UN SAFARI AU BURKINA FASO (2)

La réserve couvre une superficie d’environ 100 000 hectares (environ 30 km x 30 km) et est divisée en zones attribuées pour la journée à un groupe précis. Quand on sait qu’une balle de carabine peut avoir une portée de 3 000 à 4 000 mètres et qu’à 80 mètres, une blindée (on utilise des blindées ou des demi-blindées, selon la cible) traverse un arbre de 30 cm de diamètre, on comprend que les règles de sécurité soient très strictes.

Sculpture Colcombet Burkina Faso

La première crainte du chasseur est de tuer une femelle, ce qui est strictement interdit et entraîne de lourdes amendes. Si le dimorphisme sexuel (différences entre mâle et femelle d’une même espèce) est facilement repérable chez certaines espèces, comme le lion ou les antilopes dont seul le mâle porte des cornes (Cob Defassa par exemple), il est souvent délicat de s’y retrouver chez d’autres animaux comme les bubales ou les buffles. Les organes sexuels peuvent être masqués par les broussailles ou le positionnement de l’animal. Le pisteur doit en principe indiquer au chasseur, sans erreur possible, l’animal à tirer. Mais le chasseur reste responsable de ses actes. Pendant le safari, malgré l’assurance du pisteur, un des chasseurs bien inspiré a préféré attendre d’être certain que le bubale qu’il visait était bien un mâle, au risque de le perdre. Un veau a fini par accourir et téter la cible, ce qui a levé toute ambiguïté !

Sculpture Colcombet Burkina Faso

L’autre hantise du chasseur est de blesser un animal : il souffrira, les recherches seront longues, parfois infructueuses et souvent dangereuses, surtout pour les lions et les buffles mais même un phacochère ou un hippotrague peuvent charger s’ils y sont contraints. Les récits de traque de buffle dans les hautes herbes (les « pailles ») sont bien connus et font dresser les cheveux sur la tête. Les pisteurs considèrent cet animal comme le plus dangereux. Il y a deux ans, un buffle blessé a chargé les chasseurs et n’a pu être arrêté qu’à quelques centimètres, roulant presque sur l’un des pisteurs qu’il a couvert de bave et cassant une carabine. Pendant notre séjour, un lion blessé a chargé les chasseurs et n’a été stoppé qu’à 4 mètres d’une balle en plein front (je n’y ai hélas pas assisté). Dans ces moments dramatiques, il ne faut pas que la carabine s’enraye, ce qui arrive pourtant, compte tenu des chocs et de la poussière ambiante.

Sculpture Colcombet Burkina Faso

Pour éviter de blesser, il faut s’approcher suffisamment, idéalement à 60 mètres environ, tirer uniquement quand l’animal est arrêté et se présente bien, ne pas tirer sur un animal au milieu d’un troupeau et surtout avoir bien réglé sa carabine. C’est pourquoi, la première sortie sert à tirer quelques cartouches sur une cible à environ 80 ou 100 mètres. On corrige la hausse si nécessaire, le voyage ayant souvent déréglé la lunette de visée.

Enfin, les consignes de chasse données par les gardes sont strictes et limitent à quelques animaux de quelques espèces ce qui peut être tiré. Pendant notre safari, 2 chasseurs sur 5 n’ont rien tué et un autres n’a tué qu’un animal sur les deux autorisés.

Sculpture Colcombet Burkina Faso

Arrivé dans la réserve de chasse, on roule à très très faible allure, les pisteurs guettant les animaux ou les traces sur la piste. Les animaux aiment marcher sur ces espaces dégagés, doux pour les pattes, et y laissent leurs empreintes. On distingue rapidement sur le sable les traces anciennes des plus fraîches, aux arêtes aiguës. Si rien ne se présente, on s’arrête à bonne distance d’un point d’eau (environ 1 km) et sans le moindre bruit, on descend de voiture et l’on s’approche. Claquements de portières interdits ! Si des traces fraîches ont été repérées, les pisteurs commencent leur extraordinaire travail, les empreintes quittant généralement la piste pour s’enfoncer dans la brousse où il est beaucoup plus difficile de les repérer. Enfin, si un animal a été aperçu, il s’enfuit généralement quand la voiture s’arrête et il faut se mettre à sa poursuite, ce qui peut prendre 10 minutes ou… quatre heures ! Il est alors impératif de prendre avec soi les gourdes, de crainte de périr de soif, ce qui est un risque réel.

UN SAFARI AU BURKINA FASO (1)

Je viens de passer 10 jours dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, et je vous en ferai le récit au fil des jours.

L’ancienne Haute-Volta, dont la superficie est d’exactement la moitié de celle de la France, est peuplée de 14 millions d’habitants. Le Burkina a pour voisins le Niger, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Togo. Capitale : Ouagadougou, la seconde ville du pays étant Bobo-Dioulasso.

Sculpture Colcombet Burkina Faso

La cathédrale de Ouagadougou

Sculpture Colcombet Burkina Faso

Sculpture Colcombet Burkina Faso

Dans les rues de « Ouga »

Il y a plusieurs réserves de chasse au Burkina, la « nôtre » se situant au sud. Le Burkina est réputé parmi les chasseurs comme parfaite destination pour apprendre la grande chasse. En effet, on y trouve de nombreuses petites antilopes, des phacochères et beaucoup d’oiseaux. Avec l’expérience, on peut rechercher les grandes antilopes (Bubale, Cob Defassa, Hippotrague Rouan), des buffles – plus petits que ceux d’Afrique de l’Est mais tout de même très puissants, agressifs et donc impressionnants – et des lions, totalement ou partiellement dépourvus de crinière. Enfin, il y a de très nombreux éléphants, presque systématiquement adultes et jeunes, totalement protégés. Ils sont très irascibles.

Sculpture Colcombet Burkina Faso

En revanche, il n’y a pas de grands ongulés comme en Afrique orientale (gnous, zèbres, girafes, etc), ni de rhinocéros ou hippopotames.

Pour ma part, je ne chassais pas – je n’ai jamais chassé – mais j’étais ravi de suivre une chasse africaine, repensant à tous les récits d’Hemingway, Jules Gérard, Edouard Foa, Roosevelt, etc.

Sculpture Colcombet Burkina Faso

COMMENT SE DÉROULE LA CHASSE ?

Il faut partir tôt le matin, car la température monte vite. En milieu de journée, entre 12h et 15h, il peut faire 40°, ce qui terrasse et suffoque hommes et bêtes et les force au repos. A 9 heures, il fait déjà très chaud et l’on boit abondamment (environ 6 à 7 litres par jour !). Les animaux sont donc actifs en début et fin de journée, avant de se « remiser » à l’ombre des arbres ou dans les fourrés.

Sculpture Colcombet Burkina Faso

Il faut voir l’ambiance au camp de chasse, à l’aube : il fait encore nuit, les moteurs des land-rover tournent au ralenti, les pisteurs, cuisiniers, porteurs, chauffeurs s’affairent. Les chasseurs vérifient eux-même l’essentiel : la quantité d’eau emportée. Les carabines (souvent 375. H&H) sont disposées sur leurs supports dans chaque voiture et tout le monde part. Dans la campagne, les villageois sont déjà réveillés et font griller du poisson ; les ânes, très nombreux et vaquant en liberté, comme tout le bétail, braient ; les enfants saluent de la main les voitures avant de s’enfuir à toutes jambes. Après quelques km, on quitte la route pour la piste : c’est l’entrée de la réserve de chasse.

SARKOZY, LE CANADA ET LES PHOQUES

Dans la suite de ma note sur l’écologie de « bons sentiments », anti-scientifique (cf « Trafic d’ivoire » de février 2007), j’ai relevé une intéressante information dans la revue « Voyages de chasse » de février-mars-avril 2008. La France ayant menacé le Canada de boycotter les produits issus de phoques chassés là-bas, la sénatrice et leader de l’opposition Céline Hervieux-Payette a écrit une longue lettre à N.Sarkozy.

Elle lui rappelle que le Canada n’a pas de leçon à recevoir en matière d’écologie, qu’à titre d’exemple la population de phoques du Groënland, l’espèce la plus chassée, a triplé en 30 ans pour atteindre 5,5 millions de têtes, et que les images des bébés phoques blancs massacrés à coups de bâtons ont disparu depuis très longtemps.

Elle rappelle ensuite que les lobbies qui suscitent ce type de boycott ne sont pas tous de simples associations de gens désintéressés, car ils drainent de puissants enjeux financiers, leurs budgets pouvant se compter en dizaines de millions de dollars. Ils savent donc parfaitement manipuler les émotions à des fins lucratives.

Mais surtout, Madame Hervieux-Payette met à jour le nouvel ordre moral qui élève l’animal au rang de l’homme – voire au-dessus, lui accordant tous les droits mais aucun devoir et interdisant à l’homme toute action de régulation de sa population. Cet « animalisme », qui aboutit à la doctrine selon laquelle l’animal ne peut être instrumentalisé donc mangé, manie le « double concept d’animal-humain et animal-non-humain ». Ce qui pour finir ravale l’homme au rang de l’animal…

Heureusement, cette revue contient aussi des informations réconfortantes : le loup se porte bien en France et maintenant en Suisse, ce qui est nouveau. Dans l’hexagone, on en compterait au moins une centaine (chiffre probablement sous-estimé) répartis en un quinzaine de meutes et huit départements. A quand des loups dans le Massif Central, le Jura, la forêt de Fontainebleau, de Paimpont (Brocéliande) ?

TRAFIC D’IVOIRE

Un intéressant article dans Le Figaro de ce mardi (27 février 2007 – page 12) sur la recrudescence du trafic de l’ivoire d’éléphant, de l’Afrique vers l’Asie.

Il est émouvant de voir, sur la photo parue dans cet article, les centaines de défenses étalées. Certaines sont si grandes qu’elles dépassent de part et d’autre des palettes où elles sont posées. Je me souviens de cette image bien connue d’un immense brasier, au Kenya, fait de milliers de défenses récupérées auprès des braconniers et brûlées pour l’exemple sur ordre du gouvernement.

« Ahmed », gigantesque éléphant dont la statue a été placée devant le Muséum d’histoire naturelle de Nairobi au Kenya.

Je ne peux m’empêcher de rapprocher ce document d’un autre article, paru hier sur Yahoo : le WWF envisage de recommander l’abattage d’éléphants en Afrique du Sud. Le Word Wildlife Fund, dont l’emblème bien connu est un panda géant, reconnaît que la population des pachydermes est devenue si importante dans ce pays qu’elle met en danger l’écosystème et l’habitat des autochtones.

Ces deux articles illustrent bien la complexité de l’écologie et plus spécifiquement de la protection de la faune africaine. On est loin de l’écologie sentimentale qui pousse à protéger les bébés phoques uniquement parce qu’ils sont jolis. Si la hyène ou le crotale avaient été en danger, je ne suis pas certain qu’il y aurait eu la même mobilisation…

Sculpture bronze Colcombet éléphant d'Afrique couché

De plus, nous sommes bien mal placés pour donner des leçons de protection de la faune, nous qui ne supportons pas 10 ours dans les Pyrénées, avons éliminés tous les loups de France (qui heureusement reviennent), les bisons d’Europe, et failli détruire les lynx, les castors, les chats sauvages, etc.

La protection des éléphants pose de réels problèmes. Avant d’émettre un avis définitif, il faut avoir vu les dégâts occasionnés par une harde en déplacement en forêt, les arbres abattus pour quelques fruits, les cultures ravagées.

Les Africains, même au Kenya, en Tanzanie ou en Afrique du Sud, n’ont pour l’immense majorité jamais vu d’éléphants, qui séjournent en général dans des parcs lointains, dont l’entrée est chère. Mais les villageois qui habitent à proximité de ces parcs, eux, subissent les dommages occasionnés par leurs encombrants voisins. D’autre part, la disparition de la végétation en cas de concentration excessive des éléphants, met en danger l’équilibre du milieu et donc la présence des autres animaux et, à terme, toute la chaîne naturelle dans une région donnée.

Eléphant d'Afrique Burkina Faso sculpture Colcombet

Eléphant d’Afrique – Burkina Faso

Pourtant, on ne peut se résoudre à voir disparaître ces magnifiques animaux. Après le couagga, sorte de zèbre rayé sur le cou et la tête, après le dronte (oiseau dodo), le grand pingouin, l’éléphant pygmée, bientôt le rhinocéros blanc, le lion de l’Atlas et de l’Inde, la panthère de Chine (parmi bien d’autres), peut-on accepter que le plus grand mammifère terrestre soit rayé de la carte par la faute de l’homme ?

Certains pays ont une gestion intelligente de leur faune. L’Afrique du Sud par exemple, le Botswana aussi, ont si bien réussi à protéger leurs éléphants qu’ils y sont donc en surnombre. Les déplacer est extrêmement coûteux, complexe et aléatoire. Alors pourquoi ne pas accepter l’abattage de quelques spécimens ?

Sculpture bronze Colcombet éléphant d'Afrique

On remarque d’ailleurs que les régions où la chasse est autorisée voient en général leur faune s’enrichir, ce qui est fort logique : le prix des safaris-chasse et les taxes d’abattage sont tels que les gestionnaires de ces zones de chasse, au-delà de leur passion pour la faune, ont tout intérêt à préserver leurs sites. Leur présence quotidienne sur le terrain, avec de gros moyens, une gestion attentive (creusement de points d’eau, apports ponctuels de sel, éliminations des animaux tarés et des prédateurs en surnombre), mettent à mal les entreprises des braconniers, contre lesquels les garde-chasse nationaux, souvent hélas mal équipés et sous-payés, ne peuvent lutter, surtout quand c’est au péril de leur vie. Et tuer un animal sauvage qui n’est pas en voie de disparition n’est pas plus immoral que de manger un rôti de veau, du cochon de lait ou du caneton ! (NB : je ne suis pas chasseur).

Bronze Colcombet groupe d'éléphants d'Afrique en marche

Mais le vrai moyen de lutter contre le braconnage consiste à éviter absolument d’acheter des objets en ivoire, même anciens (car ils ne sont pas toujours aussi anciens qu’on le dit), et à sanctionner durement les importateurs illégaux d’Asie, qui raffolent des sceaux en ivoire ou autres babioles, certes traditionnelles, mais dangereuses pour la faune.

L’Asie et l’Arabie sont responsables en grande partie de la prochaine disparition très probable des rhinocéros, abattus pour leurs cornes, et c’est bien triste.