Un intéressant article dans Le Figaro de ce mardi (27 février 2007 – page 12) sur la recrudescence du trafic de l’ivoire d’éléphant, de l’Afrique vers l’Asie.
Il est émouvant de voir, sur la photo parue dans cet article, les centaines de défenses étalées. Certaines sont si grandes qu’elles dépassent de part et d’autre des palettes où elles sont posées. Je me souviens de cette image bien connue d’un immense brasier, au Kenya, fait de milliers de défenses récupérées auprès des braconniers et brûlées pour l’exemple sur ordre du gouvernement.
« Ahmed », gigantesque éléphant dont la statue a été placée devant le Muséum d’histoire naturelle de Nairobi au Kenya.
Je ne peux m’empêcher de rapprocher ce document d’un autre article, paru hier sur Yahoo : le WWF envisage de recommander l’abattage d’éléphants en Afrique du Sud. Le Word Wildlife Fund, dont l’emblème bien connu est un panda géant, reconnaît que la population des pachydermes est devenue si importante dans ce pays qu’elle met en danger l’écosystème et l’habitat des autochtones.
Ces deux articles illustrent bien la complexité de l’écologie et plus spécifiquement de la protection de la faune africaine. On est loin de l’écologie sentimentale qui pousse à protéger les bébés phoques uniquement parce qu’ils sont jolis. Si la hyène ou le crotale avaient été en danger, je ne suis pas certain qu’il y aurait eu la même mobilisation…
De plus, nous sommes bien mal placés pour donner des leçons de protection de la faune, nous qui ne supportons pas 10 ours dans les Pyrénées, avons éliminés tous les loups de France (qui heureusement reviennent), les bisons d’Europe, et failli détruire les lynx, les castors, les chats sauvages, etc.
La protection des éléphants pose de réels problèmes. Avant d’émettre un avis définitif, il faut avoir vu les dégâts occasionnés par une harde en déplacement en forêt, les arbres abattus pour quelques fruits, les cultures ravagées.
Les Africains, même au Kenya, en Tanzanie ou en Afrique du Sud, n’ont pour l’immense majorité jamais vu d’éléphants, qui séjournent en général dans des parcs lointains, dont l’entrée est chère. Mais les villageois qui habitent à proximité de ces parcs, eux, subissent les dommages occasionnés par leurs encombrants voisins. D’autre part, la disparition de la végétation en cas de concentration excessive des éléphants, met en danger l’équilibre du milieu et donc la présence des autres animaux et, à terme, toute la chaîne naturelle dans une région donnée.
Eléphant d’Afrique – Burkina Faso
Pourtant, on ne peut se résoudre à voir disparaître ces magnifiques animaux. Après le couagga, sorte de zèbre rayé sur le cou et la tête, après le dronte (oiseau dodo), le grand pingouin, l’éléphant pygmée, bientôt le rhinocéros blanc, le lion de l’Atlas et de l’Inde, la panthère de Chine (parmi bien d’autres), peut-on accepter que le plus grand mammifère terrestre soit rayé de la carte par la faute de l’homme ?
Certains pays ont une gestion intelligente de leur faune. L’Afrique du Sud par exemple, le Botswana aussi, ont si bien réussi à protéger leurs éléphants qu’ils y sont donc en surnombre. Les déplacer est extrêmement coûteux, complexe et aléatoire. Alors pourquoi ne pas accepter l’abattage de quelques spécimens ?
On remarque d’ailleurs que les régions où la chasse est autorisée voient en général leur faune s’enrichir, ce qui est fort logique : le prix des safaris-chasse et les taxes d’abattage sont tels que les gestionnaires de ces zones de chasse, au-delà de leur passion pour la faune, ont tout intérêt à préserver leurs sites. Leur présence quotidienne sur le terrain, avec de gros moyens, une gestion attentive (creusement de points d’eau, apports ponctuels de sel, éliminations des animaux tarés et des prédateurs en surnombre), mettent à mal les entreprises des braconniers, contre lesquels les garde-chasse nationaux, souvent hélas mal équipés et sous-payés, ne peuvent lutter, surtout quand c’est au péril de leur vie. Et tuer un animal sauvage qui n’est pas en voie de disparition n’est pas plus immoral que de manger un rôti de veau, du cochon de lait ou du caneton ! (NB : je ne suis pas chasseur).
Mais le vrai moyen de lutter contre le braconnage consiste à éviter absolument d’acheter des objets en ivoire, même anciens (car ils ne sont pas toujours aussi anciens qu’on le dit), et à sanctionner durement les importateurs illégaux d’Asie, qui raffolent des sceaux en ivoire ou autres babioles, certes traditionnelles, mais dangereuses pour la faune.
L’Asie et l’Arabie sont responsables en grande partie de la prochaine disparition très probable des rhinocéros, abattus pour leurs cornes, et c’est bien triste.