En août 2008, est paru « La beauté du monde » de Michel Le Bris. Belle couverture où l’on peut voir une photo ancienne de deux explorateurs, un homme et une femme, posant derrière le très grand lion que visiblement ils viennent de tuer.

Osa et Martin Johnson Colcombet

Une telle couverture, en tête de gondole, m’avait forcément marqué, mais j’avais quelques réticences à acheter ce livre tant le « filon » des grandes aventures romantiques dans l’Afrique des bêtes sauvages a été exploité, en particulier par les Américains (mais pas seulement). Pour faire vendre, il faut que la recette comprenne une faible femme qui va découvrir le monde sauvage, s’amouracher du rugueux chasseur blanc qui l’a sauvé des fauves et s’offrir quelques aventures avec un bel Africain musclé. Si possible, on y ajoute un incendie, quelques vieux coloniaux racistes et exploiteurs, un aventurier ivrogne et un meurtre. Pourtant, ne fait pas « Out of Africa » qui veut. Et tous les auteurs ne sont pas Romain Gary (« Les racines du ciel ») : ces livres écrits à la va-vite n’ont aucun intérêt.

J’ai fini la semaine dernière par céder à l’attrait de la couverture et à la renommé de l’auteur, Michel Le Bris, bien connu des visiteurs du Festival « Etonnants voyageurs » de St-Malo.

J’ai dévoré le livre en quelques jours (près de 700 pages quand même). A vrai dire, le début m’a justement fait craindre d’être tombé dans le piège des « best-sellers » ci-dessus. Mais non : Michel le Bris connait visiblement les clichés mais s’en détourne chaque fois de la plus heureuse manière.

Osa et Martin Johnson Colcombet

Martin et Osa Johnson

L’histoire raconte la vie d’Osa et Martin Johnson, au début du XXème siècle, couple d’explorateurs cinéastes et photographes, vivant aux Etats-Unis et rêvant de partir à l’autre bout du monde, ce qu’ils font en allant titiller les cannibales de Bornéo. De fil en aiguille, ils finiront par rencontrer tous les grands voyageurs américains du moment et feront un extraordinaire périple au Kénya. Le livre est donc séparé en deux parties très nettes : la vie aux Etats-Unis dans les années 1900-1910 puis l’Afrique, la plus captivante.

Michel le Bris s’est parfaitement documenté et décrit sans erreur la faune africaine, en particulier celle bien spécifique du nord-Kénya : gérénuks, oryx, girafes réticulées, zèbres de Grévy, etc. Tout juste ai-je relevé une petite confusion entre guépard et léopard (c’est ce dernier qui a des griffes rétractiles). Il évoque aussi le nom de quelques grands chasseurs dont j’ai lu les mémoires : Percival, J.A.Hunter, etc.

Colcombet sculpture Namibie

Lever de soleil en Afrique noire

En regardant la liste des oeuvres de Michel Le Bris, j’ai été surpris de lire « Africa, images d’un monde perdu (sur des photographies d’Osa et Martin Johnson ». Et là, surprise, j’ai réalisé que les héros du livre avaient bien existé !

En recherchant sur internet, j’ai découvert que tout ce qu’écrit l’auteur dans « La beauté du monde » est réel ! On peut même voir des extraits de films réalisés par Martin Johnson. Approfondissant mes recherches, jai découvert qu’Akeley, présenté dans le livre comme une sorte de génie fou de la taxidermie et un grand explorateur au pays des gorilles avait existé. Idem de tous les explorateurs décrits. On y retrouve notamment Denys Finch-Atton, l’amant de Karen Blixen (juste citée), et son mari Bror, rendus célèbres par le merveilleux film Out of Africa.

Le livre revêt donc un intérêt supplémentaire : c’est un véritable document sur l’extraordinaire vie des Johnson.

Sculpture bronze Colcombet Namibie

A lire donc, d’autant plus qu’ici ou là, Michel Le Bris sème quelques bribes de philosophie bien sentie. Juste un exemple, mis dans la bouche du père de Martin Johnson :

« On rêve d’un enfant, on l’élève quand il vient, du mieux qu’on imagine, on se sent prêt pour lui à tous les sacrifices, on veut le protéger, et on n’élève jamais qu’un étranger. Qu’on blesse sans le savoir, qu’on tient sans le savoir en cage. Dans la cage de nos projets pour lui, forcément, et puis forcément dans celle de nos préjugés. Mais comment, dites-moi, comment faire autrement ? Pour tous les parents, quand ils regardent leurs enfants, le monde est une menace. Pour les enfants, c’est une promesse… ».

« La beauté du monde » – Michel Le Bris – Grasset – 680 pages – Août 2008 – 21,90 Euros

Lien vers une vidéo relative aux Johnson : https://www.youtube.com/watch?v=QHQ2ats0eJY