Pour la première fois, je me suis lancé dans le monde merveilleux des mammifères marins. Si ce cachalot (long. : 40 cm environ) rencontre un bon accueil, je poursuivrai mon projet de réaliser aussi baleines, orques, dauphins, bélugas, narvals, etc.
Pour des raisons assez compréhensibles – Barye n’a jamais quitté la région parisienne – ce thème n’a pas été exploré par les grands maîtres du XIXème siècle. Peut-être auraient-ils pu s’inspirer des nombreuses gravures anciennes représentant une baleine ou un cachalot échoué mais il aurait manqué le réalisme si fort qui caractérise les bronzes de Barye, Frémiet, Mêne et tant d’autres. Et de nos jours encore, bien peu d’artistes se sont attaqués à ce sujet, en particulier au cachalot.
Pour être précis, il faut d’abord dire que j’ai réalisé une femelle et son petit de grand cachalot (Physeter macrocephalus ou Physeter catodon), bien différent du cachalot pygmée (Kogia breviceps) et du cachalot nain (Kogia simus), dont la longueur ne dépasse pas 4 mètres et qui ont davantage l’allure d’un requin. Physeter vient du mot grec Physo, qui signifie souffler.
Le cachalot, qui fait partie de la famille des Odontocètes (baleines à dents), n’est pas le plus grand des mammifères marins, puisqu’un grand mâle mesure moins de 20 mètres de long et pèse moins de 60 tonnes (une femelle est plus petite) alors qu’une baleine bleue peut dépasser les 30 mètres et les 180 tonnes. Mais le cachalot est un étonnant phénomène ! Tout d’abord, il possède un profil vraiment curieux, avec son énorme tête rectangulaire qui représente un tiers à un quart du corps. Elle contient une énorme quantité (jusqu’à une tonne !) d’une matière visqueuse, le spermaceti, dont on ne connaît pas exactement la fonction. Le spermaceti pourrait jouer un rôle soit dans la plongée en eau profonde, soit dans l’écholocation des proies. Le cachalot possède aussi le plus gros cerveau du règne animal : 8 kg. Son corps est marquée de profondes stries, ce qui lui donne un aspect un peu fripé, mais aussi de cicatrices venant des combats entre mâles, des ventouses et becs des calmars géants ou encore des parasites dont le squalelet féroce, sorte de petit requin qui découpe des rondelles de chair dans le corps des mammifères marins. La nageoire dorsale des cachalots est petite, triangulaire et située très en arrière. Elle se prolonge jusqu’à la queue par une série de bosses.
Le cachalot est un champion de plongée en grande profondeur : sortant de l’eau sa large queue, il peut descendre verticalement jusqu’à 2000 mètres de profondeur, dans la nuit abyssale où il est soumis à une énorme pression. Son organisme est adapté à cette performance, qui peut durer 90 minutes (rappelons que le cachalot n’est pas un poisson et qu’il doit donc respirer en surface) : sa cage thoracique, son sang, son cerveau, son sonar lui permettent de réaliser de telles prouesses et de trouver en grande profondeur des calmars géants dont il se nourrit. La mandibule inférieure de ces géants est curieusement étroite et garnie de 40 à 50 grosses dents de près d’un kilo chacune.
Une autre particularité assez rare chez les mammifères : le cachalot est un animal dissymétrique. En effet, il ne possède qu’un seul évent (une narine), toujours située sur le côté gauche, au bout du crâne. Son souffle est facilement reconnaissable car il est incliné à environ 45 degrés.
C’est ce souffle qui permettait aux hommes de repérer les cachalots et de les attaquer au harpon afin d’en extraire l’huile, de très grande qualité, le spermaceti et aussi l’ambre gris, concrétion que l’on trouve parfois dans l’estomac de ces mammifères marins, et qui est utilisée en parfumerie. La chasse aux cachalots a connu son plein essor au XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle, puis elle a fortement décliné avant de reprendre dans les années 1940, notamment de la part de l’Allemagne. La Commission baleinière internationale a définitivement protégé le cachalot en 1985. On peut toutefois encore voir des vidéos de chasse au cachalot par exemple ici : https://www.youtube.com/watch?v=P1IEnS3ZFcg
Malgré la chasse intensive qui leur a été faite, les effectifs des cachalots sont encore importants : autour de 350 000 individus, présents dans toutes les mers du globe ou presque, à condition qu’il y ait une grande profondeur. Les femelles préfèrent les eaux chaudes, tropicales, alors que les mâles n’hésitent pas à entreprendre de grandes migrations entre ces groupes de femelles et les eaux polaires.
Et pour terminer, une histoire étonnante : en 1820, en plein océan Pacifique, le navire baleinier L’Essex a été attaqué à deux reprises par un très grand cachalot, qui, à coups de tête dans la coque, a réussi à couler le bateau. Les marins ont pu s’échapper sur des chaloupes mais, manquant de vivres et d’eau, la plupart sont morts en mer. Plusieurs ont été mangés par les survivants et même, événement terrible, l’un des marins vivants a été tiré au sort pour être tué et servir de repas aux autres. Sur les 21 hommes de l’équipage de l’Essex, seuls 5 ont survécu.
Pour admirer ces splendides créatures que sont les cachalots, je vous conseille de regarder cette vidéo réalisée près de l’île Maurice : https://www.youtube.com/watch?v=fXpt7rZg-lk
Enfin, je m’en voudrais de ne pas signaler le très étonnant faux cachalot que le collectif belge « Captain Boomer » place à des endroits incongrus comme le quai de la Vilaine à Rennes, de la Tamise à Londres, de la Seine à Paris, etc. Il s’agit d’une oeuvre d’un réalisme saisissant (avec même les odeurs !), accompagnée d’artistes jouant le rôle de scientifiques : https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/rennes-un-faux-cachalot-s-echoue-sur-les-rives-du-fleuve-vilaine-7783927199