Art Animalier – n°1 – Décembre 2009
« Damien Colcombet fait partie de ces artistes pour lesquels l’Art Animalier est avant tout la manifestation de l’esprit et de la matière à travers un bestiaire très varié…«
« Damien Colcombet fait partie de ces artistes pour lesquels l’Art Animalier est avant tout la manifestation de l’esprit et de la matière à travers un bestiaire très varié…«
Cet après-midi, un appel sur mon téléphone portable : « Ici Alain Delon. J’ai acheté hier à la vente Eve à Drouot votre bronze du chimpanzé Socrate ».
Alain Delon a la gentillesse d’aimer mon travail et a commencé une collection de mes pièces : le Buffle d’Afrique en alerte, Platon, et maintenant Socrate « pour que Platon ne reste pas seul et ait de la compagnie ! »
C’est évidemment une grande joie d’échanger avec ce très grand collectionneur d’art moderne et de bronzes animaliers. Il a longtemps possédé la plus belle collection de Rembrandt Bugatti et étoffe celle de Guyot, très grand sculpteur. « Je place vos pièces entre celles de ces deux maîtres » s’amuse-t-il. Je lui ai parlé du Salon de Bry, qu’il ne connaissait pas mais m’a promis de se renseigner.
Il a lu le long article consacré à mon travail dans la toute nouvelle revue Art Animalier, dont je vous parlerai bientôt. Il fait preuve, comme à chaque fois, d’une très grande simplicité et d’une grande gentillesse, et pour terminer me donne rendez-vous à Lyon courant 2010 pour parler sculpture et animaux.
Je vous avais annoncé la belle vente de vendredi dernier (27 février) à Drouot. Me Leroy a su marier harmonieusement les « grands anciens » – Rosa (tableau) et Isidore (bronze) Bonheur, PJ Mène, Godchaux, Rötig, Fratin, Guyot, Jouve et bien d’autres – et les artistes contemporains aussi variés que Danielle Beck (les zèbres), José Maria David, Corinne Marchais, So, l’extraordinaire Patrick François, Umberto (une pieuvre magnifique !), etc.
Quelques jours avant la vente, Alain Delon, grand collectionneur de bronzes animaliers, en particulier de Rembrandt Bugatti et de Georges Lucien Guyot, m’a appelé pour me parler de « Platon, gorille des plaines », qui lui avait visiblement « tapé dans l’oeil ». Alain Delon, qui possède déjà le « Buffle d’Afrique de l’Est debout », a la gentillesse d’aimer mon travail et de me le dire.
Avec Alain Delon
Lors de la vente, une belle bataille s’est déroulé au téléphone entre lui et un collectionneur américain mais il a fini par l’emporter et m’a dit hier sa joie. C’est évidemment la mienne ! Quelle fierté d’être ainsi suivi par un collectionneur aussi averti, qui peut parler des heures des bronzes et des animaux, de la qualité d’une patine, de la ciselure, du relief et de la vie d’une pièce.
« Colcombet travaille vite car il voit déjà l’animal terminé dans sa tête avant de commencer à modeler la terre… »
On nous avait signalé l’existence d’un zoo à Ziniaré, village natal du Président de la République et distant d’environ 30 km de Ouagadougou. Nous avons donc décidé de nous y rendre.
Le long de la route, nous avons pu voir de très vastes exploitations maraîchères entourées d’un muret, à proximité d’un grand lac artificiel où les pêcheurs lançaient leurs éperviers.
L’entrée du zoo, accessible à tous, est gardée par quelques militaires, qui nous ont ouvert la grille après avoir eu les plus grandes difficultés à trouver 4 billets, que nous leur avons rendus après avoir payé (!). Nous étions les seuls visiteurs.
Il y a peu d’animaux mais ils sont beaux et disposent généralement de vastes espaces et d’une très grande tranquillité, voire d’un certain ennui, vue la faible fréquentation… Nous avons pu voir des girafes, des lions du Burkina, avec leur crinière clairsemée, deux grands éléphanteaux, des hippopotames très imposants, des crocodiles, des babouins, des autruches, mais aussi, ce qui est plus rare dans nos zoos, des hyènes, des élands, un phacochère et des buffles dont un mâle magnifique. Je crois n’avoir jamais vu de buffle d’Afrique dans un zoo Européen. Les pauvres babouins sont dans une cage minuscule en plein soleil et sont visiblement bien atteints psychologiquement.
Les normes de sécurité semblent totalement inexistantes, ce qui est stupéfiant. Un simple grillage sépare les visiteurs des lions ou des éléphants, que l’on pourrait donc toucher avec la main ; les autruches sont en liberté.
Plus étonnant encore, le grillage des éléphants manque sur environ 1m², au ras du sol. Lorsque je prenais des photos de ces animaux, le gardien m’a tiré par la manche pour me faire reculer car les trompes commençaient à se promener près de mes jambes.
Un phacochère doté d’énormes défenses.
Il y a dans ce zoo un énorme phacochère, avec des défenses gigantesques. Il semble avoir très mauvais caractère car si on le regarde trop longtemps, il charge et enfonce le grillage, qui est donc complètement déformé. A ma remarque sur la forte probabilité d’une évasion prochaine, le gardien m’a simplement répondu : « Nous sommes au courant » !
Eland
La cage des hippopotames est quant à elle très solide, heureusement !
Les deux réflexions habituelles que l’on entend lorsqu’on raconte une chasse en Afrique, c’est : « N’est-ce pas interdit de tirer des lions et des antilopes ? » (tirer un éléphant paraît même totalement inconcevable) et « ce doit être très dangereux ».
J’ai déjà écrit sur le premier sujet (cf. la note « Trafic d’ivoire » en février 2007 dans les Archives).
Concernant la deuxième remarque et la dangerosité de la chasse en Afrique, les réflexions ne portent pas sur les armes à feu, bien que les règles de prudence soient d’autant plus impératives que les carabines de grande chasse ont une portée extraordinaire. On fait plutôt allusion – moi le premier avant de partir au Burkina – aux insectes, aux scorpions, aux serpents, aux attaques de lion, de léopard, d’éléphants, de buffles, etc.
Nous n’avons pas vu un seul serpent, ni un seul insecte un peu impressionnant. Bien qu’ayant longuement marché dans la brousse, dans les hautes herbes, parfois dans les fourrés, nous n’avons jamais eu le sentiment de prendre des risques ou de nous trouver en situation dangereuse. Je l’ai rappelé : un animal n’attaque jamais l’homme sauf parfois s’il est suité et plus souvent s’il est blessé à mort. Ceci est d’ailleurs également valable, par exemple, pour nos sangliers, qui, à la chasse « démolissent » les chiens qui les serrent d’un peu trop près.
Les chasseurs avec qui j’étais n’ayant pas tiré ou bien ayant tué net, je n’ai pas assisté à ces charges d’animaux blessés.
J’ai évoqué il y a quelques jours une charge de lion. Voici le récit un peu plus complet que m’en ont fait les chasseurs, à leur retour au camp.
Ils ont entendu un matin des cris près d’un marigot et se sont approchés. C’était un lion et une lionne qui dévoraient un phacochère encore vivant. L’un des chasseurs a tiré sur le lion, mais celui-ci, blessé, s’est enfuit dans les buissons. Les chasseurs ont attendu car la réaction habituelle d’une lionne est de charger quand le lion est blessé ou tué (l’inverse n’étant pas vrai : le lion disparaît en abandonnant la lionne !). Au bout d’un quart d’heure, faute de charge, les pisteurs sont entrés en action et ont remonté la piste du sang jusqu’à 10 mètres de l’arbre mort derrière lequel se cachait le lion blessé. Les chasseurs étaient en ligne (deux chasseurs puis un garde-chasse puis les pisteurs), le guide, armé, étant à juste titre décalé de 10 mètres sur le côté pour avoir une bonne vue de l’ensemble de la scène. En professionnel, il connaît le danger de la situation et sait qu’il devra probablement intervenir très vite.
« Grand lion marchant » – Terre de D.Colcombet
Le lion a alors chargé. « Un lion qui charge rugit d’abord, ce qui laisse un bref instant pour se préparer, expliqua le guide. Mais quand il charge, c’est à la vitesse d’un bolide et pour tuer. Il entend régler de façon définitive le différend entre lui et le chasseur ». Malgré la terreur que doit inspirer l’animal se rapprochant, les deux chasseurs et le garde-chasse ont tiré, mais on n’arrête pas facilement une charge : outre l’émotion et la course du lion, qui peuvent expliquer qu’on rate la cible, les animaux qui chargent ont généralement une telle puissance que même une balle au cœur ne les stoppe pas instantanément. Il y a d’ailleurs sur internet une vidéo qui montre une scène analogue, où le lion charge de très loin et malgré de nombreux tirs, parvient jusqu’au chasseur, lui assène un coup de patte et repart.
http://www.youtube.com/watch?v=ohvxdbtHALA&feature=related
Pour en revenir à notre récit, le guide a alors épaulé, visé soigneusement et tué net le lion d’une balle en plein front, à… 4 mètres des chasseurs, qui, le soir, était encore un peu sonnés !
Enfin, lorsque la troupe est revenu au point de départ, près du marigot, les gourdes ont été retrouvées déchiquetées par la lionne revenue se venger sur les affaires !
« Le festin des lions » – Terre de D.Colcombet
Heureusement, je n’ai pas connu ces instants tragiques, qui laissent d’excellents souvenirs quand ils se terminent bien, mais qui ont coûté la vie ou de sérieuses blessures à bon nombre de guides professionnels. Pour stopper une charge de fauves, ils utilisent d’ailleurs une cartouche de chevrotines plutôt qu’une balle. Enfin, la traque de léopard blessé est paraît-il la plus dangereuse qui soit car l’animal est totalement silencieux, très rapide, bondit très loin et attaque à la gorge pour tuer…