Voici une nouvelle création inhabituelle pour moi : un chien. Alors que cet animal a été très abondamment sculpté au XIXème siècle par Barye, Isidore Bonheur, Gardet, Frémiet, etc. et surtout Pierre-Jules Mêne, c’est un sujet plus rare de nos jours, sans doute parce qu’il est difficile d’oser se confronter à l’immense talent des grands artistes du XIXème et peut-être aussi parce qu’on a le sentiment qu’ils ont un peu épuisé le sujet. C’est pourquoi je n’avais guère envie de modeler le « fidèle compagnon de l’Homme« .
Il a fallu l’insistance d’un internaute pour que je m’y lance : son chien Gap étant mort, il m’a demandé d’en faire le portrait. Tâche quasi-impossible et que je refuse toujours d’habitude : il est certes envisageable, en se documentant, de modeler un individu bien représentatif de telle ou telle race mais comme les personnes, chaque animal a des traits particuliers, des attitudes et un caractère qui le rendent unique. Ce n’est qu’en vivant avec lui que l’on peut saisir tout ce qui permettra d’en faire un portrait ressemblant, faute de quoi il y aura toujours une petite déception chez le maître de l’animal lorsqu’il contemplera la sculpture : ce sera un peu son chien mais pas tout à fait. Alors pourquoi avoir accepter le demande de cet internaute ? Parce qu’il a parfaitement compris la situation et accepté d’avoir le portrait d’un chien de la même race que le sien, mais pas tout à fait le portrait de son chien Gap.
Et puis je dois dire aussi qu’à force d’observer les nombreux chiens que l’on croise, de me remémorer ceux que j’ai connus – setter irlandais et teckel – le défi me tentait. Et j’y ai pris beaucoup de plaisir, ce qui signifie que je recommencerai certainement.
Difficulté supplémentaire : Gap, le chien que je devais modeler, appartient à une race fort rare dont j’ignorais l’existence. Il s’agit d’un « Flat-coated retriever », autrement dit une sorte de Labrador « à poils plats ». Pour tout connaître sur cette race, il faut se référer à la thèse soutenue en 1984 par Coralie Reversat à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon. L’origine de tous les Retriever se situe en Ecosse, où vivaient au XIXème siècle des chiens de la race « de Saint John« , excellents à la chasse, rapides, bon nageurs. Ces chiens ont été croisés avec des Spaniels, des Setters, des chiens de bergers et c’est ainsi que vers 1850 est apparu le Wavy-coated. Vers 1870, l’Anglais S.E.Shirley croisa des Wavy-coated avec des Labradors purs et avec des Colleys (le chien de la série Lassie), ceux-ci faisant disparaître les franges ondulées issues des croisements avec les Setters. A la fin du XIXème siècle, la race Flat-coated retriever était fixée ; son standard sera enregistré en 1923 par la Flat-coated Retriever Association et n’a pas changé depuis. Ce chien connaît alors une grande popularité en Grande-Bretagne notamment auprès des gardes-chasse, mais au XIXème siècle le Labrador et le Golden prennent totalement l’avantage, au point que bien peu de personnes de nos jours connaissent encore le Flat-coated.
Source : Wikipedia
En France, même si les premiers Flat-coated sont apparues à la fin du XIXème siècle, ce n’est qu’en 1978 que s’y développa le premier élevage. La thèse de C.Reversat reprend avec force détails la morphologie et l’aspect de la race et il serait un peu long de les décrire ici. Retenons donc surtout que ces chiens portent une robe uniforme, de couleur noire ou marron, qu’ils mesurent environ 60 cm au garrot et pèsent une trentaine de kilos. Leur poil est plat, évidemment, mais frangés sous le corps, la queue et derrière les pattes. La queue est généralement droite et ne remonte pas plus haut que la ligne du dos.
Source : Wikipedia
Mais c’est la tête de ce chien qui permet de le distinguer immédiatement : elle présente un très faible « stop », cette sorte de marche entre le museau et le front. En cela, elle est donc très différente de celle des pointers et même des setters mais se rapproche plutôt des lévriers. Pour le reste, signalons une truffe assez importante, un crâne peu large – ce qui le distingue des Golden – et assez creux sur les tempes et les joues.
Les Flat-coated sont d’excellents chiens de chasse, des chiens d’eau, rapporteurs de gibier. Leur mâchoire est donc puissante et s’ouvre largement pour leur permettre de porter un canard ou un lièvre. D’après le standard officiel, le Flat-coated est « un chien sûr de lui et gentil, très affectueux et joueur. » Il est actif, sportif – il adore l’eau – mais aussi têtu et doit être dressé avec fermeté et beaucoup de douceur. C’est un mauvais chien de garde car il ne mord pas mais peut-être dressé comme chien d’aveugle ou de handicapé ainsi que pour le sauvetage en mer.
La quasi-continuité entre le front et le museau, donc le très faible « stop », est particulièrement visible sur cette photo.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de vous citer le commentaire de notre internaute lorsque ma sculpture a été terminée, ce qui n’a pas été sans de nombreux échanges, partages d’avis et corrections du modèle : « Il est très réussi. Mon épouse qui voulait un modèle ressemblant beaucoup à notre chien est très satisfaite. » Et selon la propriétaire de l’élevage dont était issu Gap : « Je trouve le modèle pas mal du tout,on reconnaît bien le flat dans l’expression et la statique. »
Edition en bronze prévue au printemps, probablement en avril.