Le Musée des Beaux-arts de Rennes (35) expose actuellement et jusqu’au 17 mai 2015 des œuvres du peintre Gilles Aillaud.
Cet artiste né en 1928 et décédé en 2005 était le fils de l’architecte Emile Aillaud. Dès l’enfance, avec sa sœur, il fréquente la ménagerie du Jardin des plantes à Paris dont il s’exerce à dessiner et peindre les pensionnaires. Après des études de philosophie, il choisit à 21 ans la carrière d’artiste. Une première exposition personnelle a lieu en 1952. A partir de 1963, il se consacre à l’animal. Dans un contexte artistique où l’avant-garde et la recherche à tout prix de la nouveauté font la loi, il estime que cette quête forcenée « contribue à anesthésier la sensibilité plutôt qu’à stimuler les pouvoirs créateurs de l’esprit« . Il fait partie du courant de la « Figuration narrative ».
« La Fosse » – On aperçoit une lionne couchée.
En 1965, à la galerie Creuze, il expose avec E.Arroyo et A.Recalcati une série de tableaux qui fait scandale : « Vivre et laisser mourir, ou la Fin tragique de Marcel Duchamp« , qui représentant l’assassinat de l’inventeur du « ready made ».
C’est une exposition en 1971 au Musée d’art moderne de Paris qui fait vraiment connaître ses peintures d’animaux. G.Aillaud a voyagé notamment au Kenya et en a rapporté de nombreux dessins et peintures. Il illustrera une volumineuse « Encyclopédie de tous les animaux, y compris les minéraux« , en 4 tomes, au titre surprenant (même si on ne le remarque pas immédiatement !). Cet artiste travaillera également pour le théâtre.
« Serpent, Porte et Mosaïque »
Mais le travail le plus étonnant, le plus fort de Gilles Aillaud porte sur les zoos. Nous avons tous visité un jour l’une de ces ménageries démodées où les grilles, le carrelage, le béton et les néons blanchâtres sont trop présents. Le zoo de Vincennes d’autrefois avec ses fosses bétonnées, la fauverie du Jardin des Plantes avec ses énormes grilles en étaient de bons exemples.
G.Aillaud parvient à rendre de façon saisissante l’ennui, la triste monotonie d’un vivarium, d’un bassin, l’enfermement des animaux généralement plongés dans une léthargie terrible, leur nostalgie résignée. Les cages sont presque toujours impeccablement propres, témoignant de la bonne tenue du zoo, mais aussi de l’incapacité humaine à comprendre qu’une cellule trop petite, triste, froide ne peut, même si elle est nettoyée, satisfaire un animal qui a besoin de bouger, courir, s’agiter et sentir autre chose que l’odeur des faux rochers en ciment et des détergents. On en voit pas de visiteurs, ce qui laisse un sentiment de solitude.
« Otarie et jet d’eau »
Ces peintures sont un témoignage de zoos qui en général n’existent plus car tous ou presque ont fait des progrès dans la recherche du bien-être animal. Mais souvenons nous que les fossés du zoos de Vincennes constituaient déjà un grand progrès par rapport aux grilles étouffantes des enclos plus anciens.
Les peintures de G.Aillaud sont très travaillées : les cages sont bien dessinées, le jeu des lumières et des ombres est parfaitement rendu. Certaines œuvres paraissant si simples ont pourtant un incroyable pouvoir évocateur. « La soupe » par exemple montre un bassin rempli d’une eau glauque dont émerge le dos violet d’un hippopotame. L’eau troublée par les déjections du pachyderme laisse toutefois deviner, par transparence, la masse considérable de l’animal. Qui n’a pas espéré longtemps devant une telle cage, attendant qu’enfin la bête bouge un peu, sorte à peine les naseaux et souffle un panache de vapeur avant de se laisser couler à nouveau ?
« La soupe »
« Lorsque je représente des animaux toujours enfermés ou « déplacés », ce n’est pas directement la condition humaine que je peins. L’homme n’est pas dans la cage sous la forme du singe, mais le singe a été mis dans la cage par l’homme. C’est l’ambiguïté de cette relation qui m’occupe et l’étrangeté des lieux où s’opère cette séquestration silencieuse et impunie. » explique l’artiste.
Zoo de Tunis (photo DC)
Le Musée de Rennes a édité un catalogue de l’exposition, dont on regrette simplement le charabia intellectualisant des textes…
Gilles Aillaud (1928-2005)
Musée des Beaux-arts de Rennes
20 quai Emile Zola – 35000 Rennes
Fermé le lundi et les jours fériés
http://www.mbar.org/index.php