LA VALEUR D’UN BRONZE : « CERF BRAMANT » DE BARYE

Madame P. de Lyon me demande que penser du bronze dont vous voyez les photos ci-dessous. Ces photos sont idéales pour donner un avis complet sur un bronze : profil, dessous, signature.

Bronze ancien Barye Colcombet

Il s’agit du « Cerf bramant » de Antoine-Louis Barye. Il y a tant à dire sur ce sculpteur que je préfère être bref. Né en 1795 et mort en 1875, il a révolutionné la sculpture animalière. D’abord rejeté par le milieu académique de l’époque, il a connu un immense succès auprès du public dès 1831 avec son « Tigre dévorant un gavial » puis son « Lion écrasant un serpent » deux ans plus tard.

Très prolifique, il eut une vie riche et mouvementée, créa sa propre fonderie, eut de nombreux enfants et connut finalement une gloire immense. Il est véritablement à l’origine de la très grande école de la sculpture animalière française. Antoine-Louis eut un fils sculpteur appelé Alfred, qui signait souvent Barye tout court, ce qui a pu créer une certaine confusion (volontaire ?), mais les bronzes d’Alfred sont également magnifiques.

La contrepartie du succès fut la multiplication des exemplaires des bronzes de Barye, des plus beaux datés du vivant de Barye aux plus affreuses copies que l’on trouve sur certains sites internet de ventes aux enchères. Si l’on feuillette La Gazette de Drouot, on est sûr de voir chaque semaine des « Barye » à vendre ici ou là. Evidemment, tous n’ont pas le même intérêt et il faut s’y connaître un peu pour reconnaître les sujets les plus rares, les fontes les plus fines et les plus anciennes.

Le bronze ici présenté est un très bel exemplaire incontestablement ancien. Comment le sait-on ? On est grandement aidé ici par la plaque vissée sur le socle (« la terrasse »), qui précise « Offert par les ouvriers du XXX à leur patron M.XXX – 18 mars 1885 » (pour des raisons de discrétion, j’ai masqué les noms).

Bronze ancien Barye Colcombet

Mais s’il n’y avait cette plaque, on aurait une indication précieuse en retournant le bronze (première chose à faire quand on examine une pièce) et en reconnaissant la barre transversale typique des fontes de Barbedienne vers 1880.

On pourrait encore avoir l’assurance qu’il ne s’agit pas d’une copie en mesurant précisément les dimensions et en les comparant avec celles mentionnées dans « Le catalogue raisonné des sculptures de Barye », de MM. Poletti et Richarme (Univers du Bronze), qui fait référence : 18 cm x 5,6 cm pour la terrasse, ce sont bien les cotes exactes au millimètre près. En effet, les surmoulages sont toujours de taille légèrement différente. Je mentionne ce point dans un souci pédagogique car en l’occurence, ce contrôle est inutile tant l’authenticité du bronze est évidente.

Quatrième indice : la signature du fondeur, essentielle. On lit ici « Barbedienne fondeur », ce qui confirme que la fonte est du XIXème siècle, alors que « Barbedienne fondeur Paris » la daterait du début XXème.

Bronze ancien Barye Colcombet

Enfin, on voit un petit carré doré avec les initiales « FB » (comme Ferdinand Barbedienne). C’est ce que l’on appelle le « Cachet or ». Pour certains collectionneurs, cela signale des pièces fondues du vivant de Barye. Selon André Fabius, spécialiste de ce sculpteur, ce cachet a été utilisé entre 1876 et 1889 donc après sa mort.

 

Tout est cohérent : il s’agit bien d’une très belle pièce, qui semble, selon MM.Richarme et Poletti, être le pendant du « Cerf au repos ». Estimation : environ 3 000 à 4 000 Euros, mais un connaisseur pourrait monter plus haut. J’ai noté que le 17 février 2008, à la salle des ventes de St-Germain-en-Laye, cette pièce estimée 3000 Euros à 4000 Euros avait été vendue 3 100 Euros (environ 3 800 Euros frais compris). Un « Cerf au repos » (rebaptisé pour l’occasion « Cerf à l’écoute » !), daté de 1888, est quant a lui en vente le 5 avril prochain à Lille (Etude Mercier) et estimé 3 000 à 3 500 Euros.

La patine marron-vert n’est pas altérée, mais il y a un peu de vert-de-gris et la pièce a besoin d’un petit nettoyage. Je recommande de la laver à l’eau savonneuse, avec une petite brosse à dent, puis de bien la sécher et de la cirer, avec du cirage à chaussure traditionnel (pas de crème) puis de faire reluire. Elle prendra un éclat magnifique.

Merci à Mme P. de nous avoir montré un si beau bronze !

Si vous voulez en savoir plus sur vos bronzes animaliers, écrivez-moi à : damiencolcombet@free.fr, en joignant obligatoirement les dimensions et quelques photos de la pièce (profil, dessous, signature)

LA VALEUR D’UN BRONZE : « CHIEN SE SOULAGEANT » DE E.DELABRIERRE

Suite à ma précédente note « Quelle est la valeur d’un bronze animalier ancien ? », vous avez été nombreux à m’envoyer des photos de vos bronzes animaliers. Il y a un peu de tout : des pièces remarquables que je n’avais jamais vues, d’autres plus courantes, mais toutes ces photos sont très intéressantes, d’autant plus que toutes les images reçues sont nettes et permettent de bien identifier la pièce.

Je vous propose d’examiner ensemble, pour commencer, un sujet original, envoyé par Amaury C. de Dax. Il s’agit d’un « chien se soulageant », ou « chien déféquant » ou « chien accroupi ». Je pense que le thème, un peu embarrassant quoique fort naturel, a multiplié les appellations de ce bronze en vue d’atténuer le sujet…

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

C’est un bronze d’Edouard Paul Delabrièrre, né en 1829 et décédé en 1912. Curieusement, le nom de ce sculpteur est souvent écorché. Si Pierre Kjellberg, dans « Les bronzes du XIXème siècle » (Editions de l’Amateur), respecte parfaitement à l’accent près la signature de l’artiste, le Dr Hachet, dans son indispensable « Dictionnaire illustré des sculpteurs animaliers et des fondeurs » (Editions Argus Valentines) l’écrit Delabriere, comme de très nombreux commissaires-priseurs.

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

On ne sait pratiquement rien de la vie de l’artiste, si ce n’est qu’il a d’abord étudié la peinture avec le peintre Delestre, fut comme beaucoup à l’époque très influencé par Barye et présenta très régulièrement ses oeuvres au Salon de 1848 à 1898. On lui doit l’un des frontons en pierre du Louvre.

Le jugement de ses oeuvres varie : Kjellberg estime qu’il pousse beaucoup moins loin que Barye le détail alors pour le Dr Hachet, au contraire, il travaille très en détail. Pour ma part, je trouve qu’il y a de profondes différences d’une pièce à l’autre. Le « Premier gibier » (1892), qui représente un lion triomphant rapportant un lièvre à deux lionceaux, n’est pas fin et a un côté franchement pompier. Au contraire, « Les deux chiens au relais » ou le « Retour de chasse » est superbe.

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

Au delà du thème, qui peut rebuter, le chien envoyé par notre internaute fait incontestablement partie des très belles pièces. Il mesure 16 cm de haut mais voyez comme la tête du chien en plein effort est bien rendu, comme le renflement du cou serré par le collier est criant de vérité, comme les oreilles sont fines. Il possède de plus une patine superbe, comme on n’en voit plus guère sur les bronzes contemporains.

Delabrièrre a fait le pendant « Chien pissant », que j’aimerais beaucoup voir. Si vous l’avez chez vous, envoyez-moi une photo.

Le chien accroupi n’est pas une pièce très rare mais on la voit cependant assez peu (on rencontre davantage des oiseaux comme « Le Faisan »). Quant à sa valeur, elle n’est pas très élevée car Delabrièrre, à tort, n’est pas très coté. J’estime cette pièce autour de 700 à 800 Euros. Si vous la trouvez à ce prix, n’hésitez pas à l’acquérir car elle vaut vraiment le coup.

Bronze ancien Delabrierre Colcombet

Le hasard fait que justement ce bronze sera mis en vente le 8 avril à l’étude de Beaussant-Lefèvre, à Paris (avec encore une faute : « Delabriere » avec un seul R…). Il est estimé 300 à 500 Euros. A ce prix-là, même avec 20% de frais en plus, ce serait une très belle affaire !

Vous voulez connaître la valeur d’un bronze animalier ? Envoyez-moi ses dimensions et obligatoirement des photos (vue générale, dessous, signature du sculpteur, le cas échéant du fondeur) à damiencolcombet@free.fr

QUELLE EST LA VALEUR D’UN BRONZE ANIMALIER ANCIEN ?

Une nouvelle rubrique de ce blog s’ouvre : une sorte d’expertise des bronzes animaliers.

Bronze Colcombet Barye Hémione

Hémione – Antoine-Louis Barye (1795-1875)

Passionné depuis toujours par les bronzes du XIXème, je suis souvent sollicité pour donner mon avis sur une pièce. A vrai dire, je le donne parfois sans qu’on me le demande : je me souviens d’avoir vu dans la salle d’attente d’un dentiste une magnifique édition du « Cavalier tartare arrêtant son cheval » de Barye, dont le propriétaire pensait qu’il ne valait pas grand-chose. Il a été enchanté du prix auquel il a été adjugé en salle des ventes !

Bronze Colcombet Mêne Percheron

Cheval breton (grand modèle) – E.Frémiet (1824-1910)

C’est hélas très rarement le cas, mais peut-être avez-vous chez vous un Barye, un Mène, un Fremiet, un Bugatti même, dont vous vous ne savez rien mais qui est une très belle pièce. Au contraire, peut-être avez-vous un doute sur un cheval ou un lion dont vous soupçonnez que c’est une pâle copie ?

Bronze Colcombet Moigniez famille moutons mérinos

Famille de moutons mérinos – Jules Moigniez (1835-1894)

Envoyez-moi vos photos : vue générale, dessous de la pièce (très important !), signature du sculpteur et éventuellement marque du fondeur, avec les dimensions exactes et je vous donnerai mon avis.

Attention : sans ces photos et sans les dimensions, je ne pourrai rien vous en dire !

Bronze Colcombet dessous socle Barye cerf

Dessous du socle d’une belle fonte ancienne (XIXème siècle) d’un modèle de Barye

Adressez vos mails et photos à colcombetdamien@gmail.com. Je mettrai les photos des modèles les plus intéressants sur le site ainsi que mes commentaires, mais sans votre nom ni votre adresse mail.

OSA ET MARTIN JOHNSON

En août 2008, est paru « La beauté du monde » de Michel Le Bris. Belle couverture où l’on peut voir une photo ancienne de deux explorateurs, un homme et une femme, posant derrière le très grand lion que visiblement ils viennent de tuer.

Osa et Martin Johnson Colcombet

Une telle couverture, en tête de gondole, m’avait forcément marqué, mais j’avais quelques réticences à acheter ce livre tant le « filon » des grandes aventures romantiques dans l’Afrique des bêtes sauvages a été exploité, en particulier par les Américains (mais pas seulement). Pour faire vendre, il faut que la recette comprenne une faible femme qui va découvrir le monde sauvage, s’amouracher du rugueux chasseur blanc qui l’a sauvé des fauves et s’offrir quelques aventures avec un bel Africain musclé. Si possible, on y ajoute un incendie, quelques vieux coloniaux racistes et exploiteurs, un aventurier ivrogne et un meurtre. Pourtant, ne fait pas « Out of Africa » qui veut. Et tous les auteurs ne sont pas Romain Gary (« Les racines du ciel ») : ces livres écrits à la va-vite n’ont aucun intérêt.

J’ai fini la semaine dernière par céder à l’attrait de la couverture et à la renommé de l’auteur, Michel Le Bris, bien connu des visiteurs du Festival « Etonnants voyageurs » de St-Malo.

J’ai dévoré le livre en quelques jours (près de 700 pages quand même). A vrai dire, le début m’a justement fait craindre d’être tombé dans le piège des « best-sellers » ci-dessus. Mais non : Michel le Bris connait visiblement les clichés mais s’en détourne chaque fois de la plus heureuse manière.

Osa et Martin Johnson Colcombet

Martin et Osa Johnson

L’histoire raconte la vie d’Osa et Martin Johnson, au début du XXème siècle, couple d’explorateurs cinéastes et photographes, vivant aux Etats-Unis et rêvant de partir à l’autre bout du monde, ce qu’ils font en allant titiller les cannibales de Bornéo. De fil en aiguille, ils finiront par rencontrer tous les grands voyageurs américains du moment et feront un extraordinaire périple au Kénya. Le livre est donc séparé en deux parties très nettes : la vie aux Etats-Unis dans les années 1900-1910 puis l’Afrique, la plus captivante.

Michel le Bris s’est parfaitement documenté et décrit sans erreur la faune africaine, en particulier celle bien spécifique du nord-Kénya : gérénuks, oryx, girafes réticulées, zèbres de Grévy, etc. Tout juste ai-je relevé une petite confusion entre guépard et léopard (c’est ce dernier qui a des griffes rétractiles). Il évoque aussi le nom de quelques grands chasseurs dont j’ai lu les mémoires : Percival, J.A.Hunter, etc.

Colcombet sculpture Namibie

Lever de soleil en Afrique noire

En regardant la liste des oeuvres de Michel Le Bris, j’ai été surpris de lire « Africa, images d’un monde perdu (sur des photographies d’Osa et Martin Johnson ». Et là, surprise, j’ai réalisé que les héros du livre avaient bien existé !

En recherchant sur internet, j’ai découvert que tout ce qu’écrit l’auteur dans « La beauté du monde » est réel ! On peut même voir des extraits de films réalisés par Martin Johnson. Approfondissant mes recherches, jai découvert qu’Akeley, présenté dans le livre comme une sorte de génie fou de la taxidermie et un grand explorateur au pays des gorilles avait existé. Idem de tous les explorateurs décrits. On y retrouve notamment Denys Finch-Atton, l’amant de Karen Blixen (juste citée), et son mari Bror, rendus célèbres par le merveilleux film Out of Africa.

Le livre revêt donc un intérêt supplémentaire : c’est un véritable document sur l’extraordinaire vie des Johnson.

Sculpture bronze Colcombet Namibie

A lire donc, d’autant plus qu’ici ou là, Michel Le Bris sème quelques bribes de philosophie bien sentie. Juste un exemple, mis dans la bouche du père de Martin Johnson :

« On rêve d’un enfant, on l’élève quand il vient, du mieux qu’on imagine, on se sent prêt pour lui à tous les sacrifices, on veut le protéger, et on n’élève jamais qu’un étranger. Qu’on blesse sans le savoir, qu’on tient sans le savoir en cage. Dans la cage de nos projets pour lui, forcément, et puis forcément dans celle de nos préjugés. Mais comment, dites-moi, comment faire autrement ? Pour tous les parents, quand ils regardent leurs enfants, le monde est une menace. Pour les enfants, c’est une promesse… ».

« La beauté du monde » – Michel Le Bris – Grasset – 680 pages – Août 2008 – 21,90 Euros

Lien vers une vidéo relative aux Johnson : https://www.youtube.com/watch?v=QHQ2ats0eJY

ALAIN DELON ET PLATON

Je vous avais annoncé la belle vente de vendredi dernier (27 février) à Drouot. Me Leroy a su marier harmonieusement les « grands anciens » – Rosa (tableau) et Isidore (bronze) Bonheur, PJ Mène, Godchaux, Rötig, Fratin, Guyot, Jouve et bien d’autres – et les artistes contemporains aussi variés que Danielle Beck (les zèbres), José Maria David, Corinne Marchais, So, l’extraordinaire Patrick François, Umberto (une pieuvre magnifique !), etc.

Bronze Colcombet gorille des plaines assis

Quelques jours avant la vente, Alain Delon, grand collectionneur de bronzes animaliers, en particulier de Rembrandt Bugatti et de Georges Lucien Guyot, m’a appelé pour me parler de « Platon, gorille des plaines », qui lui avait visiblement « tapé dans l’oeil ». Alain Delon, qui possède déjà le « Buffle d’Afrique de l’Est debout », a la gentillesse d’aimer mon travail et de me le dire.

Bronze Colcombet Alain Delon

Avec Alain Delon

Lors de la vente, une belle bataille s’est déroulé au téléphone entre lui et un collectionneur américain mais il a fini par l’emporter et m’a dit hier sa joie. C’est évidemment la mienne ! Quelle fierté d’être ainsi suivi par un collectionneur aussi averti, qui peut parler des heures des bronzes et des animaux, de la qualité d’une patine, de la ciselure, du relief et de la vie d’une pièce.