènes » qui lui fut donné en 1823. Le receveur général des finances Lapeyrière et l’architecte Auguste Constantin y créent un ensemble d’immeubles sobres et harmonieux, d’un style cohérent. De nombreux artistes y résident : Monet, Gauguin, Isabey, Sand, Chopin, Victor Hugo, Pissaro, etc. à tel point qu’on y parle de « Nouvelle république et des Arts et des Lettres« .

Sculpture Colcombet musée vie romantique

Intérieur du Musée de la Vie romantique.

Rue Chaptal, une grande maison est louée par le peintre Ary Scheffer, très actif dans cet assemblée d’artistes. Il fera bientôt construire dans la cour un atelier de travail et un salon où il reçoit ses amis, puis une serre qui abrite aujourd’hui une petite cafétéria.

Sculpture Colcombet musée vie romantique

A la mort de l’artiste en 1858, sa fille unique Cornelia Scheffer-Marjolin acquiert la maison de son père. En 1899, elle devient la propriété de la petite-nièce de Ary Scheffer et fille d’Ernest Renan, ce qui explique la présence dans le musée d’un buste de l’écrivain breton. Quant aux œuvres du peintre, sa fille en a légué la plus grande partie à la ville de Dordrecht aux Pays-Bas, dont il était originaire.

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Buste de Ernest Renan (1823-1892) par René de Saint-Marceaux (1845-1915)

Vendue à l’Etat en 1956, prenant en 1987 le nom qu’on lui connaît aujourd’hui, la maison de A.Scheffer et de ses héritières a accueilli jusqu’au début du XXème siècle dans les salons ou l’atelier des artistes aussi prestigieux que Charles Gounod, Puvis de Chavanne, Tourgueniev, Maurice Denis, Anatole France, Henri Martin, Delacroix, Rossini, la cantatrice « la Malibran », etc. Auguste Bartholdi a été l’un des derniers élèves du peintre.

Sculpture Colcombet musée vie romantique

Intérieur du Musée de la Vie romantique.

Fils d’un peintre et graveur allemand et d’une artiste peintre hollandaise, Ary Scheffer est né en 1795. Peu après la mort de son père, il arrive à Paris en 1811 et entre dans l’atelier du peintre Pierre-Narcisse Guérin, où se formèrent notamment Delacroix et Géricault. En 1819, il expose au Salon des Artistes français « Dévouement français de six bourgeois de Calais« .

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« Le grand atelier d’Ary Scheffer rue Chaptal à Paris » – A. J. Lamme (1812-1900)

Il explorera longtemps cette veine historico-romantique avec des peintures de l’histoire de France (Gaston de Foix, La mort de Saint Louis, La retraite de Russie, etc.), des scènes de Goethe (Byron, Faust…) mais aussi des scènes de l’Évangile (Le Christ au Jardin des oliviers, les rois mages déposant leur couronne, etc.).

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« Eberhard, comte de Wurtemberg, pleurant la mort de son fils, dit Le Larmoyeur » – A.Scheffer 1836

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Sculpture Colcombet musée vie romantique

« La mort de Théodore Géricault » – A.Scheffer – Vers 1824

Mais c’est comme portraitiste qu’il acquiert sa renommée. De Calvin à Henri IV, de Franz Liszt au Père de Lamennais, de Talleyrand à Chopin, il peint beaucoup. Parmi ses portraits, on trouve beaucoup de représentations de la famille d’Orléans.

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La reine Marie-Amélie en deuil » (lors de son exil en Angleterre) – A.Scheffer 187

C’est que Ary Scheffer est depuis 1822 professeur de dessin des enfants du futur Louis-Philippe, dont la princesse Marie d’Orléans, jeune sculptrice prometteuse qui mourra prématurément à l’âge de 26 ans.

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« La chasse au faucon » et « Amazone et son lévrier » – Plâtres de Marie d’Orléans (1813-1839)

Sculpture Colcombet musée vie romantique

Fait Commandeur de la Légion d’honneur, naturalisé français deux ans avant sa mort, Ary Scheffer s’éteint en 1858. Une rue du XVIème arrondissement porte son nom.

Sculpture Colcombet musée vie romantique

« La mort d’Harold » – Bronze de Th. Gechter (1796-1844)

Le Musée de la Vie romantique est charmant mais ne peut être qualifié de très grand musée. On y découvre surtout l’intimité de l’artiste, quelques-unes de ses œuvres, un mobilier et des objets de décoration intéressants sans être exceptionnels, mais c’est une promenade agréable à faire un dimanche de printemps ou d’été pour découvrir un peu de cette atmosphère si particulière du XIXème siècle.

Sculpture Colcombet musée vie romantique

« Satan » – Bronze de J.-J. Feuchère (1807-1852)

ROUEN : MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE

En début d’année, sur ce site, je vous recommandais de visiter Rouen et son superbe Musée des Beaux-Arts. Je vous invite aujourd’hui à poursuivre votre visite avec le Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen.

En bas de l’escalier principal, une jolie sculpture de Josette Hébert-Coëffin (1908-1974), qui est née et a vécu à Rouen

Ce Muséum a été créé en 1828. C’était alors un établissement d’enseignement supérieur destiné à illustrer les cours de zoologie, botanique et pharmacie mais son directeur, Félix-Archimède Pouchet (1800-1872), enrichît considérablement les collections, révolutionna leur présentation et ouvrit au public les portes de ce qui devint donc le Muséum.

Chimpanzés

La richesse des collections d’animaux naturalisés doit beaucoup à la présence à Rouen, autrefois, des ménageries de la Foire de Saint-Romain, dont sont issus la plupart des animaux exotiques présentés. Les forains avaient en effet l’habitude de vendre au Muséum leurs animaux morts. Les collections ont aussi profité de l’activité portuaire de la région, puisque divers spécimens ont été ramenés de leur pays d’origine par des marins ou de grands collectionneurs comme Gaston Saint, drapier qui commerçait avec l’Australie.

Le Muséum de Rouen est très attachant parce qu’il a conservé un aspect ancien, un peu désuet, sans toutefois être triste ou poussiéreux : de longues vitrines, des meubles bas, un parquet qui craque, un vieil escalier en colimaçon, des dioramas parfois un peu naïfs…

Crâne de tigre

Les collections sont incontestablement intéressantes. On manque parfois un peu de place pour se croiser ou regarder avec un peu de recul tel ou tel animal, mais cela contribue aussi à donner à cet établissement le charme des vieilles demeures bien entretenues ou des laboratoires de sciences d’autrefois.

« Saint-Pierre » par Mathurin Méheut

Les présentations scientifiques sont nombreuses et bien faites, tel cet agrandissement d’une tête de serpent. On peut aussi voir une galerie des « monstres » : chaton à deux tête, porcelets siamois à une seule tête, etc.

La galerie des mammifères compte plus de 200 spécimens naturalisés très variés, de l’éléphant d’Asie au Paresseux en passant par le rare ornithorynque, le gorille ou l’oryctérope. Certains de ces animaux sont présentés en « diorama » dans leur environnement naturel.

Georges Pennetier, directeur adjoint de F-A. Pouchet puis directeur lui-même de 1873 à 1923, a créé de nombreux dioramas, son souci étant d’instruire et pas seulement de collectionner. Son successeur, Robert Régnier, multiplia les créations de ce type.

C’est pourquoi le Muséum compte autant de vastes vitrines où l’on peut voir les animaux dans leu milieu : tigre au milieu des bambous, rapaces sur une falaise, loups dans un bois, sangliers dans leur bauge, singes sur des arbres, etc.

L’un des dioramas les plus beaux est celui ci-dessus, composé des oiseaux d’Antarctique ramenés par le naturaliste Louis Gain lors de l’expédition Charcot (1908-1910). Il est à noter que la collection d’oiseaux du Muséum est particulièrement riche. Il y a même une collection de nids !

Oryctérope

Le Muséum présente aussi des collections de géologie, minéralogie, paléontologie et des oeuvres humaines : proue de pirogue de Nouvelle-Zélande, parures papoues, etc.

Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen
198 rue Beauvoisine
76000 Rouen

https://www.rouen.fr/museum

ROUEN : MUSEE DES BEAUX-ARTS

« Le musée le plus complet de France après Paris » : c’est en ces termes que l’on parlait du Musée des Beaux-Arts de Rouen à la fin du XIXème siècle.

Créé officiellement en 1801 par le décret Chaptal, le musée existait en réalité depuis quelques années puisque les premiers « récolements » (contrôle de la réalité de l’inventaire) en vue de la constitution d’une collection publique ont été entrepris dès 1790, et en 1799, le public pouvait avoir accès aux œuvres alors présentées dans l’église des Jésuites.

En 1809, le musée est déménagé dans l’Hôtel de ville. Il comprend alors moins de 300 tableaux. L’enrichissement des collections se fait tout au long du XIXème siècle par des saisies, des achats, des dons. En 1878, on dénombre plus de 600 tableaux « de premier mérite ».

Des dons très importants, comprenant pour certains (le don Baderou en 1975, par exemple) des centaines de tableaux et des milliers de dessins, vont considérablement augmenter le nombre d’œuvres du Musée.

« La flagellation du Christ à la colonne » – Le Caravage

Le bâtiment de l’Hôtel de ville sera peu à peu agrandi puis, à la fin du XXème siècle, restauré.

« L’adoration des bergers » – La Hyre

Le Musée possède des tableaux du Caravage, de La Hyre, Poussin, Velasquez, Rubens, Fragonard, Delacroix, Gericault, Van Dyck, Ingres, Hubert Robert, Coypel, Van Loo, Vouet, Guardi, Corot, David, Renoir, Monet, Sisley, Moreau, Rochegrosse, etc.

« Cheval arabe gris-blanc » – Géricault

Je vous recommande donc une visite de ce musée, dont l’accrochage est clair et agréable.

Le magnifique « Repas de noces à Yport » – Albert Fourié

Ce tableau ressemble à une scène de cinéma. L’atmosphère champêtre est merveilleuse et en même temps un rien nostalgique.

« Pêcheur en mer » – Georges Haquette

« Enterrement dans un village de la Manche » – A.W.N. Hagborg

Le tableau ci-dessus, peint par un artiste suédois venu compléter sa formation à Paris, est bouleversant. On sent le froid, l’humidité, la mer invisible mais si proche, la sidération face au drame de la mort, on entend les chuchotements, on s’attend à voir la veuve sortir de la maison, accablée par la disparition du proche.

« La barque pendant l’inondation à Port-Marly » – A.Sisley

« Un vendredi au Salon des Artistes Français » – J.A.Grün

Cette toile monumentale (6 m de long) illustre bien la cohue qui régnait au Salon autrefois. Barye se plaignait de cette affluence, de la vulgarité du public et de retrouver des manteaux accrochés à ses sculptures. Ici, c’est le « beau monde » qui vient au Salon : artistes, personnes en vue dans le monde politique, médiatique, économique, et dont les noms n’évoque plus rien aujourd’hui. On peut noter que l’affluence est toujours de mise au Salon, qui se tiendra cette année mi-février au Grand Palais : il y a deux ans, une bagarre a éclaté devant le guichet, provoquée par des visiteurs furieux de ne pouvoir entrer faute de place…

« Intérieur de la cathédrale de Reims » – P.-C. Helleu

Trois particularités à signaler : une partie du musée réservée à Jeanne d’Arc (on est à Rouen !), une étonnante anamorphose et enfin une salle présentant de nombreux trompe-l’œil.

« Le sommeil de Jeanne d’Arc » – C.W. Joy

« Jeanne d’Arc sur le bûcher » – A.-E.Fragonard (fils de Jean-Honoré Fragonard)

« Anamorphose d’après « L’érection de la Croix » de Rubens – D.Piola

Une anamorphose est une image déformée qui ne peut se lire correctement que dans une certaine position ou à l’aide d’un accessoire. Cet accessoire est ici un cylindre poli faisant miroir et que l’on place au centre de la toile : l’image sur ce cylindre est alors compréhensible (cf. ci-dessous). Cette anamorphose a été réalisée par Domenico Piola au cours du XVIIème siècle.

Le Musée de Rouen a acquis le trompe-l’œil ci-dessous, de François Jouvenet (1664-1749). La fausse vitre brisée est remarquable.

« Trompe-l’œil à la vitre brisée d’après « St-Antoine-de-Padoue adorant l’Enfant Jésus » de Van Dick – F.Jouvenet

Un autre trompe-l’œil amusant : il s’agit d’une toile sans cadre donc totalement plate. Ni le crucifix, ni le buis, ni le cadre ne sont réels.

Musée des Beaux-Arts de Rouen

Esplanade Marcel Duchamp
Ouvert de 10h à 18h tous les jours sauf le mardi
Collections permanentes gratuites

http://mbarouen.fr/fr

LE LION AU SERPENT DE BARYE

Pour mettre en avant son nouveau parcours familial « Le bestiaire du musée », le Musée des Beaux-Arts de Lyon a mis en scène une petite fille rugissant face au « Lion au serpent » de Barye.

Il est agréable de voir qu’un bel hommage est ainsi rendu au plus connu des sculpteurs animaliers français, Antoine-Louis Barye (1795-1875), dont la famille était précisément installé à Lyon et qui se fit connaître avec deux œuvres : « Tigre dévorant un gavial » et ce fameux « Lion au serpent ».

Et Lyon a la chance d’avoir en dépôt le chef-modèle en plâtre de cette pièce monumentale (près de 2 m de long) créée en 1832 et éditée en bronze en 1905. Le bronze est d’ailleurs visible au Musée du Louvre.

Ce lion est une invitation à découvrir ou redécouvrir la riche collection de sculptures du musée de Lyon, le charmant jardin du Palais Saint-Pierre permettant aussi de trouver un peu de fraîcheur.

HERAKLES ARCHER PAR BOURDELLE

Le 29 juin dernier, l’étude Drouot-Estimations mettait en vente à Paris un bronze de Emile Antoine Bourdelle représentant Héraklès archer. L’œuvre était estimé entre 150 000 € et 200 000 €. La Gazette de Drouot du 24 juin consacrait plusieurs pages à l’événement.

Bourdelle est né à Montauban en 1861 et mort au Vésinet près de Paris en 1929 ; son père était menuisier-ébéniste et son fils a travaillé avec lui dès l’âge de 13 ans. En 1884, Bourdelle rentre au Beaux-Arts à Paris, après être passé par les Beaux-Arts de Toulouse. De 1893 à 1908, il travaille chez Rodin, dont il devient ami avant de se fâcher avec lui pour des histoires d’estimation du fonds d’atelier au moment du divorce de Bourdelle. A partir de 1909, il enseigne à l’école de La Grande Chaumière, où il aura pour élèves Giacometti, Germaine Richier, Matisse et bien d’autres.

Bourdelle, qui taillait la pierre et modelait la terre, a réalisé un très grand nombre d’œuvres monumentales. On retrouve ainsi ses créations sur la façade du théâtre des Champs-Elysées ou au Palais de Tokyo à Paris, au fort Vauban de Briançon, sur le monument aux morts de Montauban, l’opéra de Marseille, etc. Bourdelle a exposé à Bruxelles, à la Biennale de Venise, à New-York, Chicago, Cleveland, etc.

Le nombre d’œuvres de Bourdelle répertoriées est considérable. L’artiste a longtemps travaillé près de Montparnasse, dans la rue qui aujourd’hui porte son nom. Un musée lui est consacré.

Bourdelle a réalisé des œuvres de style différents : sa maternité est un modèle de délicatesse à la Dalou – que Bourdelle connaissait d’ailleurs bien – alors que sa Vierge à l’offrande fait penser aux anciennes sculptures bourguignonnes en bois et que « La force du Monument » annonce déjà, selon moi, la sculpture massive et colossale, sans âme, à la soviétique…

Revenons maintenant à notre Héraklès.

Selon les différents articles parus dans La Gazette de Drouot, l’idée de cette grande sculpture serait née de la rencontre aux « samedis Rodin » , au début du XXème siècle, de Bourdelle et d’un bel officier de cavalerie, le Commandant Doyen-Parigot, qui accepta de poser nu vers 1909, dans une pose très inconfortable, pour réaliser Hercule – « Héraklès » – effectuant le 6ème de ses 12 travaux : la chasse aux oiseaux carnivores du lac Stymphale. Doyen-Parigot mourra au front en 1916.

Bourdelle va modeler huit études différentes de son archer : l’arc, le rocher et surtout le visage du héros évoluent au fil du temps. Le modèle avait demandé à ne pas être reconnu, et peu à peu, l’artiste en viendra à styliser de plus en plus la tête d’Hercule.

Certaines de ces études seront éditées en bronze du vivant de l’artiste. Il existe aussi plusieurs tailles de l’archer. En effet, si le 8ème étude proposée à Drouot mesure 62 cm de haut, dès 1909 un riche industriel, Gabriel Thomas, demande à Bourdelle une version en bronze de plus de deux mètres de haut. Il demande aussi l’exclusivité du modèle mais l’Héraklès archer rencontre un tel succès lors de la « Nationale » de 1910 que Bourdelle rompt l’accord avec G.Thomas et fait éditer plusieurs exemplaires. Colin Lemoine, responsable des sculptures au musée Bourdelle, estime qu’il existe trente bronzes de la version finale de l’Archer de par le monde.

Et il se trouve que l’un de ces modèles, fondue par Alexis Rudier, est au musée des Beaux-Arts de Lyon, où il côtoie le Lion au serpent de Barye, le très beau Victor Hugo de Rodin et tant d’autres merveilles.

Cette œuvre de Bourdelle est très connue, et peut-être que les cahiers d’écoliers Héraklès, dont le verso s’ornait d’un Héraklès archer, y sont pour quelque chose. Il faut donc faire un effort de détachement pour la voir avec un œil neuf. Elle dégage une grande puissance : le dos très musclé, la grande taille de l’arc, la position des jambes, le regard vers le ciel, sont presque écrasants. La tête d’Héraklès n’est pas très belle et les mains comme les pieds sont un peu caricaturaux. D’ailleurs, on fit à Bourdelle d’avoir fait à Hercule des « pattes de lion ».

Mais cette exagération est parlante : la tête intrigue, inquiète presque, et on retrouve chez Rodin, par exemple dans les Bourgeois de Calais, les membres démesurés, avec un effet psychologique fort.

Et pour conclure, le résultat de la vente à Drouot : Héraklès archer a été adjugé le 30 juin à 216 000 € hors frais.

EXPOSITION TROUBETZKOY AU BORD DU LAC MAJEUR

Au bord du lac Majeur en Italie, il y a une très jolie petite ville : Verbania. Avec ses quais paisibles et fleuris, ses cafés sous les arcades, ses immenses villas anciennes et ses grands jardins, sa belle pâtisserie, sa statue de Charles Borromée, la vue sur les îles du même nom, Verbania possède un charme particulier et un peu désuet.

 

En haut d’une petite rue en pente, le « Museo Del Paesaggio » consacre une belle exposition au sculpteur Paul Troubetzkoy, dont on fête le 150ème anniversaire de la naissance et qui passa de longues années au bord du lac Majeur.

Cet artiste né en 1866 à Intra en Italie et mort en 1938 près de cette ville eut une vie dense, excessive comme peuvent l’être les Slaves. Son père était Russe, descendant d’une grande famille aristocratique (Troubetzkoy était prince), sa mère cantatrice et pianiste américaine, il s’est marié avec une Suédoise puis, devenu veuf, avec une Anglaise. Son fils est né en Finlande.

Monument aux morts

Excellent sculpteur, lauréat du Grand prix de sculpture à l’Exposition Universelle de 1900, Paul Troubetzkoy était un original, riche et perdant beaucoup d’argent au jeu, vivant avec des chiens, des loups et des ours, connu de tout le Gotha parisien et russe, dont il fait le portrait. Il était très proche de Tolstoï dont il a réalisé une beau portrait à cheval et avec qui il avait de longues discussions sur l’art et sa finalité. Il a fait réaliser ses bronzes chez les plus grands fondeurs : Hébrard et Valsuani.

Vers 1906, Troubetzkoy rejoint en France la famille Bugatti. Il réalise de très beaux portraits, très expressifs et étonnamment modernes, de Carlo Bugatti et de son fils Rembrandt.

On a dit de Troubetzkoy qu’il était proche du style de Rodin : il me semble qu’il a aussi inspiré Bugatti.

Museo Del Paesaggio – Via Ruga, 44 – Verbania – Italie – Fermé le lundi

www.museodelpaesaggio.it