Monsieur Michaël G. m’envoie un mail très intéressant, qui mérite une note sur ce site et vous allez comprendre pourquoi.
Notre internaute joint à son mail trois photos d’un grand bronze, photos d’ailleurs très bonnes et permettant une parfaite identification du sujet, et il ajoute les commentaires suivants (je me permets de le citer) : « Je suis intrigué par la signature « J.Mène » et non « P.J.Mène »… Certaines pièces sont apparemment signées « Mène » mais quand il y a des initiales je n’ai toujours vu que les deux P et J. J’ai lu qu’il y avait de très nombreuses reproductions, et des faux… ».
A première vue, ce bronze, qui représente « L’Accolade », est bien de Pierre-Jules Mêne, très grand sculpteur français dont j’ai abondamment parlé sur ce site, et qui a principalement représenté des chevaux et des chiens. Je ne saurais trop conseiller, d’ailleurs, la lecture – j’allais dire la contemplation – du « Catalogue raisonné » de cet artiste, par MM. Poletti et Richarme et édité par L’Univers du Bronze à Paris.
Monsieur G. a un œil averti car, malgré les « dimensions normales » de cette pièce, il sait que la signature est un critère souvent déterminant pour l’authentification d’un bronze. Or, la signature présente ici deux défauts : d’une part, Mêne n’a effectivement jamais signé avec une seule initiale, mais toujours avec les deux ou aucune, d’autre part le graphisme des lettres est très éloigné de la marque traditionnelle de Mêne (et non Mène, comme on le lit souvent), très stricte. La forme du J, en particulier, en trop ample. Cette signature serait plus du style de Frémiet, par exemple.
On pourrait encore ajouter que jamais Mêne n’aurait laissé des imperfections sur sa signature, comme les petits points de bronzes que l’on voit dans presque chaque lettre. Mais on retrouve ces imperfections sur l’ensemble de la pièce : sur le cheval qui tourne franchement la tête, les côtes sont trop marquées, la cuisse trop creuse. Sur les deux animaux, le point de contact entre le socle et les sabots n’est pas nettement ciselé. Le gros plan de la tête montre des veines maladroitement reproduites et un œil imparfait.
Ces critiques peuvent sembler sévères et beaucoup trouveront ce bronze très beau. Il est vrai que c’est une jolie pièce et si l’on oublie Pierre-Jules Mêne, c’est un très bel objet. Mais si on l’analyse selon le critère de l’authenticité, il faut reconnaître qu’il s’agit d’une copie.
On peut être étonné voire scandalisé que des copies de bronzes connus circulent ainsi. En réalité, la question se pose un peu comme pour le rapport entre un tableau et un poster. Si l’on présente un poster d’une oeuvre de Picasso comme un original, il y a tromperie. En revanche, si l’on sait qu’il s’agit d’une reproduction, les choses sont claires. Le Louvre édite ainsi des copies en résine de bronzes anciens. Ces objets sont superbes et, si elles étaient en bronze et surtout si la mention Reproduction n’était pas présente, il serait probablement impossible de les distinguer d’une fonte ancienne. Mais lorsque Le Louvre vend ces objets dans sa boutique, nul ne peut se dire trompé.
En revanche, si un marchand fait passer une copie pour un bronze authentique, il y a, au mieux, erreur de sa part, au pire tromperie délibérée. Il faut toutefois préciser qu’il est parfois extrêmement difficile de distinguer un « faux » d’un « vrai », et que, comme pour un tableau, des experts peuvent n’être pas du même avis.
Pour être complet, il faut distinguer :
– Les bronzes réellement originaux, créés et fondus du vivant de l’artiste, dans son atelier ou non, et qui sont les plus recherchés (ex. bronzes de Barye issus de l’atelier de Barye lui-même).
– Les « fontes posthumes », qui peuvent être d’excellentes qualités car fondues à partir du chef-modèle (ex. Barye fonte Barbedienne).
– Les « fontes tardives », qui, à la différence des précédentes, sont généralement de moins bonne qualité, mais ne sont toutefois pas des copies ou des faux.
– Les copies, qu’un œil un peu averti reconnaît immédiatement comme telles, car les détails manquent et la fonte est dite « molle » en ce sens qu’elle est peu ou mal ciselée.
Pour s’y retrouver, je conseille de se reporter aux notes de mai 2006 (dans le menu à gauche, cliquer sur « Archives », puis « Toutes les archives » puis « mai 2006 »).
Quelle est la valeur de cette « Accolade » ? Celle d’un bel objet décoratif, soit quelques centaines d’Euros, alors que le même sujet vaudrait plusieurs milliers d’Euros s’il était authentique.