Le Petit Palais, dont même France Culture admire les remarquables expositions (c’est dire !), présente pour la première fois en France une grande rétrospective de l’oeuvre du peintre Jusepe de Ribera (1591-1652).
L’un des tableaux qui, à l’entrée de l’exposition, accueillent le visiteur et représentent Les cinq sens
Je ne vais pas décrire ici la vie de ce grand peintre car ce serait un peu long. Rappelons simplement que, né près de Valence en Espagne en 1591, fils d’un cordonnier, Ribera se serait formé dans l’atelier d’un peintre connu à Valence puis en Italie où il arriva dans le années 1600. On sait qu’il était à Rome en 1613 et qu’il s’oriente alors vers le caravagisme. En 1616, il quitte Rome où il a de trop nombreuses dettes de jeu et s’enfuit à Naples, en pleine effervescence artistique et architecturale.
Saint Jude Thadée, acquis il y a une dizaine d’années par le musée de Rennes en partie grâce à une souscription
Grâce à son travail dans cette ville, Ribera, que l’on surnomme Le Spagnoletto en raison de ses origines et de sa petite taille, acquiert une très grande renommée qui s’étend bien au-delà de l’Italie. On ne sait pas tout sur cet artiste. Selon certains, il ne serait autre que celui qu’on appela longtemps Le maître du jugement de Salomon, à qui de nombreuses toiles furent attribuées et dont on ignorait le nom.
Magnifique Adoration des bergers. On relèvera la présence au pied de l’enfant de l’agneau lié qui préfigure le sacrifice du Christ et fait penser à L’Agneau mystique de Zurbaran.
Détail de l’Adoration des bergers
Les années 1650 à 1660 le mènent à la gloire grâce à une intense production destinée tant à l’Italie qu’à son Espagne natale. Il possède une grande propriété à Naples. Ses tableaux, souvent de commandes, sont généralement d’inspiration religieuse. On lui demande de décorer de nombreux palais et églises dont la Chartreuse Saint-Martin de Naples, travail qui lui prendra plusieurs années. Les Apôtres, Saint Jérôme, le martyr de Saint Barthelemy qui fut dépecé vivant se retrouvent à plusieurs reprises dans son oeuvre mais il réalise aussi des tableaux profanes : paysages, personnages du peuple ou importants, scènes mythologiques, etc.
Détail de Deux philosophes (Anaxagore et Lacide). Ribera peint de façon stupéfiante les mains (cf. ci-dessous) et… les livres et papiers.
Ci-dessus et ci-dessous : détail de Deux philosophes
Détail de Saint Jérôme et l’ange du Jugement
Ribera meurt à Naples en 1652 à 61 ans. Dans sa vie, il rencontra de nombreux peintres illustres dont Diego Velasquez qui lui acheta plusieurs oeuvres. Il fut aussi le maître de Luca Giordano. L’exposition montre qu’il était non seulement un peintre mais aussi un graveur de haut niveau.
Un philosophe : l’heureux géomètre. Un Ribera découvert il y a peu dans une propriété de l’ouest de la France. Mis en vente à Drouot en juin 2020 et estimé 200 000 € à 300 000 €, il a été adjugé à plus de 1,8 millions d’Euros.
Dans plusieurs tableaux de Ribera, on retrouve le drôle de petit bonhomme de L’heureux géomètre. Ainsi, dans Le reniement de Saint Pierre, on le voit à l’arrière-plan tendre un doigt accusateur vers l’Apôtre.
Au centre de l’exposition du Petit Palais, une très curieuse scène représente une des curiosités de l’époque : Une femme à barbe, ici allaitant son enfant en présence du mari. Cette femme est Magdalena Ventura, Italienne mère de trois enfants. Ce portrait est étonnant à plus d’un titre : le visage de la femme est très masculin, tout comme sa carrure, et le sein gonflé de lait est étrangement placé sur le torse de la mère. Cette toile a été commandé par le vice-roi de Naples, un Espagnol, collectionneur de portraits de personnages « au physique monstrueux ».
Ribera. Ténèbres et lumières. Petit Palais à Paris jusqu’au 23 février 2025