Suite à ma précédente note « Quelle est la valeur d’un bronze animalier ancien ? », vous avez été nombreux à m’envoyer des photos de vos bronzes animaliers. Il y a un peu de tout : des pièces remarquables que je n’avais jamais vues, d’autres plus courantes, mais toutes ces photos sont très intéressantes, d’autant plus que toutes les images reçues sont nettes et permettent de bien identifier la pièce.
Je vous propose d’examiner ensemble, pour commencer, un sujet original, envoyé par Amaury C. de Dax. Il s’agit d’un « chien se soulageant », ou « chien déféquant » ou « chien accroupi ». Je pense que le thème, un peu embarrassant quoique fort naturel, a multiplié les appellations de ce bronze en vue d’atténuer le sujet…
C’est un bronze d’Edouard Paul Delabrièrre, né en 1829 et décédé en 1912. Curieusement, le nom de ce sculpteur est souvent écorché. Si Pierre Kjellberg, dans « Les bronzes du XIXème siècle » (Editions de l’Amateur), respecte parfaitement à l’accent près la signature de l’artiste, le Dr Hachet, dans son indispensable « Dictionnaire illustré des sculpteurs animaliers et des fondeurs » (Editions Argus Valentines) l’écrit Delabriere, comme de très nombreux commissaires-priseurs.
On ne sait pratiquement rien de la vie de l’artiste, si ce n’est qu’il a d’abord étudié la peinture avec le peintre Delestre, fut comme beaucoup à l’époque très influencé par Barye et présenta très régulièrement ses oeuvres au Salon de 1848 à 1898. On lui doit l’un des frontons en pierre du Louvre.
Le jugement de ses oeuvres varie : Kjellberg estime qu’il pousse beaucoup moins loin que Barye le détail alors pour le Dr Hachet, au contraire, il travaille très en détail. Pour ma part, je trouve qu’il y a de profondes différences d’une pièce à l’autre. Le « Premier gibier » (1892), qui représente un lion triomphant rapportant un lièvre à deux lionceaux, n’est pas fin et a un côté franchement pompier. Au contraire, « Les deux chiens au relais » ou le « Retour de chasse » est superbe.
Au delà du thème, qui peut rebuter, le chien envoyé par notre internaute fait incontestablement partie des très belles pièces. Il mesure 16 cm de haut mais voyez comme la tête du chien en plein effort est bien rendu, comme le renflement du cou serré par le collier est criant de vérité, comme les oreilles sont fines. Il possède de plus une patine superbe, comme on n’en voit plus guère sur les bronzes contemporains.
Delabrièrre a fait le pendant « Chien pissant », que j’aimerais beaucoup voir. Si vous l’avez chez vous, envoyez-moi une photo.
Le chien accroupi n’est pas une pièce très rare mais on la voit cependant assez peu (on rencontre davantage des oiseaux comme « Le Faisan »). Quant à sa valeur, elle n’est pas très élevée car Delabrièrre, à tort, n’est pas très coté. J’estime cette pièce autour de 700 à 800 Euros. Si vous la trouvez à ce prix, n’hésitez pas à l’acquérir car elle vaut vraiment le coup.
Le hasard fait que justement ce bronze sera mis en vente le 8 avril à l’étude de Beaussant-Lefèvre, à Paris (avec encore une faute : « Delabriere » avec un seul R…). Il est estimé 300 à 500 Euros. A ce prix-là, même avec 20% de frais en plus, ce serait une très belle affaire !
Vous voulez connaître la valeur d’un bronze animalier ? Envoyez-moi ses dimensions et obligatoirement des photos (vue générale, dessous, signature du sculpteur, le cas échéant du fondeur) à damiencolcombet@free.fr