Voici une petite anecdote illustrant la difficulté qu’il y a à identifier les « vrais » bronzes des « faux » bronzes.

Il y a quelques semaines, me promenant dans les boutiques des antiquaires, je repère deux bronzes : l’un représente une grande chienne de meute, est signée Mêne et présente une patine dorée. L’autre est une vache allaitant son veau, est également signé Mêne et possède une très belle patine marron foncée.

J’étais certain de la qualité de la chienne, d’une grande finesse (le moindre ongle était parfaitement ciselé). Un examen du dessous du socle montrait des écrous anciens, rouillés et irréguliers. De plus, les patines dorées n’étant plus du tout à la mode, il était certain qu’une fonte ou une copie récente aurait présenté une patine foncée.

Un examen attentif de la vache montrait également une très bonne ciselure et des détails très soignés. Bien entendu, l’antiquaire m’a expliqué que cette pièce valait beaucoup plus que le prix affiché (c’est un argument qui m’a toujours laissé sans voix, n’ayant aucun sens) et que plusieurs personnes étaient très intéressées (forcément…). Je dois dire que j’étais très tenté, mais un vague pressentiment me faisait hésiter. J’ai donc décidé de procéder à un examen extrêmement attentif de la pièce, sous la lumière. J’ai alors repéré deux sabots mal fendus, alors que les bronzes de Mêne et Frémiet sont toujours impeccables, et le ventre de la vache était un peu trop lisse. Nouvel examen jusqu’à découvrir 3 minuscules lettres sur le socle, cette signature étant la marque d’une fonderie contemporaine. La pièce était bien une reproduction, de très grande qualité mais très récente. Cette vache et son veau est d’ailleurs présentée sur le site internet de la fonderie.

Pour m’amuser, j’ai demandé à l’antiquaire, qui n’avait pas vu que j’avais repéré la marque de la fonderie, s’il pouvait garantir par écrit l’authenticité de ce bronze. il m’a répondu qu’il pouvait simplement mentionner : « Porte la signature PJMêne »…

Quels enseignements tirer de cette anecdote ?

En premier lieu que l’on peut toujours faire de bonnes affaires, la chienne saintongeoise, de Mêne, n’était pas chère.

D’autre part, évidemment, qu’il est extrêmement difficile de distinguer un « faux » bronze, si l’on peut appeler ainsi une reproduction récente, d’un « vrai », qui est soit une reproduction ancienne, soit un bronze du vivant de l’artiste. Il est certain que la notion de vrai et faux est toute relative, puisqu’elle se réfère essentiellement au décret du 3 mars 1981, qui prévoit en son article 9 : « Tout fac-similé, surmoulage, copie ou autre reproduction d’une oeuvre d’art originale au sens de l’article 71 de l’annexe III du code général des impôts, exécuté postérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent décret, doit porter de manière visible et indélébile la mention « reproduction ».

Si l’on fait une lecture littérale de ce décret, un bronze de Barye fondu courant 1980 n’a pas besoin de porter la mention « reproduction » et peut donc passer pour un bronze ancien, tandis que le même bronze fondu fin 1981 doit porter cette mention, ce qui, lorsqu’il est présenté en salle des ventes ou chez un antiquaire, le prive d’une grande partie de sa valeur, alors que le processus de fabrication est le même.

Pourquoi la vache ne portait-elle pas la mention « reproduction » ? Soit parce qu’elle a été fondue avant 1981, soit, plus probablement, parce que cette marque a été masquée, ce qui est facile à faire.

Bref, on comprend que, comme pour un meuble ou un tableau, il n’y a finalement que l’expérience, la connaissance acquise en étudiant des centaines de pièces, qui peut permettre de distinguer une bonne pièce d’une mauvaise.

Enfin, une dernière leçon à retenir de cette affaire : si l’on veut s’abstenir de tout risque lors de l’achat d’un bronze ancien, il faut soit se faire aider d’un expert – mais on n’en a pas toujours sous la main ! – soit privilégier les galeries spécialisées, comme, à Paris, la galerie Tourbillon au rez-de-chaussée du Louvre des antiquaires (M° Palais-Royal Musée du Louvre) ou bien L’Univers du Bronze, rue de Penthièvre.