Il y a des noms qui font accourir les amateurs d’exposition : Caillebotte est l’un d’eux. On a tous en tête les plus célèbres de ses toiles : Les raboteurs de parquet, Le Pont de l’Europe, Les périssoires, etc. C’est donc avec la certitude d’un succès que le Musée d’Orsay présente jusqu’au 19 janvier 2025 « Caillebotte. Peindre les hommes« .
Les raboteurs de parquet
Homme de petite taille (1m67 selon son livret militaire), Caillebotte (1848-1894) fut à la fois peintre, mécène et collectionneur. Héritier d’une importante fortune acquise par sa famille dans la vente aux armées de drap et couvertures militaires, il n’eut jamais de soucis financiers et se consacra à ses passions dont l’horticulture et le nautisme, qu’il soit à rames ou à voile. On disait de son demi-frère (son père, veuf deux fois, s’est marié trois fois), prêtre, qu’il était le curé le plus riche de Paris – et on ajoutait : le plus généreux aussi.
Jardin de la cuisine, Petit Gennevilliers
Grand amateur de peinture, Gustave Caillebotte fut un véritable mécène pour les Impressionnistes, finançant leurs expositions, achetant – avec beaucoup de discernement – un certain nombre de leurs tableaux, offrant les dîners annuels où se retrouvaient ces peintres, les hébergeant chez lui, etc.
Un refuge boulevard Haussmann
Après sa licence en droit, il entre dans l’atelier du peintre classique Léon Bonnat (on ne dira jamais assez combien, par leur exigence, les peintres classiques ont formé de grands artistes) puis aux Beaux-Arts de Paris où il ne reste qu’un an. Sa peinture est réaliste et décrit généralement le quotidien des ouvriers, des passants. Son tableau Les raboteurs de parquet est refusé au Salon de 1875, le jury le trouvant purement descriptif du quotidien des ouvriers et donc sans intérêt. C’est pourtant aujourd’hui l’une de ses oeuvres les plus appréciées. La beauté de la pièce avec son parquet neuf, ses lambris soigneusement peints, les volutes du bacon, mais aussi la chaleur extérieure que l’on devine, l’éclairage de la pièce, la conversation entre les ouvriers, tout cela rend cette scène fascinante et montre le talent de Caillebotte.
Jeune homme à sa fenêtre
Constatant que dans sa famille, on meurt jeune, Gustave rédige son testament dès 1876, alors qu’il n’a encore que 28 ans. Il ne disparaîtra pas aussitôt mais néanmoins à un âge encore très jeune puisqu’un jour, alors qu’il peint dans son jardin, il est frappé par une congestion cérébrale. Il n’a que 45 ans. A son enterrement, se presse une foule innombrable, témoignage de l’affection que tous lui portaient.
Balcon
Caillebotte vendit très peu de toiles de sa main mais accumulait les oeuvres de ses contemporains, tout en faisant preuve de rigueur et exigence. Sa collection fut léguée à l’Etat.
Gustave Caillebotte s’est inspiré de tous types de sujet, des paysages aux natures mortes, des portraits aux scènes de genre, de la ville à sa propre famille. Mais l’exposition d’Orsay, comme son nom l’indique, s’intéresse théoriquement à un angle bien précis de l’oeuvre de l’artiste : les hommes. En fait, ce thème est très large – n’est-ce pas même un prétexte ? – et permet de montrer presque toute la palette du peintre. Un grand nu de femme allongé sur un divan semble d’ailleurs fort éloigné du sujet mais il aurait été dommage de ne pas l’exposer.
Portrait de Paul Hugot
Quel sentiment ressent-on à la fin du parcours au cours duquel on a pu admirer de nombreuses peintures très connues de Caillebotte ? Curieusement, un mélange d’admiration et une certaine déception… Bien sûr, bien des oeuvres sont remarquables, on est heureux de voir « en vrai » les plus renommées, on ne peut s’empêcher d’être soufflé par le point de vue audacieux des certaines vues presque aériennes, mais plusieurs scènes laissent l’impression d’être figées, plates même, tandis que d’autres semblent maladroites. J’ai bien conscience qu’il peut paraître sacrilège de parler ainsi d’un des grands impressionnistes mais la fréquentation assidue des musées m’autorise parfois à porter un jugement un peu… abrupte. Je serais heureux de savoir si d’autres visiteurs ont ressenti le même malaise face à quelques-unes des grandes peintures de Caillebotte, que je présente ci-dessous.
Rue de Paris, temps de pluie. Une immense toile, d’une belle composition, mais figée, tout comme la suivante.
Le Pont de l’Europe
Partie de bézigue. Une scène amusante mais qui révèle quelques soucis de perspective (table) et de proportions notamment du joueur de gauche qui tient ses cartes et possède une tête curieusement grosse.
Une course de bateaux. Le voilier est très étrange : on ne sait s’il flotte ou s’il vole…
« Caillebotte. peindre les hommes » – Musée d’Orsay – Jusqu’au 19 janvier 2025