UN BRONZE ORIGINAL ? UN EXEMPLAIRE MULTIPLE ? UN SURMOULAGE ? UNE COPIE ?

Certains s’étonnent de retrouver, au hasard des galeries et des ventes aux enchères, des bronzes identiques en multiples exemplaires ; d’autres pensent qu’un sculpteur contemporain pourra faire fondre 10, 20, 50 exemplaires de son modèle ; on dit aussi qu’il y a beaucoup de faux bronzes et qu’il est très difficile de reconnaître les vrais…

Bronze Barye Colcombet

La panthère de Tunis, par Antoine-Louis Barye (1795-1875)

En réalité, il faut distinguer la période avant et après le décret du 3 mars 1981, qui a réglementé la production d’éditions originales.

Ce décret prévoit que l’artiste doit choisir le nombre d’épreuves qu’il va produire :

– soit « tirage original » : huit en chiffre arabes (1/8, 2/8,… 8/8) et quatre en chiffres romains (I/IV, II/IV, … IV/IV). Bien que de qualité identique aux huit premières, ces quatre dernières portent le cachet EA, soit « Epreuve d’artiste ». ; en principe, elles ne sont pas destinées à la commercialisation, mais à l’artiste, ses proches, ses amis…

– soit pièce unique gravée « PU ».

– soit multiples au-delà des 12 exemplaires numérotés, par exemple 1/50, 2/50, jusqu’à 50/50.

Le texte prévoit que, outre le numéro de l’épreuve ainsi défini, un bronze doit obligatoirement comporter la signature du sculpteur, le cachet du fondeur et le millésime de l’année de la fonte.

Bronze Barye Colcombet

Taureau cabré, par Antoine-Louis Barye (1795-1875)

Enfin, le décret précise qu’une reproduction est un « surmoulage réalisé lorsque l’œuvre est tombée dans le domaine public, c’est-à-dire 70 ans après la mort de l’artiste. Le mot « reproduction » est alors gravé sur la pièce. »

Tout semble clair. Théoriquement… Car en fait ce texte est très récent (25 ans) et les bronzes antérieurs ne faisaient l’objet d’aucune réglementation de cette sorte. De plus, de nombreux fondeurs, comme Susse et Barbedienne, par exemple, fondaient volontiers les œuvres en plusieurs dizaines voire centaines d’exemplaires. Ce n’est pas pour autant qu’elles étaient de qualité médiocre : d’une part, le savoir-faire de ces grands fondeurs était exceptionnel, d’autre part, si le décret de 1981 a eu pour mérite de réguler le marché du bronze d’art, ce n’est pas parce qu’il prévoit qu’il y a 12 originaux que les pièces suivantes seraient de moindre qualité. Enfin, pour ajouter un peu à la confusion, certains fondeurs du XIXème siècle, comme More par exemple, choisirent volontairement de numéroter leurs pièces.

Mes bronzes sont numérotés 1/8 à 8/8 et I/IV à IV/IV.

Bronze Barye Colcombet

Lion qui marche, par Antoine-Louis Barye (1795-1875)

LE TRAVAIL DE LA TERRE

Il existe plusieurs façons de sculpter. En réalité, les pièces présentées sur ce site sont issues du modelage. En raccourci, on peut dire que lorsqu’on enlève de la matière, on sculpte (une statue en bois, en marbre…) et quand on en ajoute, on modèle (plâtre, terre, cire…).

Ici, les animaux ont donc été modelés à partir d’un bloc de terre glaise, préparée spécialement à cet effet, alternativement avec les doigts et avec des petits outils en bois ou en métal, que l’on appelle mirettes et ébauchoirs. Mais de nombreux petits ustensiles de la vie quotidienne sont souvent bien utiles : crayon, clou, morceau de bois, pinceau…

La terre ne sèche pas tant qu’elle est étroitement couverte par un plastique. En revanche, à l’air libre, elle sèche, plus ou moins vite, ce qui oblige à la mouiller au vaporisateur. Mais cet inconvénient peut être un avantage : pour travailler certains parties précises, il vaut mieux parfois que la terre soit plus sèche, plus rigide. Pour coller des pièces entre elles, on a recours à un mélange de terre et de beaucoup d’eau, préparé un peu à l’avance, et qui a la consistance du beurre bien mou.

Il existe de nombreuses sortes de terre : blanche, grise, rouge, etc. Leur composition est différente et chaque artiste a ses préférences. La terre change radicalement de couleur selon qu’elle est humide, sèche ou surtout cuite (à très haute température et dans des fours particuliers). Par exemple, les modèles ici présentés ont tous été réalisés en terre rouge. Elle apparaît pourtant beige, mais c’est parce qu’elle est « crue ». Elle prend une belle couleur rouge brique à la cuisson. Cuite ou non, elle peut être teintée avec des pigments de toutes couleurs. J’utilise presque toujours de la terre lisse mais il existe des terres dites « chamottées », qui contiennent des grains plus ou moins gros d’argile cuite. Le choix de la terre est un sujet fréquent de discussion et d’échanges entre artiste.

Colcombet sculpteur démonstration terre argile Cristel

Pourquoi cuire les pièces ? C’est toujours un grand risque : une petite bulle d’air laissée pendant le modelage – ce qui est fréquent – fera éclater la pièce, au mieux en quelques morceaux que l’on recollera avant de lisser l’ensemble avec du plâtre, au pire en de nombreux petits morceaux irréparables. Mais cuire une pièce la rend beaucoup plus solide puisqu’elle devient dure comme de la pierre et pourra donc être conservée. Si elle est destinée à la fonte, elle pourra généralement être récupérée après la fonte, qui la malmène un peu. Une pièce en terre non cuite ressort en miettes de la fonte.

SCULPTEUR ANIMALIER

Damien Colcombet sculpteur

Alors que j’étais déjà passionné par la faune depuis mon tout jeune âge, c’est un bronze aperçu un jour chez un antiquaire de Rennes, représentant un héron pris au piège et dont j’ignore encore l’auteur, qui provoqua en moi le choc de la sculpture, à la période de l’adolescence.

Ce fut une révélation, comme s’il devenait possible d’approcher à courte distance des animaux sauvages jusqu’alors trop farouches ou menaçants.

Sculpture bronze Colcombet Namibie

De nombreuses visites dans les zoos, les cirques, des voyages au Kenya, en Tanzanie, au Burkina Faso, en Namibie n’ont fait que renforcer le sentiment que chaque animal est un mystère que l’on ne peut que contempler et admirer longuement.

J’essaie de représenter dans mes animaux une certaine vie intérieure, lourdement marquée par l’instinct. Un peu comme Jules Renard, Colette ou Marcel Aymé, qui décrivent « le cygne et la plomberie orgueilleuse de son cou », l’écureuil qui meurt de peur, le loup qui ne peut se retenir de manger les petits enfants, j’imagine les animaux acceptant sereinement et avec lucidité leur statut officiel, l’aspect inéluctable de leur destin.

Sculpture Colcombet gorille dos argenté Pythagore

L’éléphant admet être lourd, placide et puissant ; le buffle reconnaît qu’il est obtus et brutal ; le gnou sait qu’il a pour fonction essentiel de servir de repas aux fauves ; le guépard souffre tout de même un peu d’être un athlète hors-pair, certes, mais fragile et vulnérable… Et chacun fait pleinement son métier d’animal.

Modeler est d’abord une bataille : avant de commencer, lutte contre l’appréhension de ne pas y arriver. Puis lutte contre le découragement quand une masse de terre ressemble si peu à la vie animale. Lutte encore quand les fragiles pattes ne supportent plus un corps trop lourd, quand une tête chargée de défenses s’incline et que le cou se brise, quand trois pattes touchant le sol n’assurent pas l’équilibre. On admire alors la perfection de la nature, qui sait faire, elle…

Sculpteur Damien Colcombet modelant une girafe en terre

Et puis, il y a le moment de grâce, quand l’animal naît. Il suffit de peu de choses : un cou un peu plus court, des oreilles mieux placées, un dos plus creux. Et c’est le miracle : le fauve est là, l’antilope vous regarde, l’éléphant se mettrait presque en marche.