LE DOUTE ET L’ARTISTE

Dans Le Monde daté du 27 octobre, j’ai trouvé un article très intéressant intitulé « La création nécessite un questionnement permanent« . Il est écrit par Laurent Petitgirard, Vice-Président de l’Académie des Beaux-Arts, et s’inscrit dans un ensemble de communications présentées par les délégués de chacune des 5 académies regroupées au sein de l’Institut de France, dont la rentrée est consacrée cette année au thème du « doute ».

Sculpture Colcombet gorille dos argenté Pythagore

La gorille Pythagore – Terre de D.Colcombet

Il n’y a rien de proprement révolutionnaire dans cet article mais il est fort bien écrit et tout artiste devrait sentir profondément vibrer en lui les mots de L.Petitgirard, avec cet émoi que l’on ressent à la description parfaite, au partage d’un sentiment intime.

L’auteur évoque d’abord le doute récurrent de l’artiste – il est lui-même compositeur de musique – sur « sa propre capacité à créer au niveau d’exigence souhaité […], la cohérence et la pertinence du travail en cours, doute sur la qualité de l’oeuvre lorsqu’elle est achevée, doute sur son originalité, sur son degré d’impact, sur sa capacité de diffusion, sur sa pérennité ». Mais il écarte rapidement ces doutes qu’il rattache plutôt au domaine de l’inquiétude, et qui ne lui semblent pas assez fondamentaux. Il préfère se consacrer au « vertige », au « doute fondamental », à « l’angoisse ».

Bronze Colcombet éléphant d'Afrique grandes défenses

Le patriarche – Bronze de D.Colcombet

J’ai pour ma part longtemps cru que le doute était un faux-nez des artistes, une posture légitimant des états d’âme et des introspections sensées consolider une aura, un statut « à part » de l’artiste s’autoproclamant « en recherche », donc déjà au-delà ou au-dessus du commun des mortels et jouissant ainsi d’avantages matériels ou spirituels appréciables.

Hélas, depuis que je modèle mes animaux, je vis à mon tour avec le doute – l’auteur ne précise pas qu’il est réservé aux artistes talentueux ! – et c’est un fardeau souvent lourd. Il y a bien entendu l’inquiétude dont parle ci-dessus L.Petitgirard ; toutefois je sens bien que la question de la réussite de l’oeuvre ou de sa diffusion est une crainte mais pas un doute.

« Le doute du créateur commence par la tentative de se convaincre lui-même de la nécessité de l’oeuvre qu’il est sur le point d’entreprendre. […] L’inspiration naîtrait-elle du doute ou d’un labeur quotidien qui nous la ferait imaginer comme un muscle devant continuellement s’entraîner sous peine de rouiller ? Probablement des deux ».

Sculpture Damien Colcombet tigresse couchée

Tigresse couchée – Terre de D.Colcombet

Ah ! Comme il est difficile de se remettre au travail après quelques semaines d’interruption, car le doute, trop heureux de n’être point limité, cantonné, tenu rênes très courtes par le travail de création, s’est épanoui et, comme un mauvais poison, a répandu sa substance vénéneuse dans l’esprit de l’artiste, l’occupe tout entier et finit par lui faire dire : « A quoi bon ? ». Il n’est plus dans la crainte de réussir ou non une oeuvre : ce n’est plus le fruit qui est pourri, mais la sève, l’arbre tout entier qui est malade. L’auteur met en garde contre ce doute, que le temps risque de rendre indestructible, comme ces arbres étouffés à jamais par le lierre.

Je repense à Albert Brenet, immense peintre de la Marine, qui me disait un peu avant sa mort, alors qu’il avait cessé de peindre depuis dix ans : « Le décès de ma femme, que j’adorais, m’en a ôté le goût ».

Colcombet Brenet

Notre-Dame de Paris – Albert Brenet

C’est pour cela que l’artiste doit se remettre rapidement au travail : le créateur doit retrouver « l’intime conviction, sinon la certitude que l’oeuvre à venir est nécessaire ».

Et pourtant, à nouveau, pas de création sans doute : « Que l’oeuvre soit monumentale ou miniature, la période qui précède le premier coup de pinceau, de burin ou de plume est un étonnant mystère et il est bien difficile de définir avec précision l’importance du doute dans le processus créatif. Nous sommes dans le domaine de l’intime, de l’ineffable ». D’expérience, je sais maintenant que ce doute est incommunicable, que toutes les tentatives de l’entourage de l’artiste pour le rassurer, le chiffre des ventes, les prix et les distinctions, les compliments et louanges ne servent à rien, ce qui peut d’ailleurs, de l’extérieur, sembler irritant et laisser penser que le créateur se torture à plaisir.

Colcombet études d'ours

Etude d’ours – Georges Feldkirchner

Laurent Petitgirard conclut magnifiquement : « L’acte créateur me semble être le lieu où cohabitent un doute profond et une impérieuse nécessité. Le doute, comme un questionnement permanent de l’oeuvre en gestation, l’impérieuse nécessité d’avancer comme l’évidence que son chemin est dans la création : voilà peut-être le fragile équilibre dans lequel se débattent ceux qui ont l’audace d’espérer tracer quelques signes dans la mémoire des hommes ».

Hier soir, j’ai détruit un petit buffle, pas réussi, et j’ai décidé d’arrêter pour toujours la sculpture.

Jusqu’à la prochaine fois…

Les textes complets sont en ligne sur le site de l’Institut www.institut-de-france.fr

ALAIN DELON COLLECTIONNEUR

Alain Delon est un grand amateur d’art. Il possède une très belle collection de bronzes animaliers, de peintures modernes – bien qu’il en ait vendu une grande partie – et de dessins. A l’occasion du Salon du Dessin à paris, il expose une quarantaine d’œuvres, souvent très anciennes : Cocteau, mais aussi Géricault, Rembrandt, etc.

La Gazette de Drouot datée de ce vendredi 19 mars 2010 fait paraître une grande interview de l’acteur, qui raconte les débuts de cette passion, ses trouvailles et ses beaux achats, les artistes sont il recherche les œuvres.

J’ai été surpris et heureux de voir que le journaliste, Alexandre Crochet, mentionnait mon gorille Platon trônant dans le bureau d’Alain !

Alain Delon Colcombet

ALAIN DELON ET SOCRATE

Cet après-midi, un appel sur mon téléphone portable : « Ici Alain Delon. J’ai acheté hier à la vente Eve à Drouot votre bronze du chimpanzé Socrate ».

Bronze Colcombet chimpanzé avec tortue

Alain Delon a la gentillesse d’aimer mon travail et a commencé une collection de mes pièces : le Buffle d’Afrique en alerte, Platon, et maintenant Socrate « pour que Platon ne reste pas seul et ait de la compagnie ! »

C’est évidemment une grande joie d’échanger avec ce très grand collectionneur d’art moderne et de bronzes animaliers. Il a longtemps possédé la plus belle collection de Rembrandt Bugatti et étoffe celle de Guyot, très grand sculpteur. « Je place vos pièces entre celles de ces deux maîtres » s’amuse-t-il. Je lui ai parlé du Salon de Bry, qu’il ne connaissait pas mais m’a promis de se renseigner.

Bronze Colcombet chimpanzé avec tortue

Il a lu le long article consacré à mon travail dans la toute nouvelle revue Art Animalier, dont je vous parlerai bientôt. Il fait preuve, comme à chaque fois, d’une très grande simplicité et d’une grande gentillesse, et pour terminer me donne rendez-vous à Lyon courant 2010 pour parler sculpture et animaux.

ALAIN DELON ET PLATON

Je vous avais annoncé la belle vente de vendredi dernier (27 février) à Drouot. Me Leroy a su marier harmonieusement les « grands anciens » – Rosa (tableau) et Isidore (bronze) Bonheur, PJ Mène, Godchaux, Rötig, Fratin, Guyot, Jouve et bien d’autres – et les artistes contemporains aussi variés que Danielle Beck (les zèbres), José Maria David, Corinne Marchais, So, l’extraordinaire Patrick François, Umberto (une pieuvre magnifique !), etc.

Bronze Colcombet gorille des plaines assis

Quelques jours avant la vente, Alain Delon, grand collectionneur de bronzes animaliers, en particulier de Rembrandt Bugatti et de Georges Lucien Guyot, m’a appelé pour me parler de « Platon, gorille des plaines », qui lui avait visiblement « tapé dans l’oeil ». Alain Delon, qui possède déjà le « Buffle d’Afrique de l’Est debout », a la gentillesse d’aimer mon travail et de me le dire.

Bronze Colcombet Alain Delon

Avec Alain Delon

Lors de la vente, une belle bataille s’est déroulé au téléphone entre lui et un collectionneur américain mais il a fini par l’emporter et m’a dit hier sa joie. C’est évidemment la mienne ! Quelle fierté d’être ainsi suivi par un collectionneur aussi averti, qui peut parler des heures des bronzes et des animaux, de la qualité d’une patine, de la ciselure, du relief et de la vie d’une pièce.