Il y a bien longtemps – 5 mois – que je n’ai pas mis de note sur « La valeur d’un bronze« . Non pas que je sois en manque d’inspiration car je reçois plusieurs demandes d’avis par semaine, mais parce que les autres sujets à mettre en ligne ne manquent pas.

A ce propos, je voudrais rappeler quelques « règles » pour les demandes d’avis sur les bronzes :

– Mes avis sont gratuits. De temps à autre, quelque personnes me demandent ce qu’elles doivent me payer, ce qui est fort aimable, mais je tiens à conserver aussi longtemps que possible cette gratuité qui me permet de voir de très beaux bronzes, me donne l’occasion de creuser certains sujets et attire aussi, pourquoi le cacher, beaucoup d’internautes amateurs de sculpture (fin 2012 : 9000 visites/mois et 30000 pages vues/mois pour ce blog).

– Je réponds à toutes les demandes, parfois brièvement si la pièce présente très peu d’intérêt ou si je l’ai déjà traitée sur ce site, en général plus longuement, avec quelques lignes sur la vie du sculpteur, l’oeuvre, ses qualités et défauts, et une estimation. Je tache de répondre assez rapidement, au maximum sous 10 jours, mais les demandes multiples, les vacances, une exposition peuvent retarder un peu ma réponse. Les notes ne sont mises sur ce site que parce que les bronzes auxquels elles se rapportent présentent un intérêt particulier. Elles ne représentent qu’une très faible partie des réponses aux nombreuses questions.

– Vos demandes ne doivent pas être envoyées sur le site sous forme de commentaire à une note. Il faut les envoyer à mon adresse mail : damiencolcombet@free.fr.

– Je ne peux évidemment répondre aux demandes vagues, sans photos, sans dimensions. Il y a quelques jours, j’ai reçu ce mail, sans photo jointe ni indication du sculpteur : « Je possède un bronze représentant un tigre. J’aurais voulu connaître sa valeur pour l’assurance« . Il est évidemment impossible de répondre à cette question sans éléments plus précis.

– Les photos jointes aux demandes sont généralement de bonne qualité, très nettes, et montrent bien l’ensemble de la pièce, le dessous du socle, la signature de l’artiste et, le cas échéant, celle du fondeur. Mais certaines photos reçues sont floues, ce qui empêche toute analyse de la ciselure et de la patine, ce qui est pourtant essentiel car le premier coup d’œil permet souvent de repérer à une ciselure approximative et une fonte imparfaite que la pièce est une copie . Il vaut mieux une photo très nette qui n’est pas un gros plan – on peut toujours zoomer à l’écran – qu’une vue floue inexploitable.

Que faire par exemple d’une photo comme celle-ci, qui me permet tout juste de deviner qu’il s’agit du Braque à l’arrêt, de Barye, mais empêchera de déterminer s’il s’agit d’une très bonne fonte, d’une fonte tardive ou d’une copie sans intérêt ?

– Ma messagerie n’accepte pas les mails supérieurs à 10 Mo. Il faut donc parfois faire plusieurs mails successifs avec les différentes photos.

– Enfin, on me demande souvent des conseils pour vendre les bronzes sur lesquels j’ai donné un avis. Je peux effectivement vous aider, toujours gracieusement, en donnant une liste, pour Paris et la province, de marchands et de commissaires-priseurs réputés pour leur sérieux et leurs compétences en matière de bronze. Je précise que je ne suis aucunement lié à eux et que la plupart ne me connaissent même pas. Et puis il m’arrive de temps à autre de mettre en relation un vendeur avec un internaute qui m’a écrit pour me dire qu’il recherchait telle ou telle pièce de tel artiste. L’intérêt est qu’il n’y a aucun frais, que j’ai préalablement donné mon avis sur la valeur de la pièce et que le vendeur, s’il est pressé et ne veut pas avoir le souci de la vente aux enchères, traite très rapidement l’affaire. Si vous recherchez un bronze particulier, n’hésitez donc pas à m’en faire part par mail à damiencolcombet@free.fr.

Tout ceci étant dit, voici la réponse à Monsieur Thierry A., de Paris, qui me soumet à nouveau une pièce : « un taureau de Demay ».

Germain Demay (1819-1886) a connu un parcours un peu particulier : il fit d’abord des études de médecine, travailla ensuite 10 ans pour Barye, exposa au Salon en 1844 et 1848 puis, à cause de la Révolution qui interrompit sa carrière artistique, devint fonctionnaire aux Archives nationales (il se spécialisa dans le moulage des sceaux) tout en réalisant des médaillons en bronze de personnalités : le député de la Creuse Barailou, son fils médecin-colonel, Victor Noir…

Si vous ne savez pas qui est Victor Noir, je vous conseille de le découvrir par ce lien, où vous est contée la complexe affaire de duel sur fond de bonapartisme, de journalisme et de Corse, qui fit de ce jeune homme un symbole de la République et de la… virilité grâce au sculpteur Dalou ! http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Noir

On sait peu de choses de ce très discret artiste qu’était Germain Demay, et ses oeuvres passent rarement en vente. Le « Dictionnaire des sculpteurs animaliers » du Dr Hachet (Argus Valentines) ne reproduit qu’un chat et un chien aboyant. Au hasard des ventes et des livres, on apprend qu’il a réalisé des chiens, des oiseaux (faisan, perdreaux…) et notre fameux taureau, mais c’est à peu près tout. Sa production semble donc extrêmement restreinte. Voici une très jolie petite grue couronnée, de la main de Demay.

Le taureau de notre internaute est très beau, finement ciselé et possède une très belle patine. Il présente une curieuse particularité : une terrasse de forme géométrique qui n’a pas l’air solidaire du bronze et de son socle, mais l’est pourtant totalement, puisque l’ensemble ne forme qu’une seule pièce, comme on le voit sous le socle. Ce choix est-il heureux ? Le taureau aurait sans doute gagné en légèreté sans cette terrasse mais au XIXème, l’usage était de placer les animaux en valeur en les surélevant. La plupart des bronzes de Barye – pas tous, il est vrai – sont ainsi présentés.

Il n’est pas étonnant que Demay ait travaillé avec Barye : on retrouve ici le même souci du détail, la nervosité, l’attitude naturelle de l’animal. On peut également le rapprocher des bovins de la famille Bonheur (photos ci-dessous).

La vache beuglant, d’Isidore Bonheur.

Le taureau beuglant, de Rosa Bonheur.

Élément intéressant, le bronze de notre internaute est reproduit dans le formidable livre « Animals in bronze » de Chr.Payne (cf. album photo « Les livres »), avec un commentaire élogieux. L’auteur relève comme moi la curieuse terrasse et n’hésite pas à comparer ce modèle à l’un des taureaux de Barye.

Les dimensions du taureau de Demay sont les suivantes : 24,2 cm (long.) x 14,1 cm (haut.) x 8,3 (prof.) : elles correspondent parfaitement à celles mentionnées dans l’ouvrage de Payne.

La cote de Germain Demay n’est pas très établie puisqu’il y a peu de références pour ses bronzes. Je n’ai trouvé que deux résultats, assez anciens, pour notre taureau :

– Sotheby’s au Royaume-Uni en septembre 1998 : estimé 1500 à 1800 € mais invendu.

– Compiègne en octobre 1998 (serait-ce le même bronze ?) : adjugé à l’équivalent de 1500 €.

Ce modèle a donc pour « défauts » que son auteur est très peu connu, mais il a pour indéniables qualités sa finesse et également le fait d’être répertorié dans le Payne. Je pense qu’aujourd’hui, alors que la cote des bronzes animaliers anciens est moins élevée qu’il y a quelques années, son estimation pourrait être de l’ordre de 1000 €.