Quelques jours après l’envoi du Groupe de bœufs (cf. note ci-dessous), j’ai reçu de Monsieur Marc S. des photos d’un autre bronze de Jacquemart.
Ayant rédigé une longue note sur les bœufs, je vais être plus bref à propos de ce fauve, mais je souhaitais le montrer car il absolument magnifique.
Presque tous les sculpteurs du XIXème et du début XXème ont réalisé au moins un lion : de Barye à Delabrierre, de Cain à Fratin, de Valton à Bugatti, cet animal semble les avoir tous fascinés par sa force, sa sauvagerie ou l’expression de noblesse. Quelques exceptions, toutefois, et non des moindres : Pierre-Jules Mêne – qui auraient néanmoins réalisé un « Lion de Haute-Nubie » dont on n’a jamais retrouvé trace – et Emmanuel Frémiet, qui préférait apparemment les ours.
Les lions ont été reproduits avec plus ou moins de bonheur. Ceux de Delabrierre et Cain sont un peu trop fiers et pompiers, ceux de Fratin sont ébouriffés et ne ressemblent pas vraiment à des lions, ceux de Barye sont presque tous très beaux, à l’exception du « Lion n°3 » dont la parfaite mise en pli montre qu’il sort visiblement de chez le coiffeur… Bien souvent, ces lions sont trop musclés, comme si ces fauves pratiquaient la musculation dans des salles de sport, ou bien ils sont curieusement bossus.
Or il n’en est rien avec ce lion de Henri Alfred Jacquemart (1824-1896). Au Jardin de Plantes à Paris, on peut admirer un autre de ses lions dans une attitude extrêmement naturelle : pattes avant légèrement fléchies, il hume le sol. Ici, l’animal est plus statique, dans une pose moins originale, mais du coup il paraît plus sobre que beaucoup. La crinière n’est pas exagérément abondante, ni parfaitement peignée, et la musculature de la bête reste dans des proportions raisonnables. Levant un peu la tête comme s’il prenait le vent, il semble en alerte sans prendre la pose pour l’éternité ! On note également qu’il possède un corps assez long, comme il se doit. Beaucoup de sculpteurs en ont fait un animal court et trapu, ce qui est une erreur.
Jacquemart a réalisé une lionne dans une attitude très proche, qui fait donc le pendant. Elle mesure 30 cm de long alors que le lion de notre internaute fait 33 cm. Elle a été adjugée 5000 Euros à St-Germain-en-Laye le 1er juillet 2007.
Elle était certes très belle, mais ce prix me semble toutefois un peu trop élevé. Il y a peut-être une explication à cela : elle semble la très exacte copie d’un exemplaire mis en vente chez Sotheby’s à Londres en novembre 2006 et qui n’a pas été vendue. Or le catalogue précisait qu’il s’agissait d’un chef-modèle. Il n’est pas impossible que cette pièce d’exception ait en fait traversé la Manche pour être reproposée à Paris.
Le lion de Monsieur Marc S. a peut-être un aussi beau pedigree que la lionne, mais ce serait étonnant. S’il s’agit d’une bonne fonte mais pas d’un chef-modèle, je pense que ce lion pourrait être estimé autour de 3000 Euros, ce qui est déjà élevé pour une signature certes de qualité mais qui n’est pas Barye.