L’Association des Membres de l’Ordres des Palmes Académiques (AMOPA) organise chaque année différents concours dont un de « Défense et illustration de la langue française » destiné aux lycéens. La professeur de français de mes enfants propose chaque année à ses élèves d’y participer.
En 2013, le thème était celui-ci : « En vous inspirant de la madeleine de Proust, vous raconterez un souvenir d’enfance (vous pouvez utiliser la première ou la troisième personne), souvenir réel ou imaginaire.«
Je ne résiste pas au plaisir de montrer ici la rédaction de ma fille qui était alors en 4ème et a remporté un prix d’encouragement à l’écriture. Je précise qu’elle a rédigée seule cette rédaction et que je ne l’ai aidée en aucune façon.
« Les oreilles couchées en arrière, la gueule ouverte, ses crocs si aiguisés. Je lui caresse la tête, il me regarde comme il regarderait sa proie. Quatre cent cinquante euros pour celui-ci, proposais-je à la vieille antiquaire.
Ce n’est pas assez me répondit-elle après quelques secondes de réflexion. Ce beau petit bronze de Barye vaut au moins six cents euros.
Après un bref débat, je repartais, le bronze dans ma poche. C’était une affaire !
Je le pose sur ma commode dans le salon. Du haut de ses vingt cinq centimètres, le « Tigre marchant » me donnait tout à coup la nostalgie du bon vieux temps. Je ferme les yeux.
Je revois mon père dans son atelier, sculptant. Il terminait un éléphant. A côté de lui, une misérable table basse avait été aménagée par Papa à notre intention, moi et mes sœurs. C’est là que nous essayions sans grand résultat de donner à l’argile une forme à peu près convenable ressemblant à une gazelle qui faisait plus penser à un teckel monté sur quatre colonnes inégales. En effet mon père était à la fois sculpteur animalier et collectionneur de bronzes anciens, du 19e siècle.
Pour sculpter, il s’était installé dans une ancienne alcôve de l’appartement. C’était une petite pièce. C’est là qu’il faisait ses animaux en terre puis il les emportait à la fonderie, qui les coulait en bronze.
Sur sa table de travail on retrouvait une mirette, des ébauchoirs et d’autres outils. Cette table était éclairée par trois lampes.
En entrant dans l’atelier, à droite, accrochés au mur, se trouvaient cinq paires de cornes de gazelle. A gauche, un canard souchet était naturalisé. En face de la porte trônait une monstrueuse tête de gnou.
Derrière sa table, ses bronzes, encore en terre attendaient sagement d’être emportés à la fonderie. Cette dernière, dans laquelle j’étais allé une fois, faisait un bruit infernal.
Mon père avait ramené d’un de ses voyages au Burkina Faso une dent d’éléphant. Au mur étaient accrochées trois affiches de ses différentes expositions et une du salon des artistes animaliers.
Sur une étagère était perché un aigle signé Barye.
Un jour il avait fait en terre un pain. Mon grand-père était venu et on lui avait demandé de couper le pain. Il avait remarqué que ce dernier devait être au seigle vu sa couleur foncée. Il avait aussi trouvé qu’il était spécialement lourd. Mon grand-père avait retourné le pain et vu qu’il était en terre.
Je rouvris les yeux.
Je décidai de prolonger ce merveilleux moment en allant admirer les bronzes de Frémiet au musée des beaux arts de Lyon. »
Un jour, je mettrai aussi en ligne la rédaction sur le thème de « La chasse au lion » qui a valu cette année un prix AMOPA départemental à un autre de mes enfants.